Voilà une façon passionnante de parler d'aménagement du territoire et de sociologie urbaine. Ce beau livre est un cadeau que j'aime beaucoup avec un magnifique sommaire sous forme de cartes postales en couleurs, comme un kaléidoscope.
Renaud Epstein est un sociologue spécialiste de la politique de la ville qui s'est fait connaître par son fil Twitter "Un jour, une ZUP, une carte postale" prolongé par des expositions. Il faut dire qu'il collectionne les cartes postales des grands ensembles produites en grand nombre dans les décennies d'après-guerre quand ces immeubles ont été construits.
Il précise que le vaste programme national de démolition reconstruction des quartiers d'habitat social qui date d'une vingtaine d'années a changé le statut de ces cartes postales qui deviennent des archives d'un monde en voie de disparition. D'ailleurs, il intitule ce livre "
On est bien arrivés" parce c'est une phrase qu'il a trouvé au dos d'une des cartes qui servaient couramment à communiquer, avant les SMS.
L'introduction permet à
Renaud Epstein de présenter les politiques d'urbanisme des trente glorieuses jusqu'à aujourd'hui et leurs conséquences socio-économiques. Il rappelle que si les grands ensembles ont des caractéristiques communes qui les rendent reconnaissables notamment par la densité du nombre de logements, tous ne se ressemblent pas. L'auteur nous invite donc à considérer avec précaution certaines idées communes comme celle d'associer grand ensemble et pauvreté qui conduit à imputer à leur urbanisme les problèmes sociaux qui se manifestent dans nombre d'entre eux mais aussi l'idée suivant laquelle la résolution de ces problèmes sociaux passerait par la diminution du poids des HLM dans le parc de logement de ces quartiers par le biais de la construction privée ou de la vente de logement sociaux à leurs occupants.
Comme le sous-titre l'indique, le sociologue fait "un tour de France des grands ensembles" en accompagnant les cartes de citations tirées de discours politiques, de textes juridiques, d'ouvrages scientifiques, d'articles de presse, de romans, de films, de chansons, de tweets ou encore des textes écrits par l'expéditeur au verso.
On passe par exemple en Saint-Denis avec une carte de la Cité La Sablière chez
Kylian Mbappé qui écrit en 2020 : "A Bondy, dans le 93, dans les banlieues, il n'y a peut-être pas beaucoup d'argent, c'est vrai. Mais nous sommes des rêveurs. Nous sommes nés comme ça, je pense. Peut-être parce que rêver ne coûte pas grand-chose. En fait, c'est gratuit. Nous vivons là-bas dans un incroyable mélange de différentes cultures - française, africaine, asiatique, arabe, tous les coins du monde [...] mais quand vous n'êtes pas de là-bas, vous ne pouvez pas comprendre ce que c'est."
Je suis touchée par ses propos car moi aussi je viens d'une cité de banlieue.
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