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3,4

sur 791 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Regarde les lumières, mon amour"... Un titre étonnant, une simple phrase qu'Annie Ernaux a entendue et qui est devenue titre.
"Regarde les lumières, mon amour"... Un titre étrange, qui sonne comme un pied de nez à la tristesse, à la banalité des événements contés dans cette chronique, au jour le jour, de la vie d'un magasin…
"Regarde les lumières mon amour"... Comme une poésie, avant un livre, lucide et juste… Ou comme une poésie avant une poésie ?... Avant la poésie du quotidien, la poésie du quotidien, malgré la société de consommation, malgré les difficultés ?... Possible…
Toujours est-il qu'Annie Ernaux nous livre ici un très beau livre, une chronique lucide, juste, intelligente, pertinente, de la vie d'un magasin et une réflexion intelligente et sensible.
Son style est parfait : il est simple, sobre, mais chaque phrase sonne juste.
Et c'est ce que j'aime chez Annie Ernaux : le don de dire, d'écrire la vie ( pour reprendre le titre que les éditions Gallimard ont donné au recueil de ses oeuvres les plus importantes ), avec justesse et délicatesse, sans jamais rien caché des cruautés de la vie, sans tomber non plus dans une description morbide et radicalement pessimiste de la vie… C'est une façon d'écrire qui en fait la digne héritière des naturalistes de la deuxième moitié du XIXème siècle, De Maupassant, notamment.
Elle a compris, je crois, les enjeux de notre société, les problèmes de notre monde actuel ; et elle illustre brillamment cette compréhension dans ces textes, dont "Regarde les lumières, mon amour"... Elle a prit le parti de la simplicité, car les grandes épopées flamboyantes ne peuvent correspondre à sa sensibilité…
Et, dans "Regarde les lumières, mon amour", comme dans le reste de son oeuvre, elle conte, avec intelligence, justesse, vérité, le quotidien et ses cruautés. Et elle confirme l'une des écrivaines françaises les plus douées et les plus importantes de notre temps.
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Ce livre, qui est davantage une étude sociologique qu'un roman, illustre les paroles de Jean Laurenti dans son article sur l'auteur dans le magazine le Matricule des anges paru en 2014 : « Annie Ernaux est de ces écrivains dont chacun des livre entraîne le lecteur dans une confrontation radicale, sans médiation avec le réel. L'espace, le temps, l'expérience humaine qui y sont approchés constituent un territoire que l'on arpente avec elle, dans une distance qu'abolit la force brute et dépouillée de ses mots ». Et en effet, Annie Ernaux choisit une forme insolite oscillant entre l'essai et le journal intime (ou journal de bord) pour consigner une année d'étude de la consommation dans un centre commercial, « Auchan » de Cergy-Pontoise. L'auteur considère l'hypermarché comme un objet littéraire représentant un microcosme de la société. Si cette approche peut sembler particulière, les lieux de commerce sont pour Annie Ernaux des espaces mémoriels. En effet, sa vie est jalonnée de souvenirs liés à cet univers de la consommation comme en témoignent les premières pages de ce récit dans lesquelles elle cite les grandes surfaces qui l'ont marquée : « Supermarket » de Londres, « Carrefour » d'Annecy, « Intermarché » de la Charité-sur-Loire ou encore, « Mammouth » à Oiartzun. Déjà, dans le roman Les Années, elle évoquait cet univers naissant en France à la fin des années 50 qui semblait être le symbole de la modernité. Dans Regard les lumières mon amour, les lieux de consommation sont liés à des anecdotes personnelles, des souvenirs joyeux ou mélancoliques. Ainsi, on peut dire qu'à la dimension auto-biographique et littéraire cette oeuvre tend vers l'étude sociologique. L'auteur souligne la particularité de cet espace de consommation : « il n'y a pas d'espace, public ou privé, où évoluent et côtoient autant d'individus différents : par l'âge, les revenus, la culture, l'origine géographique et ethnique, le look. Pas d'espace fermé où chacun, des dizaines de fois par an, se trouve mis davantage en présence de ses semblables, où chacun a l'occasion d'avoir un aperçu sur la façon d'être et de vivre des autres ».
de ce lieu dont elle fait son sujet, Annie Ernaux est d'abord une observatrice attentive. Elle décrit minutieusement ce « temple de la consommation » dénommé « Centre commercial des Trois-Fontaines » de Cercy, « énorme forteresse rectangulaire en briques rouge-brun, dont la grande façade, celle tournée vers l'autoroute, est en vitres-miroirs, reflétant les nuages », puis celle du supermarché Auchan auquel on « accède […] par dix portiques dont quelques-uns, monumentaux, évoquent l'entrée d'un temple mi-grec mi-asiatique, avec leurs quatre colonnes surmontées de deux toits distants, en forme d'arc, le plus haut en verre et métal, débordant avec grâce ». L'auteur aime à flâner entre les rayons et les étalages qu'elle mentionne, celui de la poissonnerie, des fruit et légumes, de la parapharmacie mais aussi celui dédié à la librairie (dont l'espace se réduit au fil des mois), sans oublier le rayon « discount ». Elle décrit aussi les stratégies commerciales de la grande surface : les offres qui varient toute l'année en fonction des saisons et du rythme des différentes fêtes religieuses et culturelles ou rendez-vous quotidiens (jour de l'an, Noël, Pâques, Nouvel-an Chinois, Ramadan, rentrée des classes, Saint-Valentin…) mais aussi en fonction de la rentabilité des offres promotionnelles, les différentes caisses (automatiques ou non), la communication destinée à la clientèle (gros prix colorés, annonces, tickets de réduction).
Aussi, Annie Ernaux donne à voir ceux qui retiennent rarement l'attention dans la littérature : les employés et les clients. Leur évocation donne lieu à de véritables petits portraits de la vie quotidienne. Ainsi, on remarque la conductrice de la machine à nettoyer le sol, majestueuse « dominant les clients de son siège surélevé » ; l'enfant qui plonge la main dans un bac de bonbons et en apporte triomphalement une poignée à sa mère, gênée ; un jeune couple au rayon des fromages, dont les hésitations révèlent les « prémices d'une vie commune » ; un vieil homme « plié en deux, flottant dans un imperméable » qui « avance tout doucement avec une canne […] » et qui « tient un cabas hors d'âge ». Ces photographies du monde qui l'entoure donnent l'occasion pour l'auteur d'une analyse des comportements, comme on peut le voir avec la description des clients à la caisse » dressée le 7 février 2013.
Annie Ernaux ne se contente pas de noter ses observations, elle adopte un esprit critique. En effet, le journal de bord est un témoignage argumenté sur l'univers de la grande distribution dans lequel elle dénonce un monde déshumanisé, obsédé par la rentabilité et la surveillance. L'écrivain, fille d'un père épicier, est sensible au déclin des petits magasins et de la vie culturelle que provoquent le développement de ces espaces de consommations gigantesques. Elle s'insurge contre la comédie du langage commercial adopté chez Auchan, contre les adresses à la clientèle, faites d'injonctions, de politesses feintes et d'exagérations trompeuses. C'est « le langage habituel de séduction, fait de fausse bienveillance et de bonheur promis ». Elle dénonce aussi cette « grande distribution qui fait la loi dans nos envies. Elle s'indigne du mépris de l'hypermarché pour les plus modestes, constatant que le rayon discount se trouve relégué près du rayon de nourriture pour animaux, loin de l'allée centrale du magasin. Enfin elle déplore la froideur de cet univers dans lequel « on peut entrer et sortir […] sans une parole ni un regard aux autres » ; elle considère le passage en caisse automatique comme un « système éprouvant, terroriste », qui donne l'impression que la « machine s'énerve de plus en plus, vous estime nul et incompétent ».
Mais l'hypermarché n'est pas dépeint que sous un angle critique. En effet, le regard de l'écrivain est ambivalent car elle révèle également son attachement à ce lieu familier et son intérêt pour les hommes et les femmes qui l'occupent. Elle explique ainsi que l'hypermarché est pour elle un lieu de divertissement, de distraction (elle dit aimer se promener dans ce lieu dans ses moments d'écriture). Annie Ernaux se place à la hauteur du lecteur-consommateur afin de l'inviter à regarder sous un jour nouveau, un lieu qui nous est familier.
Lien : http://yzabel-resumes-et-poi..
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Qui mieux qu'Annie Ernaux peut raconter la vie ? Dans "Regarde les lumières mon amour", Annie Ernaux fait le récit de... ses courses à Auchan. Non mais allo, quoi ! v'la la vieille meuf en galère qui n'a pas de vie !!! Et bien détrompez-vous, à travers les allées de l'hyper marché, c'est toute notre société qui est passée au crible de la vision acérée de cette inimitable auteure. En seulement 70 pages elle nous pousse à réfléchir sur nos désirs, nos frustrations, notre mode de vie, notre futilité. "Regarde les lumières mon amour" est aussi une leçon de géographie urbaine, de sociologie, d'économie. Un petit livre absolument REMARQUABLE.
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j'aime lire Annie Ernaux, cette auteure de 76 ans, pour sa simplicité d'écriture et un certain regard sur le monde. Ici son ressenti nous est livré sur chaque endroit de ce supermarché qui brasse une foule qui ne se croiserait pas forcément ailleurs que dans cet espace (temple) de la consommation. Son analyse des produits discount et de leur mise en valeur selon les catégories sociales ou la primauté accordée à certains auteurs "commerciaux" dans l'espace librairie sont assez justes. Tout n'est que consommation, règne de l'éphémère et du renouveau. On pourra ressentir une certaine nostalgie en filigrane pour les petits commerces ou tout n'est pas aussi formaté et où l'éclairage n'est pas le même...
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Je découvre l'autrice.
Bien sur avec son prix, j'ai entendu parler de ses romans mais je souhaite la découvrir par ses journaux et ses entretiens ("L'écriture comme un couteau" va suivre juste après)

Que se cache-t-il derrière ce journal ?
Des observations simples et factuelles de ses passages à l'hypermarché.
Des interrogations sur ce melting-pot qui pourtant se croise très peu.
Un regard sur le libéralisme, les manières commerciales, les ghettos internes à cet hypermarché.

Autant l'idée d'une approche sociologique sur les personnages croisés dans un hypermarché me semblait spécieuse et de peu d'intérêt, autant après cette lecture ma vision préconçue a été remaniée.

Oui, même dans les hypermarchés, nous pouvons détecter des faits de société, des courants de pensées, des manipulations commerciales.

Dois-je préciser que je vous en conseille la lecture ?

Livresquement vôtre.

PS : Je suis heureux de ne plus être confronté aux hypermarchés, depuis que je me suis réfugié en province. Je n'affronte que des supermarchés, pour ce que je ne peux pas acheter directement aux producteurs (oui je suis un "privilégié").
Mais je garde en (funeste) mémoire mes passages à Velizy II en début de carrière
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Voilà un court roman ou peut être mieux vaut dire un journal écrit par Annie Ernaux. le lieu, un hypermarché !! Avec un style épuré, elle nous raconte les dérives de la surconsommation.
J ai aimé ce roman qui met en lumière un lieu, des personnes et des métiers mal connus.
Et puis , oui ça fait appel à des souvenirs, et a des réflexions que nous avons tous pu faire au détour d un rayon de supermarché
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Regarde les lumières mon amour - Annie Ernaux

Texte très court d'Annie Ernaux, Regarde les lumières mon amour est une observation de notre société à travers le prisme de l'hypermarché. Qui les fréquente? Pourquoi? Quels produits sont achetés? Comment ce temple de la consommation s'adapte-t-il aux changements profonds de notre civilisation consumériste?

Entre 2012 et 2013, l'autrice a relaté brièvement ses passages au Auchan des Trois Fontaines à Cergy. "Pas d'enquête ni d'exploration systématiques mais un journal (...) un relevé libre d'observations, de sensations, pour tenter de saisir quelque chose de la vie qui se déroule là"

Annie Ernaux déambule donc régulièrement dans les allées de cet hypermarché, notant les habitudes des uns, les jours de fréquentation des autres, l'arrivée du bio, les promos, la temporalité distordue et presque folle de ces espaces de ventes qui passent d'Halloween à Noël en une soirée.... A travers ce supermarché, c'est toute notre société qu'elle interroge : quelle place laissons-nous à la culture? comment aménager l'espace pour pousser à la consommation ? que disent de nous ces articles que l'on pose sur le tapis roulant?

Passionnant et percutant.
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Comme Annie Ernaux le dit elle-même, ce n'est ni une étude sociologique, ni un essai critique mais simplement son journal ; celui d'une femme du XXIe siècle, qui a connu l'épicerie familiale, l'ouverture des premiers supermarchés, l'essort des centres commerciaux et peut-être ce qui aura été leur apogée avec l'arrivée de nouvelles habitudes de consommation.

Annie consommatrice, plus qu'observatrice sillonne les rayons du temple de la consommation, le " Kremlin" "aux briques rouges" dit-elle et fait part au lecteur de ses réflexions.

Elle évoque ce lieu comme un carrefour où les gens se croisent et coexistent, sous la lumière crue des néons et des panneaux "jaune acide" de promotions, tous différents mais surtout, femmes. Celles dont la place reste inexorablement au supermarché, comme une "extansion " de leur place domestique, malgré la volonté de changements.

Tout cela, vivifié par l'acuité d'Annie, par sa plume facétieuse, son humour et par ce lien intime à la fois individuel et universel qu'elle tisse avec le lecteur.

Voici une citation — le choix était grand — celle qui permet de mieux définir ce produit à consommer sans date de péremption et qu'elle aimerait que nous extirpions du caddie " entre la plaquette de beurre et la paire de collant"... :

" Comme chaque fois que je cesse de consigner le présent, j'ai l'impression de me retirer du mouvement du monde, de renoncer non seulement à dire mon époque mais à la voir. Parce que voir pour écrire, c'est voir autrement. C'est distinguer des objets, des individus, des mécanismes et leur conférer leur valeur d'existence."

Lire Regarde les lumières mon amour, c'est alors voir notre société à travers un lieu peu littéraire, le supermarché.
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Rédigées à la manière d'un journal et publiées sous la forme d'un roman très court, les observations d'Annie Ernaux sont des clichés instantanés, saisis au fil de ses déambulations dans les allées de l'hypermarché Auchan des Trois Fontaines de Cergy Pontoise, durant la période de novembre 2012 à octobre 2013. Tout est dit, ou presque, en quelques pages : la diversité sociale et ethnique de la clientèle, les techniques commerciales utilisées pour l'appâter, les dispositions des rayons et des étalages en constant bouleversement, etc…

La romancière nous confie les sentiments et les impressions que lui suggèrent les différents comportements humains au sein d'un centre commercial, lieu de passage et de brassage de toute une population où se côtoient quotidiennement des milliers de gens, aux origines diverses. Cet exercice littéraire, original et inédit, n'avait jamais fait l'objet d'une publication jusqu'à présent. Il suscitera, à coup sûr, l'intérêt des lecteurs et obtiendra l'assentiment des clients habituels des grandes surfaces.
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J'ai longtemps tourné autour de ce livre d'Annie Ernaux, n'étant pas une fan de la Grande Distribution.
Et puis, son Prix Nobel aidant, je me suis lancée.
J'ai aimé son approche sociologique de l'Hyper-marché dans lequel elle se rend presque 2 fois par semaine.
J'ai noté pleins de passages.

Quelques citations :

"Est-ce que vous avez la carte de fidélité ?" je répondais tout aussi rituellement "Je ne suis fidèle à personne", ce qui est très exagéré. (p.25)

Perversion des caisses automatiques, l'irritation que suscite une caissière jugée lente se déplace sur le client. (p.44)

Le temps d'attente à la caisse : exposant, comme nulle part autant, notre façon de vivre et notre compte en banque. (p.61)

"A l'école, ils ont mangé chinois". Est-ce l'école ou l'hyper qui éduque ? Peut-être les deux. (p63)

Est-ce que venir dans le centre n'est pas une façon d'être admis au spectacle de la fête, de baigner réellement dans les lumières et l'abondance. de valoir autant que les choses. On peut, dans cet endroit, se sentir désorienté, mal à l'aise, mais jamais dégradé. (p.67)

Nous sommes une communauté de désirs, non d'action. (p.84)

L'image que je retiendrai :
Celle des parallèles fait parfois avec des fabriques détruites en Asie, entrainant la mort de milliers de travailleuses, et dans lesquels sont retrouvés des étiquettes de marques de la grande distribution.
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