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3,92

sur 691 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un succès de librairie hautement justifié.
Un livre qui devrait servir de nouvel archétype au roman d'épouvante, libéré de ses habitudes lourdaudes et manichéennes ; une magnifique interrogation sur le Mal, de sa prévalence et sa diffusion.

Une ambiance plutôt inédite : l'esthétique de l'occultisme semblant renouvelée sans en renier ses codes fondateurs.
Une habile construction, étageant en chapitres de tailles parfaitement inégales les points de vue dans leurs époques, étalant l'action sur plus de trente années chaotiques, marquées par le paysage politique argentin, toile de fond idéale pour ancrer une histoire phantastique dans ces tristes réalités, des disparus de la dictature jusqu'à ceux du SIDA.

Un fond terriblement sombre, l'Obscurité comme seul idéal, où rien ne sera épargné au lecteur, l'auteure plongeant ses griffes dans nos entrailles, sans ménagement, mais avec une certaine élégance, sans jamais tomber dans le grand-guignol, ni dans les errements plattistes des « sororités sorcières », risques ô combien courants dans l'édition post-moderne.

Une magnifique sortie des éditions du Sous-sol, dont la mince section littérature est gage de grande qualité ( voir : Ben Marcus, Mordecai Richler, etc. ), alors que sa version poche a donné lieu à un salopage de couverture en règle, un vrai cas d'école : l'original étant un détail très bien recadré du tableau d'Alexandre Cabanel, « L'ange déchu » (19ème siècle), le graphiste sévissant pour le groupe a choisi d'en élargir le cadre — ses références artistiques provenant sans doute de son goût pour le photomaton — et d'en modifier les couleurs façon bichromie, ayant longuement hésité entre les filtres « sépia » et « fluo », pour enfin nous placer l'obligatoire bandeau commercial « ENSORCELANT », obéissant aux dieux de la réclame grâce à ce mot issu d'un champ lexical magiquement vendeur… (et ne parlons pas des polices de caractères, la règle non-écrite des trois différentes, au grand maximum, s'étant depuis perdue avec les nouvelles générations, comme beaucoup d'autres…)
Bref je m'attarde là-dessus, car les nombreuses critiques sur le fond du livre doivent déjà vous avoir donné une idée de sa teneur, un livre assez prodigieux et physiquement effrayant, bien que sa longueur ne semble être un obstacle… Pis, je rejoins de nombreux avis quant à la relative brièveté de son épilogue… après de telles émotions sur presque 800 pages, on s'attendrait à un peu plus…

Un joli paradoxe, diffusant une étrange lumière malgré sa grande part de ténèbres, méritant amplement son acquisition en grand format, surtout si l'on tient à la beauté de ses étagères…
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Le Mal règne en Argentine : pendant que la population paye un lourd tribut à la dictature, perdant le décompte de ses morts et de ses disparus, deux très riches et toutes-puissantes familles d'origine britannique profitent des soubresauts politiques pour asseoir leur mainmise sur le pays et y mener leurs exactions en toute impunité. Elles sont à la tête de l'Ordre, une secte multipliant les sacrifices humains à l'Obscurité, force occulte dévoratrice, dans l'espoir d'obtenir en échange une forme d'immortalité qui leur permettrait de se réincarner de génération en génération. Pour communiquer avec cette puissance obscure, elles utilisent sous la contrainte les pouvoirs de Juan, medium qu'une grave malformation cardiaque affaiblit toutefois de plus en plus, et qu'elles veulent forcer à investir le corps de son fils Gaspar pour continuer à bénéficier de ses services. Mais Juan est bien décidé à soustraire son fils de l'emprise de l'Ordre…


Métaphore de la guerre sale en Argentine, avec son lot de tortures, d'assassinats, de disparitions forcées et de vols d'enfants, un régime de terreur auquel la répression par l'Etat de la lutte entre les groupes armés de la guérilla et des militaires a longtemps servi d'alibi, empêchant les questionnements sur les conditions politiques qui l'ont rendu possible et sur les responsabilités de la société civile dans le climat qui a favorisé cette violence, ce très long roman de près de huit cents pages est profondément déroutant.


Articulé en six parties centrées sur le père Juan, sur la mère Rosario, enfin sur le fils Gaspar, se déroulant de manière non linéaire entre les années soixante et quatre-vingt-dix, le livre foisonne et se déploie en un mouvement lent et ample que l'on pourra juger confus avant d'en voir peu à peu émerger le dessin d'ensemble. Il faut d'abord se familiariser avec les multiples personnages, comprendre les étranges visées de cette secte qui nous promène entre horreur et délire mystico-fantastique, en une succession de tableaux dignes des plus cauchemardesques représentations de l'Enfer de Bruegel ou de Jérôme Bosch, comme si seules ces visions surnaturelles et apocalyptiques pouvaient rendre compte de l'innommable réalité vécue par les Argentins.


Aussi dérouté qu'horrifié, le lecteur nauséeux se prend à détester Juan autant que celui-ci se déteste lui-même, jusqu'à ce que les raisons de son comportement terriblement brutal avec son fils finissent par dévoiler tout ce que l'homme cache de honte et de refus de transmettre l'abomination à laquelle il s'est retrouvé à contribuer. de son sacrifice émerge au final un formidable acte d'amour, une impulsion vers un avenir meilleur, pour peu que Gaspar, en partie protégé des compromissions paternelles, sache se tourner vers la lumière en évitant d'ouvrir à son tour la porte menant à la perdition.


Lecture horrifique d'une incommensurable noirceur débouchant malgré tout sur l'espoir, Notre part de nuit raconte le cauchemar empreint de culpabilité d'une génération argentine perdue dans l'enfer sans issue de l'oppression et de la terreur, et qui, consciente d'y avoir perdu son âme, n'a plus qu'une obsession : permettre à ses enfants d'envisager une vie meilleure, peut-être, un jour… Un livre puissant, dérangeant et marquant, qui mérite l'effort de sa lecture, il faut le dire, assez pesante.
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Après plusieurs retours élogieux d'amis babeliotes sur le roman de l'auteure argentine Mariana Enriquez, j'ai voulu moi aussi me lancer dans la lecture de cet énorme pavé. Pour ceux qui n'oseraient pas le lire en raison du volume de ce livre, et je comprends cette appréhension, j'ai eu la même, il ne faut pas hésiter, cette lecture est très fluide, prenante, rendue agréable par la belle traduction d'Anne Plantagenet.

« Notre part de nuit » n'est pas une lecture comme les autres.
Le récit est certes sombre, complexe, parfois violent, monstrueux, mais captivant et envoûtant par son traitement.
Un passage du roman résume mon ressenti :

« …l'impression qu'il venait de se réveiller et que le moment vécu dans ce lieu était loin, très loin, beau comme un jardin secret derrière un mur en ciment, rempli de fleurs violettes et de plantes qui mangeaient des mouches. »

*
Juan et son fils Gaspar fuient l'Argentine par la route pour rejoindre la frontière nord brésilienne. La mère de Gaspar a disparu quelques semaines auparavant dans des circonstances étranges et floues.

C'est pendant ce trajet que nous faisons leur connaissance.
Juan appartient à l'Ordre, une société secrète dont le but est de parvenir à l'immortalité par son intermédiaire. En tant que médium, il convoque, lors de rituels initiatiques, l'Obscurité.
Mais cette ancienne divinité, cruelle, féroce et vorace en sacrifices humains exige aussi une part du medium. A chaque invocation, le mal vibre dans tout son corps, et ses capacités physiques et mentales se dégradent irrémédiablement. Son pouvoir diminue chaque jour un peu plus. Bien qu'encore jeune, son corps est défaillant, brisé, moribond. Sa douleur physique le rend émouvant et attachant.

« … l'Obscurité est un dieu avec des griffes qui vous traque et qui vous trouve, l'Obscurité vous regarde jouer, comme les chats regardent jouer leur proie un moment, juste pour observer jusqu'où elle s'aventure. »

Cette fuite éperdue a pour but de protéger son enfant de cette vie d'extrême souffrance, car l'Ordre exige que Gaspar, dont les pouvoirs s'affirment chaque jour un peu plus, le remplace. Un héritage bien cruel pour cet enfant si jeune et ignorant de la vie qu'on lui destine. On ressent toute la force de cet amour paternel, mais aussi sa douleur intime, sa peur de ne pas être à la hauteur.

« Tu possèdes quelque chose à moi, dit-il, je t'ai laissé quelque chose, j'espère que ce n'est pas maudit, j'ignore si je peux te donner quelque chose qui ne soit pas souillé, qui ne soit pas obscur, notre part de nuit. »

*
Le début du récit est immersif mais aussi, assez confus, obscur.
L'auteure laisse intentionnellement le lecteur dans l'ignorance de certains moments essentiels de l'histoire. Cette tactique est payante car le lecteur veut des réponses à ses questions et la lecture devient vite addictive.
La mise en scène sans aucun ordre chronologique est frappante par la succession de plusieurs narrateurs, décrivant à chaque fois une époque différente.
Le récit multiplie les points de vue, les perspectives s'ouvrent. Les histoires et les personnages s'entremêlent, se croisent à différents moments de leur vie.

L'auteur crée tour à tour une intimité avec chacun d'eux.
Le lecteur entre dans leur histoire, leurs pensées. Certains s'effacent mais restent présents dans notre mémoire, alors que d'autres jusque là flous, nous apparaissent dans toute leur complexité.

« Il pouvait avoir peur de son père, mais jamais avec lui. Bien qu'il le sût malade, Juan lui paraissait invincible et dangereux. Parfois les animaux blessés étaient comme ça, beaucoup plus forts qu'en bonne santé. »

Mariana Enriquez excelle à dessiner des personnages fascinants, moralement ambigus ou mauvais. Certains sont froids, pervers, amoraux, dépravés, sadiques alors que d'autres sont lumineux et sensibles.
Juan est celui qui m'a le plus intrigué, à la fois doux, sensible et d'une violence inébranlable, démesurée, incompréhensible.

« Mais il n'était pas n'importe quel père, et les gens parfois le savaient quand ils le regardaient dans les yeux, parlaient avec lui un moment ; d'une manière ou d'une autre, ils devinaient le danger : Juan ne pouvait pas cacher ce qu'il était, c'était impossible sur la durée. »

*
Vous l'aurez compris, l'auteure distille une atmosphère fascinante qui m'a beaucoup plu, adoptant successivement le road movie, le thriller, le fantastique, le gothique, l'horreur, les légendes autour de personnages mythiques provenant des anciennes tribus guarani.

Par ces multiples facettes se dessinent en toile de fond, un cadre très réaliste, les années sombres et ténébreuses de l'histoire de l'Argentine, de la junte militaire, de la dictature, des disparitions, des tortures et des charniers au coeur de la forêt.

« … cette forêt touffue est une prison avec des murs de toutes parts, une terre rouge comme un fleuve de lave. »

J'ai aimé les passages où Mariana Enriquez évoque cette divinité inquiétante et gloutonne, monstre insatiable dont la gueule opaque et béante absorbe toute lumière et engloutit tout ce qui se présente à sa portée. Métaphore de l'histoire violente de l'Argentine, moment d'une force effrayante et d'une beauté carnassière, elle m'est apparue intense, vivante sous la belle plume de l'auteure.

*
Roman de filiation et de transmission, « Notre part de nuit » offre de nombreuses réflexions sur la vie, la mort. Malgré la noirceur qui s'en dégage, il transmet un message d'amour, de liberté, d'espoir.
L'écriture poétique, sensuelle, emplie d'amour et de magie, ou au contraire, furieuse, violente et sanglante diffuse des ambiances mouvantes, insufflant l'incertitude, l'appréhension, l'horreur, la tristesse, ou le dégoût.

*
Bien sûr, ce roman choral m'a beaucoup plu, mais pourtant, je n'y ai pas succombé totalement. Un magnifique coup de coeur ne dessinait dès les premières pages, mais malgré toutes les qualités évoquées, j'ai été moins captivée à certains moments du récit. Peut-être est-ce dû à quelques longueurs, au changement de rythme ou au changement de style narratif ?
J'aurais aimé entendre la voix de la grand-mère de Gaspar, mieux comprendre sa folie, sa fureur, sa violence gratuite, sa perversité. La disparition de la mère aurait nécessité quelques éclaircissements également, et le dénouement s'achève avec trop de précipitation à mon goût.

*
Pour conclure, Mariana Enriquez a écrit une oeuvre forte, créant un univers fictif impressionnant sur un fond historique bien réel. Elle a su insuffler malgré quelques longueurs, la souffrance et l'horreur dans cette histoire, nous faisant revivre avec émotion les actes commis pendant la dictature militaire argentine durant la seconde moitié du XXe siècle.
Un conte initiatique troublant, sombre, saisissant où réalité, terreur et surnaturel s'entrecroisent.
A découvrir.
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Notre part de nuit, ce titre est tiré d'un poème d'Emily Dickinson, choisi par Mariana Enriquez pour ce livre bouleversant, inoubliable, semblable à aucun autre avec une couverture magnétique …
“Our share of night to bear,
Our share of morning,
Our blank in bliss to fill,
Our blank in scorning.

Here a star, and there a star,
Some lose their way.
Here a mist, and there a mist,
Afterwards—day!”

En l'ouvrant, après avoir lu des critiques élogieuses, je me suis laissé happer par ce qui ressemble au début à un road movie d'un père étrange et violent avec son petit garçon, dont la mère est récemment décédée. L'histoire semble alors prometteuse. Mais on bascule petit à petit dans l'horreur en découvrant la secte de l'Ordre pour ensuite sombrer dans le délire le plus absolu du culte de l'Obscurité réalisant des sacrifices humains pour satisfaire un nuage noir avalant et mutilant tous les humains sur son passage…
Là, j'ai reposé le livre en me demandant dans quoi j'étais tombée. Plusieurs nuits de suite, à la faveur de réveils nocturnes, mes premières pensées sont allées vers le livre qui semblait m'appeler... J'ai ressenti un véritable malaise physique lors de ma lecture, comme une nausée, et des idées sombres m'ont assaillies... Jamais une lecture ne m'a fait un tel effet, en me retournant véritablement les tripes, au sens premier du terme. Pour moi, la lecture doit avant tout être une source de plaisir, d'évasion, de découverte et d'apprentissage de l'humain. Les lectures ou films d'horreur ne m'ont jamais attirée…
J'ai pensé alors que ce livre n'était pas fait pour moi et j'ai décidé d'arrêter cette lecture, la souffrance des personnages me dévorant moi aussi.
Mais ça ne s'est pas déroulé de la façon prévue car j'ai malgré tout continué…Tout d'abord parce que je n'ai jamais vraiment réussi à abandonner une lecture (certainement à cause d'un respect un peu idiot dû au travail de l'auteur, ce que je regrette la plupart du temps, le revirement final tant espéré n'arrivant que trop rarement) et mue par une curiosité que j'ai du mal à m'expliquer ou un magnétisme démoniaque. Alors j'ai poursuivi, un peu à reculons tout d'abord, mais j'ai poursuivi quand même.
Et là, oui, pour une fois, je n'ai pas regretté d'avoir persévéré ; subitement, les chapitres se succèdent, je tourne les pages, l'horrifique pur et l'appréhension s'éloignent, je termine complètement envoutée, à devoir lire les deux cents dernières pages d'une traite, sans plus pouvoir m'arrêter.
Mariana Enriquez imbrique ses pièces de puzzle les unes dans les autres avec une précision machiavélique, et les chapitres décrivant des personnages et des époques différents se répondent en d'assourdissants échos.
Jamais une lecture n'aura suscité chez moi simultanément autant d'attirance et de répulsion.
Je pense que c'est le type de livres que l'on peut lire plusieurs fois sans trouver toutes les clés, tant il est riche en doubles lectures.
Un roman à part, inclassable, fleuve, foisonnant, mystique, horrifique, envoûtant, magistral.
Un voyage plein de turbulences à faire le coeur bien accroché et je conseille sincèrement aux âmes sensibles, fragiles ou trop cartésiennes de s'abstenir. le lecteur avance tel un funambule sur son fil au-dessus du précipice, le gouffre noir haletant sous ses pieds tordus de douleur, San La Muerte guette son faux pas avec avidité. Gare à vous, vous n'en ressortirez pas indemne !
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On ne ressort pas indemne de la lecture de ce monument de 760 pages.
Son sujet principal ? le désir d'immortalité.
Nous sommes en Argentine pendant la dictature. Les gens ne savent plus à quel saint se vouer. Et pour cause, l'Église catholique, qui abhorre le désordre, est complice du massacre. Alors, si on ne peut pas s'en remettre à Dieu, autant recourir à des forces plus occultes.
La richissime famille de Juan est persuadée d'obtenir la vie éternelle (« retenir la conscience » p732) en convoquant l'Obscurité. Pour la contacter, elle a besoin de ses pouvoirs de medium. Elle le soumet à des rituels macabres, faits de sacrifices, d'orgies, de mutilations et de souffrances infinies. C'est au prix de ces extrémités, pense-t-elle, que la vérité surgira.
Juan a un fils, Gaspard, dans le corps duquel sa famille a décidé d'y déplacer son âme. Juan s'y oppose. Pour sa progéniture, il ne veut pas de cette forme d'éternité – sa damnation.
« Notre part de nuit », c'est comme si Gabriel Garcia Marquez, Maurice G. Dantec et Stephen King décidaient d'écrire ensemble un roman total, avec la volonté d'épouvanter pour éveiller. Comme chez Stephen King, d'ailleurs, le surnaturel devient familier, les personnages sont proches du lecteur, de chair et de sang, vibrants d'émotion malgré les effrayantes armes dont l'auteure les dote.
Le roman de Mariana Enriquez est efficace parce qu'il exploite des thèmes populaires : l'immortalité donc, l'homme de la rue détenteur de pouvoirs hors du commun, la prédestination et la croyance, si répandue en Amérique du sud, selon laquelle il est possible de dialoguer avec les morts.
Les scènes de convocation de l'Obscurité sont impressionnantes, comme si les tableaux apocalyptiques de Jérôme Bosch prenaient vie.
Passant du réel au fantastique avec aisance, Mariana Enriquez nous livre une saga haletante et débridée, propice aux questionnements les plus inavouables.
Bilan : 🌹🌹
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Ambiance noire et mystique, presque envoutante dans ce livre. On y retrouve des airs de Lovecraft ou de Carlos Ruiz Zafon par moment, ce qui n'est pas pour me déplaire. Mariana Enriquez transforme certains lieux de l'Argentine en épicentre de l'horreur gothique, on y célèbre des invocations démoniques, on y vénère les ténèbres, les initiés donnent corps et âmes aux dieux noirs de souffrance et y sacrifient leurs êtres les plus chers. Malgré un texte fort et addictif, ce n'est pas un coup de coeur, car parfois ce fut un peu long, mais la fin se mérite, dans une explosion surréaliste et fantastique.

Ce roman, à plusieurs points de vue, commence par l'histoire de Juan. Cet homme très grand et blond, traverse l'Argentine avec son jeune fils Gaspar. Malgré son gabarit, il souffre dans son corps et dans sa tête, il semble fuir des ennemis puissants capables de tout. La mère de Gaspar est morte tragiquement, mais dans ces années de dictature, de violences et d'instabilité ce n'est pas inhabituel. Pourtant, Juan qui a un don de médium, sait que les membres d'un mystérieux ordre secret, dont font partie les membres de la famille de son épouse, ne sont pas étrangers à ce drame. En tout cas, il veut sauver son fils.

Ce roman est foisonnant de mythes et de récits, de la vieille Angleterre aux tribus guaranis. Mais aussi des voyages à travers l'Argentine jusqu'à des contrées fantastiques et cruelles. Mariana Enriquez sait raconter des histoires qui nous embarquent dans l'horreur mais aussi la poésie. le rendez-vous est donc pris pour découvrir un autre livre de cette romancière à l'imagination sans limite.

❓ Et vous, quelle est votre part de nuit ?

Lien : https://jmgruissan.wixsite.c..
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Notre part de nuit précipite le lecteur dans un voyage au coeur des ténèbres.
C'est en Argentine, pays meurtrie par la dictature, que se développe l'histoire. Les nombreuses disparitions alimentées par le contexte politique du pays permettent à l'Ordre, un culte voué à l'Obscurité, de se servir impunément dans le vivier national. Cette mystérieuse entité apparait lors de rituels perpétrés par un medium et se nourrit grâce aux sacrifices engendrés par ses adorateurs.
Il est aussi question d'un père et de son fils, Juan et Gaspar.
C'est avec eux que débute le récit. C'est leurs histoire que Mariana Enriquez a choisi de raconter, dans toute sa noirceur et sa monstruosité.

Ce n'est pas une lecture facile. Elle n'est pas compliquée dans le sens où le vocabulaire et la compréhension sont laborieux. Elle est difficile parce qu'il y a de nombreux passages extrêmement sombres, durs, violents. Il faut être prêt à envisager l'inimaginable, à accepter l'horreur et espérer une fin heureuse malgré tout.
On baigne dans une ambiance pesante, poisseuse, glauque et j'en passe. Mariana Enriquez transcrit à la perfection ce climat dérangeant qui colle à la peau tout au long de la lecture et qui la rend si singulière.

Les chapitres sont long et se déroulent dans un ordre qui peut paraitre confus aux premiers abords puisqu'ils ne sont pas chronologiques mais qui prend sens au fur et à mesure de la lecture. Cette construction apporte une vision nouvelle à l'histoire et éclaire le lecteur sur de nombreuses zones d'ombres.

J'ai longtemps hésité avant de sauter le pas, finalement, je ne regrette pas mais je comprend que certains puissent émettre des réserves au sujet de ce roman.
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J'ai eu beaucoup de doutes avant de commencer cette lecture le synopsis me faisant terriblement envie mais il est beaucoup comparé à du Stephen King et à Cormac McCarthy et je dois avouer que je n'ai pas aimé le second et que je suis toujours plutôt mitigé sur le King trouvant beaucoup de longueur dans ses récits.

Notre part de nuit faisant 769 pages j'ai eu de l'appréhension, mais j'ai tout de suite accroché à la plume de l'auteur et j'ai été embarqué dans ce récit ou il ne se passe pas des tonnes de rebondissements comme dans mon genre de prédilection mais ou tout se passe dans l'atmosphère de cette Argentine sous dictature et ou la relation père fils entre Juan et Gaspar et vraiment plus que plaisante à suivre. Cette aura de secte de mysticisme de forces obscures qui sont aussi plus que métaphoriques ici.

Dans la seconde et troisième partie ces personnages disparaissent mais j'ai été tellement heureuse de les retrouver dans la dernière partie du récit. Je pense cependant que ce roman ne pourra pas plaire à tous je pense que l'on rentre dedans ou non cette lecture étant vraiment particulière mais dans mon cas cela a fonctionné.

Cette lecture est également divisé par période et j'ai été vraiment heureuse qu'il se situe en Argentine car je n'ai pas beaucoup de récit se déroulant en Amérique Latine dans ma bibliothèque, je pense que je garderai cette histoire un petit moment en tête.
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Très partagée à propos de ce bouquin. Certes, c'est un livre important et ambitieux, flirtant à la fois avec le fantastique gothique voire gore par moments et le symbolisme vu le parallèle assez évident qui y est fait entre l'histoire de cette famille étrange et la grande histoire de l'Argentine, notamment la dictature des années 80. Mais j'ai eu beaucoup, beaucoup de mal à entrer dans l'histoire. Probablement parce que la psychologie des personnages m'est apparue très peu développée sauf peut-être dans le dernier tiers du récit. En cela la comparaison qui est faite notamment avec Stephen King me semble trompeuse car la démarche de King me paraît exactement inverse : il procède de l'individu pour aller vers le contexte qui l'entoure tandis qu'ici les protagonistes sont noyés dans un cadre qui les dépasse de très loin. Il n'empêche que cette oeuvre est Grande, avec des références historiques, culturelles (le passage éclair de David Bowie, sans doute en référence au film The Hunger où son personnage n'apparaît pas très éloigné de celui de Juan Peterson) voire ethnologiques qui forcent l'admiration. Mais je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages sauf peut-être vers la fin du récit. Je ne voulais pas laisser de côté ce livre dont je reconnais les qualités mais il ne m'a pas emportée, dommage...
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Voilà un livre que j'ai beaucoup aimé car Il a réussi à me convaincre qu'au-delà d'une histoire racontée, au-delà de ce qu'on peut deviner en parcourant la quatrième de couverture, la manière dont les mots tissent une réalité romanesque, suffit à emporter le lecteur. Je suis effectivement tombée dans le récit comme dans un puits sans fond, accrochée dès les premières pages à un monde qui jusqu'alors m'était inconnu.
Je connais peu l'Argentine, quelques images des mères de la place de Mai, le souvenir de ces milliers de disparus sous la botte de la junte, la crise économique ensuite avec son inflation sans fin. Les récits ésotériques par contre, ne m'ont jamais attirée je n'ai pas de sympathie particulière pour les mystères noirs qui se réclameraient de la marche du monde et de son humanité…Autant de raison pour renoncer à priori à s'enfoncer dans les presque 800 pages du roman, et pourtant j'y suis allée et j'y suis restée, sans regrets.
La surprise est née dès les premières pages, au fil d'une écriture convaincante, en tension, dans un présent où le lecteur est immergé au plus près des personnages. Juan, Gaspard prennent vie instantanément, sans atermoiement possible, dans leur mystère.
La force du livre tient beaucoup à l'intelligence de la narration. Elle ménage ses effets, elle sait être économe, elle se garde bien de dévoiler trop tôt les clés du mystère. le récit commence en 1981, Gaspard a six ans, il est le fil rouge de l'histoire, le lecteur le découvre en plein désarroi, sa mère est morte récemment, et son père l'entraîne sur la route dans un voyage dont on suit la progression sans rien connaître de son but. Petit à petit les contours des personnages prennent forme, la santé du père, ses craintes pour l'enfant, l'ombre de la mère. Dans ses malaises fréquents, la fragilité de Juan laisse deviner une réalité hors normes mais rien n'est explicite et tout est bien ancré dans le réel, celui des paysages, de la chaleur pesante, en écho à l'arrière-plan de la dictature de Videla. Sept chapitres vont peu à peu aider le lecteur à lever le voile en donnant la parole successivement à ceux qui peuvent à postériori ou à priori, éclairer la vie de Juan. le docteur Bradford raconte en 1983, sa rencontre avec Juan et le rôle qu'il a joué dans sa vie, Rosario, évoque son amour pour Juan et comment elle a pu être à ses côtés, dans la révélation de ses pouvoirs au fil des années 60 et 70, progressivement le récit se resserre autour de Gaspard, véritable enjeu des forces obscures qui le cernent et auxquels il tente de résister avec obstination. La dénonciation de la dictature est palpable tout au long du récit jusqu'à la révélation des charniers et des disparus. Il n'y a qu'un pas pour voir là, la réalité de cette obscurité mangeuse d'hommes, qui fait et défait les vies tout au long du livre, jusqu'à se heurter au besoin irrépressible de liberté de Gaspar.
Un livre dense et envoutant.
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