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sur 376 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Du 6 au 28 décembre 1941. Los Angeles.
6 décembre: famille de japs: hara kiri: vrai ou simulé? Suicide ou assassinat?
7 décembre: PEARL HARBOR : MORT AUX JAPS!
8 au 28 décembre:
- s'engager pour tuer du jap
- interner, bastonner, ratonner les japs qui vivent à l'A depuis 2 générations
- peur des sous marins japs et de la cinquième colonne
- profiter de la guerre pour corrompre un max et se faire du blé
- etre corrompu par le plus fort pour sauver sa peau
- ne pas oublier d'aller à la messe pour sauver son âme
- et surtout baiser, sucer, "brouter des chattes", vivre bourré et se shooter le plus souvent possible

Ce livre est le premier tome d'un quator qui se terminera en 1946, annee du"Dalhia noir": c'est donc le temps des fondations: aride, ennuyeux, outrancier, sans finesse pendant les 600 premières pages ( sur 835).
Alice avait traversé le miroir pour nous emerveiller, Ellroy s'est miré dedans pour nous gonfler!
L'énorme talent d'Ellroy est de nous montrer l'mplacable combat que livre l'homme sur le mal: descente aux enfers mais rédemption toujours possible.
Dans Perfidia, il faut attendre le dernier quart du livre pour voir les personnages secouer leur noirceur, leur pourriture pour enfin se reveler( se relever) et nous offrir un final éblouissant

Inconditionnel de l'auteur, je suis donc deçu par ce nouvel opus mais espère beaucoup des suivants.

Mais ce n'est que mon humble avis.
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Je suis complètement passé à côté de Perfidia, et je le regrette beaucoup. J'avais tellement aimé le premier Quatuor de Los Angeles que je me faisais une joie d'attaquer celui-ci. Et puis, comme je ne réussissais pas vraiment à « entrer » dans l'histoire, je me suis souvenue que mes relations avec James Ellroy n'avaient pas été idylliques… J'ai dévoré 8 de ses 10 premiers romans (traduits en français), de Lune sanglante à L. A. Confidential, mais je n'avais pas été capable de terminer Un tueur sur la route tant le récit à la première personne de ce tueur en série m'avait glacée, bouleversée, gênée, horrifiée, etc., toute persuadée que je suis encore de la qualité du roman. En revanche, le style de White Jazz m'avait beaucoup moins plu, mais je l'avais terminé, alors que American Tabloïd m'était presque tombé des mains ; je l'avais trouvé pénible à lire à cause des multiples personnages, de la théorie du complot omniprésente, de l'extrême complication de l'intrigue, mais aussi, mais surtout, du style auquel je n'accrochais plus du tout alors qu'il m'avait tant plu auparavant. Bref, je l'ai fini en diagonale… Perfidia m'a semblé du même tonneau... Bien sûr, il y a la liste des innombrables personnages à la fin du roman (p. 831-835), mais elle n'est pas toujours éclairante et ne mentionne pas forcément les surnoms. Bien sûr, on connaît déjà les personnages, mais pas si bien que ça puisque six ans s'écouleront entre le début de Perfidia et celui du Dahlia noir : les protagonistes ont changé et la guerre a rebattu les cartes. Bien sûr, les corrompus sont déjà corrompus, les agissements de la police sont encore plus innommables que dans Dahlia, et Elizabeth Short, déjà bien paumée, réserve quelques surprises… Si les deux cents premières pages avec l'attaque surprise des Japonais sur Pearl Harbor, le début de l'enquête sur le massacre de la famille Watanabe et les irrégularités qui l'entachent m'ont intéressée, j'avoue avoir lu les quatre cents pages du milieu en diagonale, ne retrouvant un peu d'intérêt qu'à partir du 21 décembre 1941. Je me rends compte que c'est le style qu'Ellroy a adopté (depuis longtemps déjà) qui me dérange peut-être le plus et qui m'empêche de me laisser porter par l'histoire. Minimal dans L.A. Confidential, télégraphique déjà dans White Jazz, dépouillé à l'os dans Perfidia, je ne réussis pas à l'apprécier vraiment. Les parties à la première personne (Journal de Kay Lake) font cependant exception et ce sont ces passages qui m'ont permis de ne pas complètement déclarer forfait. Pas sûre d'être prête pour La Tempête qui vient
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« Perfidia » est le titre d'une chanson d'amour, un boléro mexicain, joué notamment par Glenn Miller et chanté par de nombreux artistes, dont peut-être Bette Davis dans les années 1940. C'est aussi le titre de ce roman de James Ellroy qui m'a donné bien du fil à retordre. J'ai souvent écouté ce morceau au cours de ma lecture, à la fois pour saisir l'ambiance de ce roman noir et pour me raccrocher à un fil (un air) conducteur.

James Ellroy lui-même a qualifié ce roman d' « ambitieux »… C'est un pavé de plus de huit cents pages, le seul de cet auteur figurant sur les rayonnages de la petite bibliothèque que je fréquente : trop heureuse d'y trouver un Ellroy, je me suis littéralement jetée dessus et la quatrième de couverture avait tout pour m'attirer : un polar historique avec en filigrane le point de vue et la situation des américains d'origine japonaise au moment de Pearl Harbour, un pan d'histoire peu commenté vu de l'intérieur de cette communauté autour d'un quadruple meurtre et donc des personnages pris dans la tourmente de l'Histoire. Je savais bien qu'avec cet écrivain, ce ne serait pas aussi simple, mais je ne m'attendais pas à prendre autant de plaisir à souffrir tout en lisant : vingt jours pour digérer le pavé ! Voilà une durée de lecture assez exceptionnelle pour moi…
Perfidia, c'est plus de huit cents pages pour vingt-trois jours de récit, « un mois de décembre incroyable », une narration polyphonique horodatée et nominative, d'une fausse précision qui cadre la lecture mais la complique en même temps puisque les personnages ainsi mis en avant vivent et ressentent les évènements dans une temporalité personnelle et nous donnent parfois à relire des péripéties déjà vécues aux côtés d'un autre. Les nombreux personnages référentiels intégrés au récit servent d'ancrage historique et réaliste et produisent un effet de contexte pour le lecteur. Heureusement pour moi, j'ai découvert la longue liste de tous les protagonistes à la fin du livre dès le début de ma lecture (en cherchant vainement une table des matière pour repérer les extraits du journal intime de Kay Lake, personnage féminin ambigu, narratrice intra-diégétique pour les passages qui lui sont consacrés) et j'ai donc pu m'y référer aussi souvent que nécessaire.

Dans ce retour en arrière initié par Ellroy pour ce qui s'annonce comme le premier volume du deuxième quatuor de L. A., je retrouve sans surprise l'univers habituel de cet écrivain, marqué souvent par une virilité exacerbée, le culte des armes à feu, les pulsions sexuelles dévorantes, la domination des femmes, le racisme et l'homophobie ; les policiers sont alcooliques, drogués, corrompus, xénophobes et antisémites ; tous les protagonistes évoluent dans une noirceur et une violence à la fois extérieures à eux et intérieures car tous sont influencés par la menace de guerre imminente et par leurs propres zones d'ombre. En 1941, l'Amérique sortait tout juste d'une terrible période de dépression économique et le populisme et les préjugés des personnages de ce roman donne froid dans le dos. de plus, l'état de guerre crée un sentiment d'urgence permissive, de désinhibition : « actes irréfléchis et injustice »… « La guerre a tout chamboulé, si bien que les hommes et les femmes sont désorientés et s'efforcent de prendre du bon temps à chaque fois que l'occasion se présente à eux ».
Ellroy recrée le passé, invente sa version de l'Histoire, mêle à l'intrigue certains personnages référentiels et les y fait évoluer ou se contente de les mentionner avec une grande liberté : je pense notamment à l'actrice Bette Davis, à Eleanor Roosevelt et au capitaine Parker du LAPD, pour ne citer que ceux qui m'ont le plus marquée. En ce qui concerne ce dernier, je me permets de citer un extrait d'un entretien accordé en mai 2015 à Laurent Rigoulet pour Télérama où Ellroy le présente comme son double de fiction : « il y a énormément de moi en lui. Il vient d'un milieu pauvre, il est doué, intelligent, orgueilleux, il aime le risque mais veut tout contrôler. Il est très pieux, mais débauché et alcoolique. Et je comprends très bien comment on peut vivre avec une ambition aussi forte que la sienne ».

Les policiers de Perfidia enquêtent à leur façon, visitent, revisitent et modifient les scènes de crimes, trafiquent les preuves ou bien en fabriquent, soudoient ou menacent des faux témoins, trouvent des vrais et des faux coupables, en exécutent certains sommairement, organisent des hold-up pour leurs propres comptes… Tout dépend des pots de vin, des enjeux… Un mot revient souvent pour parler de la police : « collusion ». Dans l'univers d'Ellroy, si vous avez un souci, réfléchissez avant d'appeler la police ! Les policiers sont plus motivés pour se faire chanter les uns les autres et pour monter des combines lucratives que pour faire régner l'ordre et la justice… des combines comme l'idée de prélever des taxes sur les propriétés confisquées aux japonais internés, de racheter les dites propriétés, de les raser pour construire à leurs places des camps d'internement ou des centres commerciaux, le tout avec un archevêque comme intermédiaire négociateur !!!
La médecine légale et la police scientifique sont le travail de « civils spécialisés en criminologie », des scientifiques comme le personnage réel Ray Pinker et son adjoint de fiction d'origine japonaise Hideo Ashida. J'ai beaucoup apprécié les passages décrivant leurs recherches balistiques, leurs systèmes de surveillance, leurs pièges photographiques ainsi que les autopsies du Dr Nort Layman quand les congélations et décongélations de morceaux de dos révèlent des blessures anciennes… etc. Dans Perfidia, il y a beaucoup de morceaux de cadavres !
Les femmes non seulement se donnent, se prennent, se couchent mais aussi fument, boivent, se droguent et se battent autant que les hommes ; les starlettes et les actrices de série B sont considérées comme des biens de consommation courante ; nous retrouvons dans Perfidia les débuts de ce qui deviendra un vaste marché lucratif de prostitution et de films pornos avec les filles de joie opérées chirurgicalement, « charcutées » pour ressembler aux stars en vogue. L'idylle entre Dudley Smith et Bette Davis est une parenthèse érotico-onirique digne d'intérêt dans ce roman où l'amour a bien du mal à exister.

Pourquoi avoir lu jusqu'au bout si c'était si difficile, me direz-vous ? Eh bien, parce que c'est du Ellroy tout de même ! Et puis, le personnage du japonais Hideo Ashida m'intriguait trop : ses suppressions ou rétentions de preuves me semblaient aller dans le bon sens, sa compréhension des menées occultes des uns et des autres m'aidaient à suivre et puis son ambivalence, son intelligence subtile, son instinct de survie faisait de « ce putain de jap » un personnage emblématique de ce roman bâti comme une très longue partie d'échecs. Moi aussi, je cherchais « le détail » qui m'avait échappé et je voulais savoir « qui était le blanc avec un pull violet »…
Enfin, il y avait l'écriture avec ses anaphores, ses redites, ses focalisations dispersées, son ambiance d'insomnie, de fatigue, de burn out : avec Ellroy, le lecteur est aussi manipulé, pris dans un engrenage qui l'entraine jusqu'à la dernière ligne. Il trouve sa drogue -chocolat, musique, alcool…-, écourte ses nuits et poursuit sa lecture, coûte que coûte.
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Quelque peu masochiste, je n'apprécie pas les romans policiers et je me force à en lire !
Celui-ci ne me fera pas changer d'opinion et pourtant...
Très bien construit, il se passe à Los Angeles en décembre 1941, période cruciale pour les Etats-Unis, surtout sur la Côte Ouest , plus proche du Japon et où un débarquement ennemi était à craindre après Pearl Harbour.
Dans ce roman dans lequel la violence est bien trop présente se mêlent flics corrompus et starlettes égocentriques.
Ce livre est parfait pour une adaptation cinématographique ou pour une série policière.
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C'est un pavé de près de 850 pages, que j'ai laissé tomber et reouvert à plusieurs reprises pendant un mois, en me disant à chaque fois : "j'arrête, c'est toujours aussi loufoque !" sans être capable de m'en déprendre, pour savoir enfin le fin mot de l'histoire.

Hélas, comme le plus souvent, l'intrigue - invraisemblable (et j'use de la litote) au plus haut point - importe moins que les personnages, à la fois réels (Edgar J. Hoover, le tout puissant patron du FBI, Paul Robeson et son extraordinaire trajectoire ou Bette Davis, l'irremplaçable star de Hollywood, le compositeur Serge Rachmaninoff), et totalement imaginaires mais vivants dans l'inconscient des fervents lecteurs de polars depuis l'immense succès mondial du "Quatuor de Los Angeles" et en particulier "Le Dahlia Noir", oeuvre-culte dont il paraît que les principaux acteurs figurent dans "Perfidia". Le Dalhia se déroule en 1947, Perfidia, c'est très précisément en décembre 1941 ...

Sauf que je n'ai pas lu la suite : je n'ai vu "que" le film de Brian De Palma, et donc, ces personnages n'évoquent, au début, rien pour moi. Cette manie des auteurs - ou des cinéastes - d'écrire ce qui s'est passé avant un roman, bien des années après ... Encore un peu de droits d'auteurs, s'il vous plait, cher public ...

Une autre référence : le film de Steven Spielberg "1941" : un des meilleurs comique du genre sur ce moment dramatique de l'histoire américaine, mais aucun humour de ce genre dans "Perfidia" ... encore que, pour certaines scènes de défouraillage ...

Enfin, j'ai tourné la dernière page du roman avec un grand "Ouf !". A la fois agacée, frustrée et admirative devant le style haché mais explosif, ciselé et crépitant. C'est l'exact négatif de toutes les séries américaines où l'on exalte les héros de la police scientifique et la loyauté des flics : ici, tous sont corrompus et n'hésitent pas à dézinguer à foison. Même le personnage, de mon point de vue le plus sympathique, du jeune et loyal Professeur Hideo Ashida, s'emploie à dissimuler des preuves ...

En fait, c'est d'une Amérique blanche et puritaine qu'il s'agit (mais a-t-elle réellement évolué quand on voit ce qui se passe actuellement dans certaines villes aux prises avec les émeutes raciales ?) alors qu'on s'apprête à interner les citoyens d'origine niponne pendant la durée du conflit, de haine raciale entre américains de souche, récents immigrés, chinois et japonais, de mépris envers les Noirs que l'on ne croise même pas dans ce récit, de querelles entre ceux qui pensent que les puissances de l'Axe vont gagner la guerre et ceux qui ne songent qu'à faire de monstrueux profits immobiliers, de communistes embourgeoisés du milieu du cinéma et de tenants de la cinquième colonne ou de partisans d'un eugénisme actif directement inspiré du nazisme. Rien de très spécifiquement américain, finalement, à part ce cocktail détonnant d'une société à multiples facettes ... Et puis, songeons également à ce moment d'émotion collective qui nous a saisis en janvier dernier ...

Tout finit par rentrer dans l'ordre ... jusqu'au prochain épisode dont la jeune Beth Short sera la triste vedette, mais avec un goût de cendre, ou plutôt de benzédrine et de Whiskey mêlés. Un roman plus que noir, à vous filer la nausée, mais quel écrivain !

Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Bon, j'ai pas envie de faire long (car heureusement la longueur d'un compte rendu n'est pas proportionnelle à la longueur du roman (ici 900 pages)).
Commencé un Ellroy est un défi, le finir est un soulagement car ici j'ai fait une sortie de route aux alentours des 2/3 du polar et donc j'ai fini laborieusement en m'accrochant à des branches, en essayant juste de saisir l'essentiel.
L'histoire se passe à Los Angeles les jours avant l'attaque de Peal Harbor et les trois semaines après. Une famille de quatre japonais est morte. La police ne met pas longtemps à comprendre que c'est un suicide déguisé. Et puis, il y a Peal Harbor qui provoque une hystérie collective contre tous les japonais vivant à L.A. Un JAP est considéré comme un espion potentiel. Ils sont expropriés, chassés et le but est même de construire comme des camps de concentration. Quelle est la part de vraie dans ce que raconte l'écrivain, je sais pas mais c'est plausible... par contre, ce qui est moins vraisemblable, c'est le niveau de corruption au sein de la police (mais c'est la marque de fabrique de Ellroy). Il y a bien deux ou trois qui ne sont pas corrompus (comme le sympathique Hideo Ashida qui fait penser un peu à Lisbeth Salander de Millénium et Parker, un alcoolique, pratiquant un peu pathétique mais pas ou peu corrompu). Tous les autres sont des véreux et en particulier Dudley qui plusieurs fois abat des japonais à bout portant. Il est accroc à la benzedrine, une amphétamine en vente libre à cette époque (que prenaient aussi les soldats allemands avant d'aller sur le front m'a dit mon psychiatre). Dommage qu'on n'en trouve plus aujourd'hui dans les supermarchés, ça me ferait du bien.
Il y a donc l'enquête (bafouée) sur l'assassinat de la famille japonaise et tout un tas d'autres histoires annexes qui gâchent un peu la fête et qui font d'un polar qui aurait pu faire 400 pages, un pavé de 900 pages avec une palanquée de protagonistes à peine présentés.
La plume de James Ellroy est très fleurie, ne s'embarrasse pas de descriptions mais il faut s'accrocher. Un moment de distraction et on ne comprend plus rien.
J'avais dit que je ferais court donc j'arrête là.
lecture décembre 2019
Note : 3/5
Lecture papier, poche Rivages/Noir
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Ellroy James – "Perfidia" – Rivages/Noir, 2016 (ISBN 9782743637538) – 918p. – éd originale USA 2014

(Petit conseil technique AVANT de commencer la lecture de ce volumineux roman : la liste – indispensable – des personnages se trouve à la fin, pages 913-918 : on y trouve le nom et la fonction de chacun des protagonistes, ainsi que son éventuelle apparition dans les autres romans de l'auteur ; malheureusement, cette liste ne comporte pas les surnoms sous lesquels la plupart des personnages sont évoqués dans le récit, ce qui est fort regrettable.)

C'est là un roman dans la droite ligne des autres déjà publiés par Ellroy : pas un seul personnage qui ne soit avili, glauque, pourri par l'alcool, les cigarettes, diverses drogues, et plus profondément par des vices plus rédhibitoires les uns que les autres (âmes sensibles, s'abstenir). Une fois de plus, la violence constitue la toile de fond si ce n'est le substrat même des relations entre les gens. Une fois de plus, cette violence est incarnée par la police elle-même, et plus spécifiquement ici – mais pas uniquement – par l'un des deux principaux policiers du récit (sergent Dudley Smith) qui tue au gré de ses envies (exemple p. 379), sans que personne n'y trouve à redire ; le responsable de la police mexicaine (Madrano) est du même accabit, nazi convaincu, faisant porter à ses troupes la sinistre tenue de la police du Duce Mussolini, semant la terreur et participant au trafic de main d'oeuvre miséreuse sous-payée ; sans oublier les chefs de gangs, qui font éliminer à gogo celles et ceux qui les gênent.

L'intrigue criminelle (le meurtre d'une famille japonaise, les Watanabe) n'est pas l'objet central du roman : elle est chaotique, souvent reléguée à l'arrière-plan, diluée dans bien d'autres intrigues plus vastes, et est tellement tirée par les cheveux qu'elle ne saurait constituer l'ossature d'un roman aussi long.
Le thème central, plus substantiel, tourne autour du profit que les vautours opportunistes tirent de la spoliation des biens la communauté japonaise.
Mais l'objet fondamental de ce roman – comme des précédents – est et reste un tableau au vitriol de la société états-unisienne de l'époque, ici mise en scène.

En effet, le roman se déroule en 1941, au moment de l'attaque de Pearl Harbour par les troupes impériales japonaises. A cette époque tout comme aujourd'hui, d'importantes colonies japonaises vivent tout le long des côtes du Pacifique des deux Amériques, et tel est le cas à Los Angeles. Comme tous les gouvernements alors en guerre (voir le sort que Staline réserva aux Allemands de la Volga), celui des États-Unis orchestre parmi la population une véritable campagne de peur de "la cinquième colonne", attisant la haine envers la minorité d'origine japonaise (mais aussi celle d'origine allemande).
Selon Ellroy, la police participe au pillage des biens de ces immigrés qui vont être regroupés dans des camps d'internement, leurs avoirs étant alors mis sous séquestre : sans jamais l'énoncer clairement, il formule ainsi un parallèle avec le pillage des biens juifs dans tous les territoires occupés par les nazis.

L'auteur met en scène les multiples racismes à l'oeuvre dans la société états-unisienne de cette époque. En raison de l'état de guerre, l'hostilité des "américains blancs" envers les immigrants japonais devient virulente, et se mêle à celle des chinois : le personnage du policier-savant Hideo Ashida, fidèle aux États-Unis, incarne une bonne part de ces conflits autant culturels que raciaux (exemple p. 908).
C'est loin d'être le seul clivage. Il y a aussi les clandestins mexicains, réduits en quasi esclavage aussi bien par les blancs que par les propriétaires japonais ou les chinois ; la communauté noire semble encore plus bas dans cette échelle, tout en étant temporairement "éclipsée" par la haine "du jap". La communauté juive est salement représentée par Saul Lesnik ou encore Ben Siegel.

A l'intérieur même de la communauté blanche, les gens de culture catholique (le plus souvent Irlandais) se heurtent à ceux de tradition protestante (assimilés aux anglais, donc persécuteurs des Irlandais – voir p. 738 "Les Irlandais ont allumé des feux pour guider les avions de la Luftwaffe partis bombarder Londres").
La communauté allemande est également visée, certains de ses éléments soutenant activement le nazisme, surtout après la croisade organisée par Lindberg.
Page 799 : "Bette est américaine. Lui, Dudley, appartient à la racaille des immigrants. Bette, protestante, est née en Amérique. Lui, il vient de la populace papiste".

L'affrontement politique est rejeté aux marges du récit par Ellroy, qui tient à montrer que, se réclamant de la droite ou de la gauche, de n'importe quel extrême de surcroît, toutes et tous tiennent finalement à profiter de la situation pour s'enrichir : nous sommes bien aux États-Unis, pays de l'argent-roi :
"La Gauche hautaine et la Droite belliqueuse. Une grandiose alliance de profiteurs de guerre [...] Il (i.e. Ashida) a découvert la véritable cinquième colonne. Ce n'est pas ce que tout le monde croit." (p. 828)...

La gent féminine est peu représentée directement, même si une bonne partie du récit est assurée par le truchement d'un "journal" tenu par Kay Lake : cela sert surtout à relater les agissements des deux principaux protagonistes masculins, à travers une vue sensée être féminine, qui s'avère finalement peu convaincante. de surcroît, les rares personnages féminins détaillés sont soit impliqués dans un scénario fort peu crédible de film d'agitation "de gauche" qui échouera, soit dans les rôles de starlettes de Hollywood couchaillant au fil des opportunités avec les décideurs de la ville.
Le bataillon des figures féminines anonymes comprend les prostituées ou "les japonaises" elles aussi raflées - tout comme leurs époux. Les vedettes tant masculines que féminines de Hollywood sont fréquemment citées (ex p. 499) et certaines interviennent même directement dans le récit (Bette Davis).

En marge, l'auteur fait défiler des figures de l'exil européen : Kurt Weill, Lotte Lenya, Vladimir Horowitz (p. 328-329), Rachmaninoff (pp. 332, 738), Fritz Lang (p. 659). Sont égalemet évoqués Georges Gerschwin, Scott Fitzgerald ou encore Sacco et Vanzetti (p. 890).
Il mobilise également Shakespeare (pp. 764-765) par le biais du sergent Dudley Smith, personnage le plus cynique, brutal et malhonnête du roman, mais ce n'est guère crédible.

Les ressorts profonds de ce récit sont bien la cupidité et la haine.

Pour conclure, je ne puis que répéter ce qui m'avait déjà choqué lors de la lecture d'autres romans de cet auteur, comme par exemple "L.A. confidential" (cf recension).
L'auteur se targue de reconstituer très fidèlement non seulement la langue mais aussi l'ambiance, le mode de vie, le fonctionnement policier, les bas quartiers du Los Angeles lors de l'entrée en guerre du Japon, fin 1941 (mais l'auteur est né en 1948), en se fondant non seulement sur sa propre connaissance mais aussi sur un travail documentaire titanesque, dont ce roman serait une preuve éclatante.
Si tel est bien le cas, si les agissements relatés dans ce récit sont vraiment très proches de la réalité, alors on ne peut qu'en conclure que la Californie de ces années-là était un pays profondément rongé par le racisme, la drogue, le banditisme, l'affairisme, la corruption et bien d'autres maux.
Plus généralement, les États-Unis apparaissent ici comme une société extrêmement violente, dans laquelle chacun s'arroge le droit d'abattre son voisin s'il se sent menacé ou tout simplement pris d'un coup de folie (serial killer).
Finalement, après avoir lu ce roman policier, on comprend mieux comment ce pays se croit autorisé à exporter la violence et la guerre dans le monde entier, puisque l'écrasante majorité de ses concitoyens semble convaincue de la vertu de la violence pour régler les problèmes complexes. Nous sommes très loin des comptines sirupeuses distillées par les studios de Hollywood ! Et c'est ce pays-là qui sert de modèle aux autres pays européens ainsi qu'à une large frange de la population mondiale, se vautrant dans une imitation simiesque aussi servile que ridicule.

Une lecture plutôt ardue, mais très intéressante.
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Du grand Ellroy, une fois de plus. J'ai appris tout un pan de la 2ème guerre mondiale que je ne connaissais pas (la crainte panique de l'arrivée des Japs aux US, la mise à l'écart des immigrés d'origine japonaise etc etc). L'auteur, comme à son habitude, décrit parfaitement L.A. avec ses lumières scintillantes, sa veulerie, sa corruption, sa violence. En lisant le livre (tout en écoutant Glenn Miller, Count Basie et Co..) je voyais défiler les images en noir et blanc à la manière des films américains des années 30. Lecture recommandée!
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Zut, Ellroy devient illisible. Pour se plonger dans Perfidia, mieux vaut avoir bu son litre de café et n'avoir aucune distraction aux alentours. Ecriture taillée à la hache, multiples personnages, il me devient difficile de le suivre dans son délire...
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