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EAN : 9781096861003
La boucherie littéraire (09/06/2017)
4.36/5   7 notes
Résumé :
Le recueil est composé 19 textes qui sont un condensé d'amour maternel à fleur de chair, à fleur de peau, à fleur de femme. En voici l'un d'eux.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Estelle Fenzy, avec ce nouvel opus, feu couvé sous sa livrée rouge orange, propose un recueil autobiographique dédié à sa mère et à ses trois enfants, deux filles « belles et rondes » et un fils l'« enfant clair ». Cette suite poétique parlera à nombre de femmes et d'hommes car il s'agit de rendre compte de l'expérience de la maternité devenue un état, une seconde nature, comme le rappelle le vers répété à chaque fin de poème « je suis mère ». Une affirmation, dix-neuf fois scandée (faut-il y voir une signification symbolique ?) qui étonne autant qu'elle émerveille. Durée non sécable, miracle qui dure dont le mantra semble protéger la magie, l'aura sacrée, l'amour maternel étant vécu comme « abri, asile, envol », présence qui envahit tout, les autres aspects de la vie de la mère étant passés sous silence, vie personnelle et professionnelle.
Le recueil progresse de façon linéaire depuis la conception du premier enfant à 28 ans jusqu'au nouveau cycle de la génération suivante, tant l'amour est mouvement, projection, présent qui marche, moteur d'avenir. C'est d'abord l'accouchement, une « poussée de ciel », dans « un grand tremblement de chair », puis la vie quotidienne, patiente et répétitive, avec son lot de soins, de soucis, de joies, de peurs et d'épuisements. Être mère est un emploi à temps complet comme l'exprime le calligramme central : difficile pour elle de s'appartenir, de se recentrer sur soi seule lorsqu'elle est happée de toutes parts, nuit et jour, 24 heures sur 24. C'est que « cet amour long qui sait beaucoup pardonner » comble et dépossède tout à la fois car le temps manque et la fatigue menace. Un jour, la femme a peine à se reconnaître : « je ne me ressemble plus. », elle s'est diluée « dans les eaux de lessives ». Mais l'amour, la vitalité des enfants emporte tous ses doutes, toutes ses fatigues.
Les « dévoreurs de rêves » grandissent vite « couvés, nourris sans relâche » et ce sont déjà d'autres désirs, d'autres exigences à satisfaire. Alors l'angoisse monte d'autant, incontrôlable, devant les dangers qui guettent. Puis c'est l'heure du départ, l'absence, la maison vide où chaque jour prend la forme d'un « petit escalier, avec en haut une porte close ». Mais la vie ne cesse de courir, toujours en avance d'un avenir : bientôt la mère voit sa fille devenir mère à son tour, « donner de sa vie, donner sa vie ».
Estelle Fenzy relate avec simplicité, émotion maîtrisée et pudeur, son bonheur de mère dans une langue sensible, épurée qui ne craint pas les écarts grammaticaux porteurs de sens : « Au milieu de la nuit enfant pleure », [elles] « se déchaussent et promènent rossignols la chanson de leur jeune âge ». L'absence de déterminants ou de prépositions crée paradoxalement dans la collusion des termes un écart fertile à la création, à la parole secrète nourrie de silence, de ténacité, comme un « corps sacré, caché, mystère ». La forme resserrée de la phrase ouvre un espace préservé, une bulle d'amour dans l'amour qui inonde la mère, corps et âme, avant-après, et l'aide à repartir « pieds nus » pour « traverser à gué » de nouvelles rivières. le temps a passé, mais l'amour non. Les enfants ont grandi, sont partis mais leur mère peut dire : « il fait encore jour dans ma vie. Je la laisse prendre de la place. Regagner ses vigueurs. » Malgré son coeur qui bat « à rebours », elle la sent qui remonte sous les « sédiments ». Il y a là de la volonté, de la sérénité, une sorte de détachement ardent à poursuivre le travail d'enfantement. L'amour maternel, nous dit Estelle Fenzy, est un don total, comme l'écriture, comme la poésie. Une création permanente pour les autres et pour soi.
Bel amour en effet celui qui « prépare » pour chacun « la faim d'aimer » sans rien abdiquer de soi-même.
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Je vous ai déjà parlé dans mon blog d'Estelle Fenzy : Rouge vive. La voici à nouveau avec un merveilleux recueil vrai, tendre, intitulé Mère, poèmes vibrants d'émotion et de retenue qui font mouche et vous touchent en plein coeur.
Être mère : l'enfantement, déchirure vers un amour infini :

Mon ventre s'accomplit.

Un sanglot ouvre gorge à la vie. le cri de l'enfant se jette dans mes bras. Et pendant qu'on le baigne et l'entoure de linges, l'avenir hors de moi pleure déjà dans son alcôve.

Chantant sirène mes eaux perdues, je suis mère.

Moments de bonheur précieux :

Il joue. Accroupi dans le salon, il me regarde. Chance d'être là. de sentir sur moi cet amour rebondir.
(...)
Un petit nez mouillé dans mon cou, je suis mère.

mais aussi d'inquiétudes et de craintes :

Je tremble.

Devant les rues à traverser, les marches d'escalier, les bouts de verre cassés. Là où ça coupe, pique, brûle.

Lorsqu'un danger cogne sans bruit sur le doux mur du ventre, moi seule je l'entends
(...)

Je suis une femme qui tremble

Je suis mère.

Joies de voir grandir l'enfant, savoir qu'il va partir, dériver vers un autre avenir où l'on ne sera plus.

Elles sont belles et rondes. Leurs joues quémandent sans cesse les baisers. L'urgence heureuse à me trouver tout près dans la maison.

J'ai vu pousser les dents, les cheveux. Les seins magnifiques. Les ailes et les ongles vernis.

A peine humaines, elles s'essuient les pieds sur les bords du chemin. Se déchaussent et légères promènent rossignols la chanson de leur jeune temps. Les plumes de leur robe.
(...)

Être toute leur vie. Pas pour toujours.

Je suis mère.

Consolation, Partage, Transmission :

Au milieu de la nuit enfant pleure.

Il dit
Je ne veux plus grandir. Si je continue, tu vas devenir vieille. Et mourir. Je ne veux pas.

Je dis
C'est la vie. Elle passe. L'amour, non. Nos absents glissent tout bas des mots dans nos poings fermés. Si tu ouvres les mains, le souffle se libère dans le vent. Là s'écrit notre bonne aventure.

Quand mon coeur battra trop tard, tes yeux joueront de la musique. Ma joie survivra dans leur bleu. J'y serai cette ombre dansante que jamais le soleil ne gomme.

Je suis mère.

Acceptation, vieillesse, Amour toujours :

Un jour je guetterai les pas sur les graviers. Les coups à la fenêtre.

Les dimanches de chance, ils m'encercleront de leurs bras, de leurs questions. Réchaufferont mes épaules. le bleu écaillé de mes yeux. (...)

Je serai vieille, enfant de mes enfants.

Toujours
mère.

Ces quelques extraits pour vous communiquer l'émotion qui naît de la lecture de ce beau recueil : chaque poème explore avec délicatesse, sensibilité et justesse, la légèreté et la gravité d'être mère.

Mère : Estelle Fenzy aux Editions Boucherie littéraire collection La feuille et le fusil


Lien : https://claudialucia-malibra..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
MON TABLIER DÉBORDE DE PRIÈRES…


extrait 2/2

Mon tablier déborde de prières.
[…]
Le génie de la lampe aurait bien de l’ouvrage à m’exaucer. Ses
oreilles, son cœur restés si longtemps dans la nuit.

Si les contes étaient vrais, comme je frotterais ! Le souffle
chaud, la buée, le sable à me faire la peau douce. Comme je
frotterais ! Qu’il voie un peu le jour. Et n’oublie pas ma vie
prudente.

D’enfants dévoreurs de rêves je suis mère.

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MON TABLIER DÉBORDE DE PRIÈRES…


extrait 1/2

Mon tablier déborde de prières. Enfants les glissent dans les
plis du tissu.

Leur exigence est si fertile qu’à démesure il en naît d’autres. Et
d’autres encore. Étrange petite famille…

À mes pieds grandissent falaises de désirs péremptoires.

J’ai ma parole pour l’escalade.

Dans la maison désertée des babils, des vœux gravissent les
sédiments….
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Video de Estelle Fenzy (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Estelle Fenzy
Partage de poèmes de " Les chevaux de Tarkovski", Pia Tafdrup, éditions Unes, par Estelle Fenzy.
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