Malmo, années 2000, le chantier naval de Kockums n'est plus qu'une friche industrielle, le port Ouest de Vastra Hamnen qui vient de subir des restructurations a mis sur le tapis de nombreux dockers avec la fermeture de plusieurs sites. Déjà les premiers logements avec vue sur la cale sèche et la côte danoise au-delà du Sund ont été érigés.Un climat propice aux tensions et à la criminalité s'est installé.
C'est dans ce contexte de crise sociale que
Fredrik Ekelund campe le deuxième volet des enquêtes de l'inspecteur Hjalle Lindström avec
Blueberry Hill.
Pour le décor on est loin de la colline aux myrtilles évoquée dans la chanson de Fats Domino.
En effet, direction
Blueberry Hill , nom donné par ses occupants au squat installé dans la cale sèche désaffectée de Kockum, où après un incendie le corps carbonisé d'un SDF a été retrouvé.
Lindström étant introuvable, le commissaire Jönsson envoie Marina Gren sa jeune collègue sur les lieux. Ah oui, j'allais oublié (j'ai pris le train en route) notre inspecteur Hjalle Lindström se consume pour cette dernière et ma foi ça à tout l'air d'être réciproque.
C'est avec elle que nous allons découvrir dans cette première partie la bande du squat de Blueberry : l'Angoisse, Joyeux , le Comptable, le Capitaine et le chanteur.
Les portraits brossés vont à l'essentiel, les sobriquets reflètent le plus souvent leur activité professionnelle passée, voire un trait de caractère. Tous distribuent le Dix, un journal, et se rendent quotidiennement dans des quartiers attitrés de Malmö pour le diffuser.
Le lecteur apprend progressivement les causes de cette clochardisation ou déclassement social : victime d'abus sexuel pendant l'enfance, responsable d'un homicide, maladie etc.
Malgré le peu de renseignements sur cette sordide histoire, Marina Gren se fait un honneur de l'élucider et ne baisse pas les bras bien qu'il soit clair que pour le commissaire Jönsson ce fait divers (et d'hiver) n'est pas une priorité pour son équipe !
Dans une seconde partie (il y en a cinq) le lecteur est invité à une immersion progressive dans le milieu néo-nazi de la Scanie, terreau historique de ce mouvement, car plusieurs témoignages ont permis de repérer la présence d' un groupe de jeunes skinhead aux propos haineux originaires de la région.
A ce stade-là, le lecteur et l'inspectrice Grin ont bien compris que la mort du SDF, surnommé l'Espagne n'est pas accidentelle mais bien criminelle.
Après avoir alterné les points de vue, l'enquête avance tranquillement au rythme de nouveaux indices découverts (présence du bruit d'un moteur de bateau le jour du premier incendie, matelas de la victime tailladé…)
Ce qui m'a plu dans ce polar, c'est le parallèle entre la vie urbaine et frénétique de Malmö, ville multiculturelle et présentée comme la Marseille suédoise et la vie rurale en Scanie où la xénophobie semble presque érigée en art de vivre .
Si ce polar social et politique ne nous plonge pas dans un état de stress il a le mérite d'exposer l'une des facettes noires mais bien réelles de la société suédoise.
Fredrik Ekelund nous donne les clés historiques de la présence et du renouveau de ce courant néo-nazi dans son pays.
Pour témoigner de cette misère sociale et intellectuelle,
Fredrik Ekelund prend une certaine distance qui permet au lecteur d'entrevoir cette réalité sans pathos et émotions.
Aujourd'hui la réhabilitation de Vastra Hamnen est achevée, transformant ce quartier en éco-quartier, rebaptisé Bo 01, une tour d'habitation de190m de haut, la Turning Torso (conçue par Santiago Calatrava Valls et inaugurée en 2005) s'y dresse, le domine et en est devenu le symbole.
Par contre, il y a presque un an jour pour jour, une photo datée du 1er mai 2016 faisait le tour du monde : poing levé, Tess Asplund défiait trois leaders de l'organisation suédoise néonazie Nordiska motståndsrörelsen (Mouvement de résistance nordique).
Blueberry Hill n'est plus mais la mauvaise herbe est toujours là !
Une lecture agréable et instructive.