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sur 376 notes
La dernière fois que j'avais entrepris de lire Ellroy remonte au temps du Dalhia noir et de la mort d'Elizabeth Short. Je remonte encore plus le temps, un temps où Betty Short ne s'était pas encore installé à L.A., le temps pour moi d'avoir le courage d'ouvrir les 830 pages de cet ouvrage.

La bouteille de bourbon à portée de main, toujours en avoir eu pour les coups durs, ou les coups de poings, je plonge dans l'univers de L.A. le 6 décembre 1941. Glenn Miller et son orchestre swingue l'insouciance. Cette nuit-là, 4 japonais sont retrouvés morts, façon seppuku. Mais tout le monde va vite oublier cette affaire. Qui se soucie de 4 Japs morts alors que le lendemain, les Etats-Unis déclarent la guerre au Japon suite à l'attaque de Pearl-Harbour. C'est donc dans ce contexte géopolitique que ma virée nocturne me balance en pleine face ses morts et ses peurs.

L'orchestre de Glenn Miller joue Perfidia. A la tombée de la nuit, le blak-out total. L'obscurité pure, les lumières s'éteignent, le monde scrute le rivage, il parait que les sous-marins japonais sont là. Paranoïa. La sueur dégouline avec son odeur aigre de peur. Les coups valsent comme sur un immense ring de boxe. L.A. se dévoile sous cette ambiance sombre et délétère. J'y vois violence, racisme, magouille. Tout le monde est abject, corrompu, flics et voyous en même temps. le monde n'est pas beau à voir, même si la musique adoucit les moeurs, les moeurs eux se déchainent de toujours plus de violence.

James Ellroy est ce formidable conteur qui captive par la frénésie de sa plume. Il ne fait pas dans la dentelle, ne brosse pas ses compatriotes dans le sens du poil. Il est violent, autant déroutant qu'envoutant. Il ne se passe moins d'un mois entre la première et la dernière page, le temps file, et les pages aussi. le roman ne se lâche plus, une fois immiscé dans ce monde. L'auteur doit-il faire plus court ? Peu importe, je ne me pose même plus la question, parce que je sais qu'au fond de moi, je prends du plaisir à presque chaque page. « Perfidia » est le premier volet de sa nouvelle tétralogie californienne, mais aurais-je le cran de le poursuivre. Je n'en suis pas aussi sûr, bien que je n'ai rien à redire à sa plume, à son histoire, à son L.A. Mais à mon âge, mon temps est compté. L'auteur n'a que ça à écrire, moi j'ai aussi d'autres pavés à lire. Mais une chose est tout aussi sûre, un tel roman est difficile à lâcher, il éprouve, il emplit les journées, les nuits, les temps morts, il éreinte même, mais il reste en mémoire. Et maintenant, que j'ai redécouvert la plume d'Ellroy, que j'ai erré dans la nuit entre les Japs, les Chinetoques et les Bamboulas de L.A., il est temps que je tourne la dernière page, et passe à d'autres aventures. le ciel est gris, California Dreamin'.
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Ayant lu cet opus en Anglais , j'ai attendu que la version française sorte pour livrer mon impression .
Ellroy je l'ai découvert il y a 19 ans , et depuis je suis fidèle à cet auteur hors norme .
Cette histoire inspirée d'un pan de l'histoire américaine est à la mesure de son talent .
Entre n'importe quelles mains çela aurait abouti à un magma informe , à un livre de supermarché .
Ellroy a en lui la formule qui élève au plus haut ces compositions .
Cet opus c'est comme un opéra tragique , plein de politique , de corruption , de violence , de personnages hors normes ...
Je ne suis pas adepte des spoliers , je me contenterai de dire qu'ici les lecteurs vont retrouver des visages connus , dont on a fait la connaissance dans la bibliographie d'Ellroy .
Il les confronte à des êtres de chair et de sang , qui étaient sous le feu de l'actualité à l'époque .
Il fallait qu'il aborde la période de la 2 eme guerre mondiale , et ces çonsequences aux usa .
Son traitement du calvaire des japonais américains après Pearl Harbor s'avère sans pitié .
Ellroy n'a jamais cherché l'effet choc , comme dans 90 % de la production de thrillers .
Lui préfère miser sur une rigueur impressionnante sur le plan historique , avec un univers qu'il fait revivre avec une maestria confondante .
Il y a en lui un amour de cette époque , qu'il partage avec le lecteur tout au long de ces pages , à un point tel que l'on retrouve le bonheur de lecture de la quadrilogie qui l'a fait connaître .
Los Angeles sous sa plume c'est un monstre qui nous avale , un univers ténébreux , sans aucune règle , ou la loi du plus ignoble triomphe .
A la rigueur historique répond une connaissance exhaustive de cette ville , qu'il aime tant , et qu'il déteste en même temps .
Tout le paradoxe d'Ellroy réside dans cette ambivalence , que l'on retrouve dans chaque passage de ce nouvel opus .
Les amateurs de thrillers chocs ne trouveront peut être pas leur bonheur avec cet opus qui s'impose comme le nouveau sommet d'une bibliographie déjà exponentielle.
Un bijou ultra noir , qui met mal à l'aise , et qui est addictif , comme seul Ellroy sait le faire .
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Dans le lent écueil des émotions et des convoitises s'écoule le crépuscule de Los Angeles. Un sentiment glacé étreint la crête des collines peu propice aux vivants. Semblable à une danse lente, la pavane d'un rêve défunt, le livre de James Ellroy ondoie, déferlante régulière et rythmée.
L'Histoire étreint les protagonistes, les lamine, les essore, les embrasse et les rejette. le roman se déroule dans un court laps de temps juste avant et après l'attaque de Pearl Harbor. Les Etats-Unis vont entrer en guerre. Dans un frénétique dérèglement de tous les sens, les femmes et les hommes du récit, personnages principaux ou secondaires, imaginaires ou réels, abdiquent de leur âme ou du peu qu'il leur en reste. Ce sont des plantes vénéneuses qui s'entredévorent. Les plus fragiles et « innocents « auront leur part. Leur Part d'ombre. Ce n'est même plus survivre, c'est essayer de s'arracher au tourbillon infernal de la boite à Pandore. Ellroy l'a ouverte. En sort comme toujours : la terreur, la corruption, l'argent, le sexe, le pouvoir, les manipulations, les minorités, le racisme, la religion, la violence, la rédemption, l'amour et la mort.
L'écriture serrée, limpide, plus classique (certains trouveront plus banale ?) est toujours aussi brillante dans son intelligence et sa construction. Elle semble effectivement débarrassée du foisonnement, du tumulte, de l'outrance pour ne garder que la substance vitale. le rythme du livre est une course de loup. Une cadence soutenue, ample et silencieuse ; qui ne lâche rien.
Parlons, en autre, des phrases, des mots répétés ; parfois dans un même paragraphe. Outre le tempo linguistique, elles soulignent la réflexion des personnages, leur impuissance parfois, leur satisfaction aussi. Point de rabâchage. le staccato des mots égrenés. Une litanie obsessionnelle qui tourne à l'incantation. Car ils sont tous obsédés ; ils et elles. Obsédés par leurs amours, leurs haines, leur foi, leurs chimères, leur loi, leurs vices. Ils sont obsédés par L.A., ville des mirages.
Dans ce livre aucune distance entre l'action et le ressenti des personnages. C'est la même cadence, le même niveau d'écriture. L'immédiateté du récit vous met dans le rôle du double invisible. Vous êtes dans leur tête, dans leur coeur et dans leurs gestes.
On les retrouve tous dans la jeunesse et pour certains dans la genèse de leur existence littéraire. Celles et ceux qui sont dans les deux séries d'Ellroy : le Quatuor de Los Angeles et Underworld USA.
Dans Perfidia les trois pivots du récit sont :
Dudley Smith, figure emblématique du LAPD, Monstre parmi les monstres. En passe de devenir une sorte de légende urbaine. Les plus belles pages romantiques sont pour lui.
William H. Parker, son rival au sein du LAPD, soumit à ses tentations, son idéal et à sa rédemption impossible.
Katherine Lake : j'écrivais pour le Dahlia noir qu'elle se sauvait et se croyait sauvée. Dans Perfidia, elle commence cette ascension.
Et la pierre de soutènement :
Hideo Ashida : Jeune docteur en biologie et criminologie, japonais, travaillant au sein du LAPD en cette période qui va voir la spoliation, l'arrestation et l'internement dans des camps d'une majorité de la population japonaise de Los Angeles. Ashida peut être vu comme était Upshaw dans le Grand Nulle Part. le coeur révélateur, la figure emblématique, la symbolique à la fois accusatrice et expiatoire de tous les autres et de cette ville. Et comme Upshaw, Ellroy en fait un personnage attachant, un type malgré tout « bien ». Evidemment, il cherche à sauver sa peau au sens propre et figuré. Ellroy lui confère une forme de pureté originelle même dans ses doutes et ses trahisons.
Et puis il y a tous les autres : Claire de Haven, Buzz Meeks, Blanchard, Bleichert, Jack Webb, Ward J. Littell, etc… Convoqués pour le festin.
La grande force de James Ellroy, outre un talent – et beaucoup, beaucoup de travail – inné pour narrer une histoire, est d'insérer dans un déferlement de bassesses, des joyaux de douceur, de bonté et d'amour romantique idéalisé et passionné. C'est dans ces moments-là que je le trouve le meilleur.
J'ajoute, bien sûr, car cela va de soi avec Ellroy, que ces quatre personnages principaux ont un sentiment de supériorité issu de leur grande intelligence et lucidité ; ce qui ne les empêche pas de faillir et parfois de chuter momentanément.
Les femmes sont magnifiques, d'une justesse troublante. Ce sont des personnages féminins forts, perdus, combatifs, avec un regard sans concession sur les hommes.
Les hommes sont des vautours, des loups et des agneaux. Tous sont assujettis à cette ville pieuvre, qu'on imagine ne pouvoir s'épanouir, grandir que dans la violence, le sang et l'ordure.
Grand travail de traduction de Jean-Paul Gratias. Tout est en subtilité, finesse dans ce dernier James Ellroy. Et j'ai failli oublier l'ironie et le grotesque saupoudré tout le long de ce volumineux roman, ce qui ajoute un parfum cocasse. Cette horlogerie bien huilée vient d'une traduction qui pour moi « coule de source ».
Perfidia, premier roman de la nouvelle tétralogie de James Ellroy. Pépite incandescente dans l'orbite des nuits blanches du roman noir.

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Du 6 au 28 décembre 1941. Los Angeles.
6 décembre: famille de japs: hara kiri: vrai ou simulé? Suicide ou assassinat?
7 décembre: PEARL HARBOR : MORT AUX JAPS!
8 au 28 décembre:
- s'engager pour tuer du jap
- interner, bastonner, ratonner les japs qui vivent à l'A depuis 2 générations
- peur des sous marins japs et de la cinquième colonne
- profiter de la guerre pour corrompre un max et se faire du blé
- etre corrompu par le plus fort pour sauver sa peau
- ne pas oublier d'aller à la messe pour sauver son âme
- et surtout baiser, sucer, "brouter des chattes", vivre bourré et se shooter le plus souvent possible

Ce livre est le premier tome d'un quator qui se terminera en 1946, annee du"Dalhia noir": c'est donc le temps des fondations: aride, ennuyeux, outrancier, sans finesse pendant les 600 premières pages ( sur 835).
Alice avait traversé le miroir pour nous emerveiller, Ellroy s'est miré dedans pour nous gonfler!
L'énorme talent d'Ellroy est de nous montrer l'mplacable combat que livre l'homme sur le mal: descente aux enfers mais rédemption toujours possible.
Dans Perfidia, il faut attendre le dernier quart du livre pour voir les personnages secouer leur noirceur, leur pourriture pour enfin se reveler( se relever) et nous offrir un final éblouissant

Inconditionnel de l'auteur, je suis donc deçu par ce nouvel opus mais espère beaucoup des suivants.

Mais ce n'est que mon humble avis.
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Du laid, du très laid. Comme on l'aime chez Ellroy. Une construction méticuleuse du récit écrit comme à la mitraillette avec des phrases courtes. Et puis sa recette de toujours: faire bouillir le lecteur dans le bain le corruption et de racisme qui semblait régner au sein de la police de Los Angeles (le LAPD) du début des années 40 à la fin des années 60.

Hawaï, le 6 décembre 1941. L'armée impériale nippone détruit la base américaine de Pearl Harbor. Juste avant, à Los Angeles, la famille Watanabe est retrouvée morte dans leur maison. La mise en scène laisserait penser à un suicide collectif. Un courrier trouvé sur place, écrit en kanjis, conforte cette thèse tout en dénonçant l'attaque nippone à des milliers de km de là, mais avant qu'elle n'ait eu lieu!
Comme toujours Ellroy intègre un contexte historique très prégnant dans ses histoires. de la grande histoire jusqu'à l'anecdote: même si les dégats furent mineurs, des sous-marins japonais ont réellement fait régner la terreur sur les côtes californiennes!

De plus, Ellroy s'empare volontiers de personnages réels pour les associer aux siens.
Le tout se complaît souvent dans le côté sulfureux des personnages: homosexualité, corruption, violence, drogue et sexe. Que penser par exemple du jeune J.F. Kennedy ou de l'actrice Bette Davis en 1941? Il suffit de cocher le bon mot dans la liste ci-dessus: S.....

Au premier rang de la floppée de personnages présents dans cet ouvrage et que l'on trouvera par la suite dans "le quatuor de Los Angeles", un Irlandais à l'accent chantant, le plus redoutable et le plus corrompu des flics de LA. J'ai nommé Dudley Smith: tout en réflexion et action. Ses moyens: la connivence et la violence.

Les autres personnages gravitent autour de sa personne. Craint, admiré et haï: Dudley Liam Smith . Ellroy l'emploie dans les meilleures scènes.

Le seul bémol à ces louanges viendra de la lecture du journal de K. Lake qui, intercalé dans le flux des lignes narratives, m'a semblé moins intense que les autres. Cette jeune femme prête à tout s'englue dans des idéaux parfois contraires et l'on sombre d'ennui avec elle.

Enfin, j'ai relevé que le slogan "America first" faisait des ravages, non seulement aujourd'hui mais aussi à l'époque du récit. de très nombreux Japonais vivants à L.A. ont subi des privations de liberté, des rafles, la confiscation de leurs biens ou pire. Ellroy en fait le coeur de son intrigue: des listes arbitraires ou pas de suspects japonais sont l'un des sujets du livre.
En 1941, les services de police et les fédéraux du FBI de M. Hoover craignaient des complots japonais. Alors, tous les moyens étaient bons pour briser "la cinquième colonne" à LA.

Comme toujours, un roman d'Ellroy est instructif et dérangeant. Vivement la suite!
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Ah ! James ! Bravo ! Merci quelle Maestria ! 800 et quelques pages de pur bonheur, un sens du récit qui a fait ta notoriété, une galerie de personnages de dingues ! Tous frappés, fragiles, torturés, sur le fil, perdus, égarés entre les bassesses, la grandeur d'âme, le sens du profit, cette Amérique fracassée par le bombardement de Pearl Harbor, cette vindicte contre les japonais, ces griefs ancestraux entre les chinois et les japonais.

Et cette ville de Los Angeles, tentaculaire, semblable à un immense réseau cérébral dans lequel se croise tous les protagonistes et dans laquelle se tend des pièges, des embuscades, des rencontres amoureuses, cette ville semble être le personnage principal du roman et pourtant, le grand James nous sort des portraits de femmes magnifiques vénéneuses et sensuelles, une grande réussite.

James a grandi, mûri, il fait fi de la violence omniprésente et un peu caricaturale dans certains de ses ouvrages, il sort des phrases ciselées au laser ou au fusil à pompe Ithaca, c'est selon.

Pour ne pas finir, l'intrigue est superbe, les personnages sont superbes, c'est dans une certaine mesure le Chinatown de Polansky en livre.

C'est l'été, au lieu de lire un polar, lisez un chef d'oeuvre.

James après son oeuvre culte, nous fait le coup du rachat de la franchise Star Wars par Walt Disney, il nous sort l'épisode 8, dernier prélude en date de son quatuor de Los Angeles, sauf que lui il n'a rien vendu, il s'est offert la place de meilleur auteur de polar dans mon Panthéon.


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un pavé de 910 pages ou on retrouve les héros du quatuor de los Angeles pendant la seconde guerre mondiale alors qu'il sont beaucoup plus jeunes. une intrigue qui mélange personnages réellement excitant et personnages de fiction. et d, autres qu'on retrouvera dans le Dalhia noir, et le grand nulle part..ce qui avec la trilogie nous fera découvrir les personnages évolue sur une période de trente ans.
une intrigue plutôt noire bien mène. au climat oppressant
passionnant.👍
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Je suis complètement passé à côté de Perfidia, et je le regrette beaucoup. J'avais tellement aimé le premier Quatuor de Los Angeles que je me faisais une joie d'attaquer celui-ci. Et puis, comme je ne réussissais pas vraiment à « entrer » dans l'histoire, je me suis souvenue que mes relations avec James Ellroy n'avaient pas été idylliques… J'ai dévoré 8 de ses 10 premiers romans (traduits en français), de Lune sanglante à L. A. Confidential, mais je n'avais pas été capable de terminer Un tueur sur la route tant le récit à la première personne de ce tueur en série m'avait glacée, bouleversée, gênée, horrifiée, etc., toute persuadée que je suis encore de la qualité du roman. En revanche, le style de White Jazz m'avait beaucoup moins plu, mais je l'avais terminé, alors que American Tabloïd m'était presque tombé des mains ; je l'avais trouvé pénible à lire à cause des multiples personnages, de la théorie du complot omniprésente, de l'extrême complication de l'intrigue, mais aussi, mais surtout, du style auquel je n'accrochais plus du tout alors qu'il m'avait tant plu auparavant. Bref, je l'ai fini en diagonale… Perfidia m'a semblé du même tonneau... Bien sûr, il y a la liste des innombrables personnages à la fin du roman (p. 831-835), mais elle n'est pas toujours éclairante et ne mentionne pas forcément les surnoms. Bien sûr, on connaît déjà les personnages, mais pas si bien que ça puisque six ans s'écouleront entre le début de Perfidia et celui du Dahlia noir : les protagonistes ont changé et la guerre a rebattu les cartes. Bien sûr, les corrompus sont déjà corrompus, les agissements de la police sont encore plus innommables que dans Dahlia, et Elizabeth Short, déjà bien paumée, réserve quelques surprises… Si les deux cents premières pages avec l'attaque surprise des Japonais sur Pearl Harbor, le début de l'enquête sur le massacre de la famille Watanabe et les irrégularités qui l'entachent m'ont intéressée, j'avoue avoir lu les quatre cents pages du milieu en diagonale, ne retrouvant un peu d'intérêt qu'à partir du 21 décembre 1941. Je me rends compte que c'est le style qu'Ellroy a adopté (depuis longtemps déjà) qui me dérange peut-être le plus et qui m'empêche de me laisser porter par l'histoire. Minimal dans L.A. Confidential, télégraphique déjà dans White Jazz, dépouillé à l'os dans Perfidia, je ne réussis pas à l'apprécier vraiment. Les parties à la première personne (Journal de Kay Lake) font cependant exception et ce sont ces passages qui m'ont permis de ne pas complètement déclarer forfait. Pas sûre d'être prête pour La Tempête qui vient
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« Perfidia » est le titre d'une chanson d'amour, un boléro mexicain, joué notamment par Glenn Miller et chanté par de nombreux artistes, dont peut-être Bette Davis dans les années 1940. C'est aussi le titre de ce roman de James Ellroy qui m'a donné bien du fil à retordre. J'ai souvent écouté ce morceau au cours de ma lecture, à la fois pour saisir l'ambiance de ce roman noir et pour me raccrocher à un fil (un air) conducteur.

James Ellroy lui-même a qualifié ce roman d' « ambitieux »… C'est un pavé de plus de huit cents pages, le seul de cet auteur figurant sur les rayonnages de la petite bibliothèque que je fréquente : trop heureuse d'y trouver un Ellroy, je me suis littéralement jetée dessus et la quatrième de couverture avait tout pour m'attirer : un polar historique avec en filigrane le point de vue et la situation des américains d'origine japonaise au moment de Pearl Harbour, un pan d'histoire peu commenté vu de l'intérieur de cette communauté autour d'un quadruple meurtre et donc des personnages pris dans la tourmente de l'Histoire. Je savais bien qu'avec cet écrivain, ce ne serait pas aussi simple, mais je ne m'attendais pas à prendre autant de plaisir à souffrir tout en lisant : vingt jours pour digérer le pavé ! Voilà une durée de lecture assez exceptionnelle pour moi…
Perfidia, c'est plus de huit cents pages pour vingt-trois jours de récit, « un mois de décembre incroyable », une narration polyphonique horodatée et nominative, d'une fausse précision qui cadre la lecture mais la complique en même temps puisque les personnages ainsi mis en avant vivent et ressentent les évènements dans une temporalité personnelle et nous donnent parfois à relire des péripéties déjà vécues aux côtés d'un autre. Les nombreux personnages référentiels intégrés au récit servent d'ancrage historique et réaliste et produisent un effet de contexte pour le lecteur. Heureusement pour moi, j'ai découvert la longue liste de tous les protagonistes à la fin du livre dès le début de ma lecture (en cherchant vainement une table des matière pour repérer les extraits du journal intime de Kay Lake, personnage féminin ambigu, narratrice intra-diégétique pour les passages qui lui sont consacrés) et j'ai donc pu m'y référer aussi souvent que nécessaire.

Dans ce retour en arrière initié par Ellroy pour ce qui s'annonce comme le premier volume du deuxième quatuor de L. A., je retrouve sans surprise l'univers habituel de cet écrivain, marqué souvent par une virilité exacerbée, le culte des armes à feu, les pulsions sexuelles dévorantes, la domination des femmes, le racisme et l'homophobie ; les policiers sont alcooliques, drogués, corrompus, xénophobes et antisémites ; tous les protagonistes évoluent dans une noirceur et une violence à la fois extérieures à eux et intérieures car tous sont influencés par la menace de guerre imminente et par leurs propres zones d'ombre. En 1941, l'Amérique sortait tout juste d'une terrible période de dépression économique et le populisme et les préjugés des personnages de ce roman donne froid dans le dos. de plus, l'état de guerre crée un sentiment d'urgence permissive, de désinhibition : « actes irréfléchis et injustice »… « La guerre a tout chamboulé, si bien que les hommes et les femmes sont désorientés et s'efforcent de prendre du bon temps à chaque fois que l'occasion se présente à eux ».
Ellroy recrée le passé, invente sa version de l'Histoire, mêle à l'intrigue certains personnages référentiels et les y fait évoluer ou se contente de les mentionner avec une grande liberté : je pense notamment à l'actrice Bette Davis, à Eleanor Roosevelt et au capitaine Parker du LAPD, pour ne citer que ceux qui m'ont le plus marquée. En ce qui concerne ce dernier, je me permets de citer un extrait d'un entretien accordé en mai 2015 à Laurent Rigoulet pour Télérama où Ellroy le présente comme son double de fiction : « il y a énormément de moi en lui. Il vient d'un milieu pauvre, il est doué, intelligent, orgueilleux, il aime le risque mais veut tout contrôler. Il est très pieux, mais débauché et alcoolique. Et je comprends très bien comment on peut vivre avec une ambition aussi forte que la sienne ».

Les policiers de Perfidia enquêtent à leur façon, visitent, revisitent et modifient les scènes de crimes, trafiquent les preuves ou bien en fabriquent, soudoient ou menacent des faux témoins, trouvent des vrais et des faux coupables, en exécutent certains sommairement, organisent des hold-up pour leurs propres comptes… Tout dépend des pots de vin, des enjeux… Un mot revient souvent pour parler de la police : « collusion ». Dans l'univers d'Ellroy, si vous avez un souci, réfléchissez avant d'appeler la police ! Les policiers sont plus motivés pour se faire chanter les uns les autres et pour monter des combines lucratives que pour faire régner l'ordre et la justice… des combines comme l'idée de prélever des taxes sur les propriétés confisquées aux japonais internés, de racheter les dites propriétés, de les raser pour construire à leurs places des camps d'internement ou des centres commerciaux, le tout avec un archevêque comme intermédiaire négociateur !!!
La médecine légale et la police scientifique sont le travail de « civils spécialisés en criminologie », des scientifiques comme le personnage réel Ray Pinker et son adjoint de fiction d'origine japonaise Hideo Ashida. J'ai beaucoup apprécié les passages décrivant leurs recherches balistiques, leurs systèmes de surveillance, leurs pièges photographiques ainsi que les autopsies du Dr Nort Layman quand les congélations et décongélations de morceaux de dos révèlent des blessures anciennes… etc. Dans Perfidia, il y a beaucoup de morceaux de cadavres !
Les femmes non seulement se donnent, se prennent, se couchent mais aussi fument, boivent, se droguent et se battent autant que les hommes ; les starlettes et les actrices de série B sont considérées comme des biens de consommation courante ; nous retrouvons dans Perfidia les débuts de ce qui deviendra un vaste marché lucratif de prostitution et de films pornos avec les filles de joie opérées chirurgicalement, « charcutées » pour ressembler aux stars en vogue. L'idylle entre Dudley Smith et Bette Davis est une parenthèse érotico-onirique digne d'intérêt dans ce roman où l'amour a bien du mal à exister.

Pourquoi avoir lu jusqu'au bout si c'était si difficile, me direz-vous ? Eh bien, parce que c'est du Ellroy tout de même ! Et puis, le personnage du japonais Hideo Ashida m'intriguait trop : ses suppressions ou rétentions de preuves me semblaient aller dans le bon sens, sa compréhension des menées occultes des uns et des autres m'aidaient à suivre et puis son ambivalence, son intelligence subtile, son instinct de survie faisait de « ce putain de jap » un personnage emblématique de ce roman bâti comme une très longue partie d'échecs. Moi aussi, je cherchais « le détail » qui m'avait échappé et je voulais savoir « qui était le blanc avec un pull violet »…
Enfin, il y avait l'écriture avec ses anaphores, ses redites, ses focalisations dispersées, son ambiance d'insomnie, de fatigue, de burn out : avec Ellroy, le lecteur est aussi manipulé, pris dans un engrenage qui l'entraine jusqu'à la dernière ligne. Il trouve sa drogue -chocolat, musique, alcool…-, écourte ses nuits et poursuit sa lecture, coûte que coûte.
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Quelque peu masochiste, je n'apprécie pas les romans policiers et je me force à en lire !
Celui-ci ne me fera pas changer d'opinion et pourtant...
Très bien construit, il se passe à Los Angeles en décembre 1941, période cruciale pour les Etats-Unis, surtout sur la Côte Ouest , plus proche du Japon et où un débarquement ennemi était à craindre après Pearl Harbour.
Dans ce roman dans lequel la violence est bien trop présente se mêlent flics corrompus et starlettes égocentriques.
Ce livre est parfait pour une adaptation cinématographique ou pour une série policière.
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