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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Petit biquet deviendra grand…pourtant, personne ne l'aurait parié. Et c'est peut-être justement parce que personne ne l'aurait parié que John Kaltenbrunner est devenu l'ogre qui dévora Baker, sa bourgade natale.


Baker : encore un coin reclus des Etats-Unis, dégénéré en quelques siècles et décennies de consanguinité et d'immigration –comme si tous les pires relents de l'humanité s'étaient concertés pour se retirer dans une zone encore inhabitée du Nouveau Continent. Les pires ne sont pas ceux qu'on aurait pu imaginer –clochards, alcooliques, apatrides- mais surtout ceux qui, se distinguant à peine de ces catégories par le port d'un costume propre et d'une voiture fonctionnelle, se croient disposés à faire valoir leur loi éculée à la manière de petits rois furibonds. La crainte d'être minable semble d'autant plus grande que les probabilités de l'être sont avérées. Heureusement, Baker est une petite ville, et ses habitants semblent avoir trouvé un moyen de décharger leur angoisse de dépréciation sociale en lui permettant de s'incarner en l'un d'entre eux. La décharge cathartique ne s'effectue jamais consciemment : ainsi, John Kaltenbrunner ne sera pas élu du jour au lendemain comme représentant sur pattes de la cruauté de ses congénères, mais la pertinence de son élection se renforcera au fil des mois et des années, au gré de ses bizarreries comportementales, de ses passions obsessives, et d'une certaine forme de génie inquiétante.


Dans un climat de conte médiéval chargé de symbolique et d'inventions retorses, la légende autour de John Kaltenbrunner se forge peu à peu. Orphelin de père, mère sans joie, les sources de sa naissance ameutent les fantasmes les plus glauques. John s'élève d'un terrain stérile qu'il essaie de cultiver avec rage et acharnement ; alors qu'il a seulement neuf ans, il réussit à transformer la ferme familiale, la rendant non seulement productive et rentable, mais ne cessant outre de lui donner les moyens de s'agrandir et de se diversifier. John est un maniaque au génie agricole, acharné au travail, mais aussi profondément asocial. On comprend la fascination et l'effroi des habitants de Baker, et la transformation progressive de leurs sentiments en une traque acharnée contre ce pauvre hère qui s'est distingué de ses semblables sans jamais avoir semblé le vouloir.


Les atteintes portées au génie de John –aux seules émanations de la grâce qui parviennent à s'extirper de Baker- sont d'autant plus cruelles qu'elles révèlent la bassesse des intentions et qu'elles ne parviennent jamais totalement à miner leur victime. Au contraire, John Kaltenbrunner se gonfle et s'enorgueillit de sa vigueur, et résiste à tout va aux destructions, aux brimades, aux violences et à la diffamation. Pas un incendie, pas un saccage, pas un accident ne le feront dévier d'un aboutissement que lui seul semble connaître. En tentant de l'annihiler, les habitants de Baker finissent en réalité de parfaire sa constitution extrême. Son acharnement monomaniaque ne sera plus dirigé dans la construction d'un empire agricole mais dans la destruction de cette communauté flagellatrice.


Tristan Egolf possède un peu des caractéristiques de son personnage : avec une frénésie qui semble entièrement dirigée dans la volonté de décrire un microcosme poisse –sorte de terrain d'expérimentation pour humains dégénérés-, les descriptions s'enchaînent dans des envolées vers les recoins les plus obscurs de l'âme humaine, à un rythme soutenu ne laissant aucun répit. En tant que lecteur, il nous faut souffrir autant que John, et il nous faut ressentir la cadence effrénée de son destin. La première partie du Seigneur des porcheries est une ode à la destruction majestueuse. Mais une fois le climax atteint, la deuxième partie du livre se déroule avec un intérêt diminué, peut-être parce que John Kaltenbrunner, personnage désormais achevé et gonflé de haine à ras-bord, s'efface derrière la narration des employés de la décharge de Baker. C'est à travers eux que John décide en effet de prendre sa revanche, parce qu'ils représentent les déshérités de Baker –comme lui-, alors que sans eux, Baker croulerait sous les détritus. Même si le déchaînement revanchard et machiavélique des opérations menées par John ne fait pas perdre de sa frénésie au roman, celui-ci perd toutefois sa capacité à nous émerveiller. On comprend dès lors où veut nous conduire Tristan Egolf, et si l'acharnement de la plèbe contre John n'était pas vraiment compréhensible et pouvait susciter notre horreur dans la première partie du livre, le désir de revanche de John qui fait l'objet de la deuxième partie du livre semble légitime au point que ses pires machinations susciteront à peine l'étonnement.


Malgré tout, cet émerveillement sordide en partie occultée, il reste que le Seigneur des porcheries n'a pas fini de nous tourner dans la tête… Destin baroque, mystérieux… John Kaltenbrunner ne s'est pas exprimé une seule fois au cours des quelques quatre cent pages qui constituent le tracé de son itinéraire, et comme les habitants de Baker, nous devrons accepter l'idée de ne pas tout savoir.


« de toute notre existence, nous n'avions jamais vu quelqu'un qui soit animé d'une énergie aussi farouche. Plusieurs d'entre nous avaient approché Wilbur pour lui demander quel était le problème. Avait-il perdu tout son arbre généalogique dans une collision en chaîne de douze voitures ou quoi ? Des problèmes avec sa bonne femme ? Etait-ce la drogue ? Etait-il en conditionnelle ? Il devait y avoir une explication. Vu dans les rétroviseurs du camion, il semblait assouvir la soif de sang d'une vie entière sur quelques sacs d'ordures. Il en avait manifestement contre quelqu'un ou quelque chose, et nous n'étions pas entièrement sûrs que ce n'était pas nous. »


En cherchant à le détruire avec véhémence, la plèbe de Baker cherchait peut-être simplement à révéler quelque chose qui puisse être compréhensible dans le comportement de John. Ne reste qu'une légende, mais si parfaitement retranscrite que nous aurons l'impression de l'avoir vécue nous aussi…

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Vous qui êtes tentés de découvrir cet ouvrage sachez que vous allez faire un voyage littéraire hors du commun. Ici vous entrez dans le Midwest, à Baker et vous n'en ressortirez pas indemne car il s'agit là d'un roman/épopée celle de John Kaltenbrunner qui vint au monde d'une façon brutale et dont la vie se résume en combats à sa manière, la forte, contre l'injustice. A lui le veau gras ! A lui les combats de ceux de la plèbe, des rats, des citrons et trouver les moyens et les armes dont ils disposent pour vaincre les pouvoirs, les religieux, les abus de toute sorte.
C'est un récit exigeant, une longue narration qui retrace un combat douloureux d'un être épris de justice mettant finalement en lumière les bassesses humaines. C'est fort, déroutant, prodigieusement porteur d'images et messages. Une lecture inoubliable dans la forme, la portée, le style.
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Dans cette petite ville du Midwest, on est toujours le plouc de quelqu'un. Pas de chance pour Kaldenbrunner, il est le plouc émissaire.

Elever des poules ou assurer le métier de ripeur, comme John Kaldenbrunner n'est pas à la portée de tous. Tristan Egolf impose un personnage à forte personnalité qui est capable de s'opposer à la société dans le Midwest.

Dans ce Midwest on trouve des portraits de "trolls", de "citrons" et de "harpies". Ainsi nomme-t-il les différentes catégories sociaux-culturo-religieuses de son village. Et cela paraît à peine caricatural tellement les scènes sont décrites avec réalisme.

La violence des mots, John Kaldenbrunner l'a subi très tôt. Délaissé par sa mère, accaparée par la religion et escroqué par la même occasion, il a dû grandir bien seul et essuyer tous les coups.

Egolf crache sur les injustices et règle ses comptes dans ce roman coup de poing.
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Le temps venu de tuer le veau gras et d'armer les justes est le vrai titre du roman, référence biblique si l'en est car c'est bien de cela qu'il s'agit….
Le Seigneur des porcheries" est un livre provocateur et souvent choquant qui dépeint la vie dans une petite ville rurale en Pennsylvanie, qui a rencontré des difficultés pour être publié, faute d'éditeurs – et on pense ainsi au destin maudit de la Conjuration des imbéciles de J.K Toole, car née du même terreau du « deep south » américain.
Kev, un jeune homme marginalisé se révolte contre sa communauté et ses valeurs morales strictes. Il se lance dans une série d'actes de vandalisme et de destruction, y compris la libération d'animaux de ferme et la destruction de biens publics.
Le style d'écriture de Tristan Egolf est brut et intense, avec des descriptions détaillées et souvent dérangeantes. Une atmosphère de désespoir et de chaos dans cette petite communauté, dépeinte avec réalisme. La vie y est sombre et cruelle et la révolution du personnage principal n'en devient que plus « compréhensible ».
La rébellion, la marginalisation sociale, et l'aliénation qui en résulte sont les thèmes de ce roman qui révèlent les dysfonctionnements de la société et en particulier les problèmes de la classe ouvrière.
J'y vois plus la nécessité de la révolte contre son milieu quel qu'il soit pour devenir enfin libre – même si le tragique est souvent la seule échappatoire. Il y a du Steinbeck, du Faulkner dans cette critique sociale.
Et la violence et les descriptions graphiques présentes dans le livre ne m'ont pas dérangée, car si on aime le romantisme noir, on en a vu d'autres – il y a surtout du Steinbeck, du Faulkner là-dedans.
Ça pue.
Ça suinte.
La violence et les descriptions graphiques ne m'ont pas dérangée. Ça m'a rappelé certaines sensations de « la Saison des Charognes » de Johannin.
Cela donne un éclairage sur la vraie Amérique, loin des côtes, celle qui a passé trop de temps enfermé dans sa survie – l'essence de son idéal « sans passeport », celle qui a élu Trump.
C'est un roman provocateur et percutant et si vous êtes intéressé(e) par des oeuvres littéraires audacieuses et provocantes, parfois drôles malgré tout dans cette description précise de la stupidité humaine dans une veine naturaliste, eh bien, ce livre… est fait pour vous !
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Scotchée par ce récit de la vie de John Kaltenbrunner et de la grève sordido-épique du ramassage des ordures, de cette « crise » qui agit comme un révélateur de l'immense saleté, de la folle laideur d'une société nauséabonde.
John est un personnage extraordinaire, seigneur de parias, damné de la terre, dont la «vie tout entière resta par définition un incroyable enchaînement de coups de poisse». Exceptionnellement maladroit et inapte pour les nécessités et exigences de la vie quotidienne, Kaltenbrunner se révèle carrément surdoué quand il se met une idée en tête, quand il se trouve une vocation, et certains le considèrent comme un «pur exemple de royauté en exil» et un «antidote dernier cri contre la folie ordinaire ».
J'ai été impressionnée par le style flamboyant, l'énergie révulsée avec lesquels Tristan Egolf décrit l'abjecte petite ville de Baker et sa population affreuse, sale et méchante, grouillant de « patriotes sectaires qui verraient volontiers tous leurs voisins bien-aimés se balancer au bout d'une cravate en fil de fer, pendus aux réverbères tout au long de la route du boulot. C'est le pays des autocollants "Jésus est parmi nous !" sur les râteliers à fusils ». Il y a quelque chose de cauchemardesque, d'halluciné, dans cette peinture d'une Amérique des profondeurs, une touche d'irréel et d'outrance enchevêtrés au réel et révélateurs de vérités profondes peu reluisantes qui nous éclatent à la figure.
Ça décoiffe, ça époustoufle, c'est à lire!
Lien : http://bergamotteetcardamone..
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"Le seigneur des porcheries", de Tristan Egolf. J'ai craqué sur le titre. Et quand le 4ème de couverture place l'intrigue dans l'Amérique profonde, j'achète !
Nous sommes donc à Ploucland, euh pardon, dans la ravissante ville de Baker, au beau milieu de la Corn Belt. Parmi les dégénérés, alcooliques et autres culs bénis qui la peuplent se trouve John, jeune garçon doué mais pas vraiment gâté par la vie. Orphelin, il se passionne pour l'élevage des poules et des moutons afin de redresser la ferme familiale. le sort va cependant s'acharner, et emporter bien loin tous ses efforts. Mais de nombreuses années après, il aura sa revanche...
Ce livre est d'une richesse impressionnante, tant au niveau de l'imagination que de l'écriture. Et dire que c'est un premier roman ! C'est cynique, inventif, dur parfois, mais waouh, on s'en prend plein les yeux. On se dit que l'auteur devait être sacrément tourmenté pour écrire cela, et avoir des comptes à demander à cette Amérique qui se veut si puritaine pour n'être au final qu'à vomir. Par contre ne pas s'arrêter aux 40 premières pages, assez difficiles à suivre, la suite est un tourbillon. Bref, pas un vrai coup de coeur (certains thèmes m'ont mise mal à l'aise), mais on n'en est pas loin !
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Un roman burlesque, une écriture soutenue, une bonne dose d'imagination. Un passage marquant (parmi d'autres) la naissance de John Kaltenbrunner !
Sa vengeance est mémorable..
Il y a quelques poussières de "L'infinie comédie" (David Foster Wallace), de "Homme invisible, pour qui chantes-tu?" (Ralph Ellison), de "La conjuration des imbéciles" (John Kennedy Toole), et bien d'autres réunis crient révolte, misère et joyeuse tristesse avec une pincée d'humour..



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Difficile de faire du neuf vu l'avalanche d'avis donnés sur ce livre, d'autant que la plupart sont très détaillés !
Je n'avais jamais entendu parler de Tristan Egolf (nul n'est parfait) ni de ce premier roman qui a suscité un tel intérêt ! Je viens de terminer le livre et reste stupéfaite. Ce n'est pas tant l'histoire qui m'a intéressée que les procédés d'écriture et cette façon qu'a l'auteur de se servir de toutes les richesses de sa langue maternelle.
John Kaltenbrunner est né d'un père fugace et d'une mère dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est malade. Rejeté dès le départ pour de multiples raisons, John fait preuve dans son enfance d'une étonnante résistance et d'une grande inventivité qui lui permettent de survivre sans faire fléchir l'hostilité ambiante. Toute cette période est décrite avec une précision quasi diabolique et un sens de l'image vertigineux. Orphelin et délinquant (extraordinaire relation de la maladie et de la dégradation de la mère ainsi que de la captation de ses biens par des gens d'Eglise), John purge une peine de prison sur un bateau avant de retrouver sa ville natale, Baker, une bourgade qui ne semble peuplée que d'idiots invétérés méchants comme la gale. Après avoir été éjecté de nombreux emplois minables, il devient éboueur. Là-encore Tristan Egolf se montre éblouissant dans ses descriptions et ses créations d'atmosphère. La vengeance de John, qui orchestre une grève des éboueurs transformant la ville en une poubelle infernale, sa grandeur, sa chute et le message qu'il laisse à ceux qu'il a soutenus sont présentés avec une force et une intelligence qui ne peuvent émaner que d'un écrivain puissant qui maîtrise parfaitement son chemin.
Je mentirais en disant que j'adore ce type de roman où personne ne semble échapper aux bas-fonds et à une spirale infernale mais j'ai été éblouie par la virtuosité de ce jeune auteur qui a si bien su cerner le mal dans toutes ses acceptions...
Un choc littéraire et émotionnel.
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D'abord , d'abord , il y a Baker … condensé abject de ce que l'Amérique profonde peut recéler de plus rétrograde et taré ( du moins dans l'imaginaire de ses écrivains , et in fine il doit bien y avoir un peu de vrai … voir Trump) .Saleté , ignorance crasse , religiosité et alcoolisme , méchanceté . Il y a la victime , John Kaltenbrunner, souffre-douleur car atypique ( il est intelligent ) Et enfin il y a la vengeance de la victime expiatoire , à la mesure du martyre subi , un scénario à la Monte Cristo mais ici l'objet de la vengeance est une ville entière. Un premier roman , violent dans son langage et ses épisodes qui traduit la haine de l'auteur pour ce versant sinistre du « rêve américain ».Très impressionnant !
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Des romans sur la décrépitude des vieux bassins industriels des États Unis il en existe un florilège. La détresse, la misère, la solitude sont autant de pousses qui ne demandent qu'à éclore dans ce genre de sinistre terreaux.
Vous pensiez avoir lu suffisamment sur cette Amérique en crise ? Et bien détrompez vous car voici un roman d'une étonnante singularité qui va vous embarquer dans une véritable aventure sociale où la déchéance se mêle au burlesque.
Le Seigneur des Porcheries met ainsi en scène l'anti-héros des temps modernes, sur qui le mensonge, la malhonnêteté, la cupidité se sont acharnés avec délectation et cynisme. Mais John Kaltenbrunner, notre pauvre victime, est tout sauf un insoumis. Il va se venger de cette société décadente qui le persécute. Et à travers les conséquences désastreuses pour la petite ville de Baker se révèle alors au lecteur un portrait encore plus noir d'une communauté totalement sclérosée, déchirée, et finalement humiliée.
Un véritable chef-d'oeuvre de la littérature américaine où au delà de la tristesse apparente le lecteur peut se surprendre à rire aux éclats.
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