Durant une année, de novembre 2012 à octobre 2013, l'écrivaine Annie Ernaux a tenu un journal sur ses visites à l'hypermarché Auchan de Cergy dans le Val d'Oise. Familière de ce lieu où elle se rend régulièrement pour faire ses achats, elle fait de ce temple de la consommation un sujet littéraire. Ni enquête ni reportage, c'est bel et bien un relevé libre et intime d'observations, de sensations, qui tente de retranscrire des comportements , des gestes, quelque chose de notre vie à tous.
Les premières observations de l'écrivaine, très minutieuses, la conduisent rapidement à dénoncer cet univers qui nous pousse à la consommation de manière pernicieuse, qui nous séduit par des rêves et des mensonges, et nous attache à lui par des injonctions cachées. Lieu de rentabilité, lieu de surveillance aussi où les caméras nous scrutent et où les cartes de fidélité dévoilent tout de nous. Rien n'est innocent dans les supposés « offres promotionnelles » où l'on fait croire aux gens qu'ils « gagnent » de l'argent. de l'art d'embobiner le chaland...
Pourtant, comme pour beaucoup de personnes – moi y compris – l'hypermarché est un lieu incontournable de notre vie quotidienne, un lieu où l'on retrouve certains de nos repères. le rituel des courses du samedi matin, les gens que l'on croise régulièrement sans jamais les connaître, la flânerie dans la galerie marchande… Comme nous, c'est donc avec ambivalence que l'auteure observe ce lieu paradoxal, image réduite de notre société. A travers des petits tableaux de vie, l'écrivaine retrouve dans cet espace un sexisme admis dans notre société (regardez le rayon jouets au moment des fêtes de fin d'année...) et les inégalités sociales, avec notamment le rayon discount qui propose non seulement des produits à bas prix industrialisés et insipides, mais qui les propose forcément dans des emballages les plus basiques possibles et bien reconnaissables. le passage à la caisse, quand se rassemblent tous les clients de conditions et âges différents, est ce moment où chacun dévoile sa plus grande intimité : compte en banque, habitudes alimentaires, hygiéniques, sanitaires… Pourtant, nulle gêne. En effet, l'anonymat est roi à l'hypermarché. On se frôle, on se côtoie mais on reste tous des « invisibles » les uns pour les autres. C'est la règle. Qui penserait à engager la conversation avec un inconnu dans ce lieu ?
Lieu d'injustice et lieu de communion, lieu de distraction et de flânerie, l'hypermarché est tout simplement un lieu de vie.
« Regarde les lumières mon amour » est le premier livre que je lis d'Annie Ernaux. Court et rapide à lire dans un style vivant et fin, ce petit livre confirme le talent de cette écrivaine dont on m'a souvent vanté les ouvrages.
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En lisant ce livre issu d'une liste de lecture de ma fille, j'ai été étonnée.
D'abord, comment peut-on faire un roman sur les hypermarchés ? Comment ai je pu lire cela d'une traite ?
Certes le sujet est trivial, mais c'est raconté avec tellement de verve que j'ai pris plaisir à le lire.
Mon deuxième étonnement concernait le lieu principal. En fait, je connais cet endroit parce que je vais de temps en temps dans le centre commercial qui l'entoure. Je peux dire que tout est comme dans le livre.
Chapeau donc à Annie Erneau. Comme certains lauréats récents, ce livre n'est pas difficile à lire même si l'auteure est prix Nobel de littérature.
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