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Citations sur Lumière d'août (105)

Mais, avez-vous la prétention de me dire exactement quelle est la proportion du mal dans l'apparence du mal, juste où le mal s'arrête entre l'action et l'apparence ?
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Tout homme a le privilège de se détruire lui-même pourvu qu'il ne fasse de mal à personne, et moyennant qu'il vive pour lui-même et de lui-même...
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Parfois, il se rappelait qu’un jour, il avait poussé, excité des blancs à l’appeler nègre, pour pouvoir se battre avec eux, pour les battre ou être battu. Maintenant, il se battait avec les noirs qui le traitaient de blanc. Il était dans le Nord, maintenant, à Chicago puis à Detroit. Il fréquentait les noirs et évitait les blancs. Combatif, mystérieux, renfermé, il mangeait avec eux, couchait avec eux. Il vivait alors maritalement avec une femme qui ressemblait à une statue d’ébène. La nuit, couché près d’elle, éveillé, il se mettait parfois à respirer très fort. Il le faisait exprès, sentant, regardant même sa poitrine blanche s’enfler, plus large, toujours plus large, sous la cage thoracique. Il s’efforçait d’aspirer l’odeur noire, la pensée, la nature sombre, indéchiffrable des nègres, essayant, à chaque expiration, de chasser loin de lui le sang blanc, la pensée, la nature blanche. Et, toujours, à l’odeur qu’il tentait de s’assimiler, ses narines blanchissaient, se contractaient, son être entier se révulsait, se tendait sous la révolte du corps et le refus de l’esprit.

(p. 277)
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Quand il se mit au lit, ce soir-là, il était décidé à s’enfuir. Il se sentait comme un aigle, dur, suffisant, puissant, sans remords et plein de vigueur. Mais cela ne dura pas, bien qu’il ignorât alors que, pour lui comme pour l’aigle, sa propre chair, aussi bien que tout l’espace, ne serait jamais qu’une cage.

(p. 202-203)
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« On l’enverra à l’orphelinat des nègres, pensa-t-elle. Naturellement. Il faudra bien. »
Elle n’alla même pas tout de suite trouver la directrice. Elle était partie dans cette intention, mais, au lieu de tourner vers la porte du bureau, elle se vit la dépasser, continuer vers l’escalier et le monter. On eût dit qu’elle se suivait elle-même pour voir où elle allait. Dans le corridor, tranquille et vide, elle bâilla à nouveau avec un soulagement complet. Elle entra dans sa chambre, ferma la porte à clé, se déshabilla et se mit au lit. Les stores étaient baissés, et elle était étendue sur le dos, immobile, dans une obscurité presque complète. Ses yeux étaient fermés, son visage doux et vide. Au bout d’un moment, elle entrouvrit les jambes, puis elle les referma, lentement, sentant les draps glisser, frais et lisses sur elles, puis glisser à nouveau, lisses et chauds. Sa pensée semblait suspendue entre le sommeil qui la fuyait depuis trois nuits, et le sommeil qu’elle s’apprêtait à goûter, le corps ouvert, prêt à le recevoir, comme elle aurait reçu un homme.

(p. 167-168)
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Immobile, debout, haletant, il (Christmas) regardait de tous côtés. Grâce à la lueur vague et fumeuse des lampes à pétrole, les cases, autour de lui, se détachaient sur les ténèbres. De tous côtés, même en lui-même, murmuraient les voix incorporelles, fécondes et moelleuses des femmes noires. C’était comme si lui-même et toute la vie mâle autour de lui étaient rentrés dans les ténèbres chaudes, les ténèbres humides de la Femelle originelle. Les yeux luisants, les dents brillantes, un souffle froid sur ses dents et sur ses lèvres sèches, il se mit à courir jusqu’au réverbère le plus proche. Au-dessous de ce réverbère, une ruelle étroite et défoncée tournait et montait de l’obscurité des bas-fonds jusqu’à la rue parallèle. Il s’y engagea en courant et, le cœur battant, s’élança sur la pente escarpée jusqu’à la rue supérieure. Il s’arrêta alors, oppressé, les yeux étincelants, le cœur battant, comme si ce cœur ne pouvait croire, ne voulait croire encore que l’air était, à présent, l’air dur et froid de la ville blanche.

(p. 149)
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Dans les ténèbres à peine pâlies, il (Christmas) semblait observer son propre corps. Il semblait le regarder devenir lascif, lentement, dans ce chuchotement d’ordures de ruisseau, comme un cadavre de noyé dans l’épais croupissement noir de quelque chose de plus que de l’eau. De la paume de ses mains dures, il se toucha, remonta le long de son ventre et de sa poitrine, sous ses sous-vêtements qu’un seul bouton retenait dans le haut. (…)
Du travers de la main, il donna, sur le bouton unique, un coup léger, rapide. Quand le vêtement lui glissa sur les jambes, la nuit souffla sur lui, souffla doucement ; la fraîche bouche des ténèbres, la douce langue froide. Quand il se remit en marche, il put sentir la nuit, comme de l’eau. Sous ses pieds, il sentait la rosée comme il ne l’avait jamais sentie jusqu’alors. Il franchit la barrière cassée et s’arrêta sur le bord de la route. Les herbes d’août lui montaient à mi-cuisse. Sur les feuilles, sur les tiges, la poussière des charrettes qui passaient s’était accumulée depuis un mois.

(p. 140-141)
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Il se leva. Ses pieds nus ne faisaient aucun bruit. Il resta debout, au noir, dans ses sous-vêtements. Sur l’autre lit, Brown ronflait. Christmas resta debout un instant, le visage tourné vers le son. Puis, il se dirigea vers la porte. Dans ses sous-vêtements, pieds nus, il quitta la case. Dehors, il faisait un peu plus clair. Au-dessus de sa tête, tournaient les lentes constellations, les étoiles qu’il connaissait depuis trente ans et dont aucune n’avait de nom pour lui, qui ne signifiaient rien, ni par leur forme, ni par leur éclat, ni par leur position. Devant lui, sortant d’un bouquet d’arbres épais, il pouvait distinguer une cheminée et un pignon de la maison. La maison elle-même était invisible et noire. Pas une lumière, pas un bruit, tandis qu’il s’approche et s’arrête sous la fenêtre de la chambre où elle dort, pensant.

(p. 139)
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Il (Christmas) fuma sa cigarette sans y porter la main une seule fois. Il la jeta vers la porte. Contrairement à l’allumette, elle ne s’évanouit point dans sa course. Il la regarda scintiller en tournoyant dans l’embrasure. Il se renversa sur son lit, les mains sous la nuque, comme s’étend un homme qui ne compte pas dormir, pensant : Je me suis couché à dix heures et je n’ai pas dormi. Je ne sais pas l’heure qu’il est, mais il est plus de minuit et je n’ai pas encore dormi. « C’est parce qu’elle s’est mise à prier pour moi » dit-il. Il parla tout haut, d’une voix soudaine et forte dans la chambre obscure au-dessus du ronflement d’ivrogne de Brown. « C’est cela. Parce qu’elle s’est mise à prier pour moi. »

(p. 138-139)
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Christmas alluma la cigarette et, lançant l’allumette dans la direction de la porte ouverte, il regarda la flamme s’évanouir dans l’espace. Puis, il attendit le bruit léger, insignifiant, que l’allumette éteinte allait produire en tombant sur le sol. Il lui sembla l’entendre. Et il lui sembla, assis sur son lit, dans la chambre obscure, qu’il entendait une myriade de sons également légers – voix, murmures, chuchotements : d’arbres, de ténèbres, de terre ; de gens ; sa propre voix ; d’autres voix évocatrices de noms, de temps et de lieux dont il avait eu conscience toute sa vie, sans le savoir, qui étaient sa vie même.

(p. 138)
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