Voilà un livre que l'on pourrait croire sorti tout droit du "grenier", l'antre où
Edmond de Goncourt se plaisait à recevoir chaque dimanche les grands écrivains de son époque.
Claude Farrère n'y était pas un assidu.
Mais il est décrit comme un occasionnel dans le livre "
Mes Goncourt" de
Pierre Descaves.
De nombreuses années plus tard, en plein milieu de la seconde guerre mondiale, aurait-il écrit ce roman pour y réaffirmer son attachement ?
"L'homme seul" est l'histoire d'un écrivain.
C'est un roman composé de trois parties : "l'essor", "plein vol" et "la foudre".
Gilles Auxerre est né à l'improvisade.
Le siècle XIX est fini.
Le siècle XX commence à peine.
Le jeune homme veut, par amour, forcer la chance, et la lettre.
Il va écrire trois premiers livres qui comptent : "la chanson de la vie", "les combattants" et Féroce comédie".
Reconnu comme le premier de sa génération, il n'arrivera pas à écrire le quatrième qu'il désirait situer au delà de la matière et du mouvement ...
"L'homme seul" est l'histoire tragique d'une vie gâchée.
C'est un roman un peu long et fastidieux par moments.
On n'y ressent pas la force que
Claude Farrère sait d'habitude insuffler à sa littérature.
De plus l'élégance semble avoir quitté sa plume.
On pressent derrière elle un écrivain fatigué, un homme vieillissant se rapprochant d'un dieu que jusqu'ici il avait dédaigné.
De plus, les personnages féminins ne sont pas épaissis, ce qui donne au récit comme un air bancal.
Le récit peut apparaître comme lent et monotone.
Mais la dernière page refermée, le lecteur que je suis s'est senti récompensé de ne pas avoir calé dans sa lecture.
Car, au final, malgré ses défauts, ce roman est un livre dense, une parabole tragique sur l'incertitude de la condition humaine.
Lorsque un destin trébuche toute sa vie durant contre une foule de menues trahisons, dont la somme empoisonnerait la vie du philosophe le plus stoïque ...
La dernière partie du roman est certainement la plus réussie des trois.
Son triste épilogue est de ceux qui relancent l'intérêt.
Et puis, de passage dans le Cotentin, dans sa dernière errance entre la Hague, Barfleur et Martinvast, Gilles Auxerre y rencontre un homme de nombres, de droites et de courbes, Vincent Tyrosse, professeur de mathématiques au lycée de Cherbourg ...
De retour au "pays" pourquoi alors bouder son plaisir ...