Wouaou…
Caryl Férey, deuxième essai après
Zulu.
Zulu a été une grande claque! Que dire de
Mapuche?
Le problème quand j'ai aimé un livre est que j'ai envie d'être dithyrambique, d'en parler des pages entières pour en prolonger le plaisir… Erreur! L'oeuvre se suffit à elle-même. Trop en dire revient à noyer le génie de l'histoire.
Mapuche est un roman noir, terrible et sans concession exprimé au travers d'un thriller violent et haletant. Et
Mapuche est pourtant également un merveilleux cri d'amour.
Argentine. le meurtre de Luz, un travesti des bas-quartiers, ou plutôt des non-quartiers, tant le seuil n'est plus de pauvreté mais d'indigence. Ses amis, Jana, la
Mapuche, et Miguel "Paula" ne veulent pas que ce crime odieux reste noyé dans les eaux du port de la Boca.
Une photographe, Maria Victoria, fille d'un éminent homme d'affaires, disparaît. le détective Rubén Calderon, habituellement chargé d'enquêter les Abuelas, les grands-mères à la recherche des enfants volés de la dictature militaire de 1976, va pourtant se pencher sur ce cas.
Aucun rapport entre les deux? Ne soyez pas sceptiques…
Des pans entiers de l'histoire l'Argentine, dans ses heures les plus sombres et honteuses se dévoilent au fil de l'intrigue. Extrêmement bien documentés et habilement enchevêtrés dans le récit pour ne jamais donner l'impression de recevoir un cours magistral, pour ne jamais casser le rythme des rebondissements de l'enquête.
Le récit est dense et foisonnant d'émotions, les thèmes sont nombreux et toujours explorés précisément avec une sombre fluidité.
Chaque personnage est riche, fouillé, et se fait le porte-drapeau de chaque catégorie de la société argentine. le ton est juste, poignant, et donne même parfois l'impression de dépasser le style de roman pour embrasser celui du témoignage.
Le passé est vivant au présent, dans l'espoir de l'avenir.
Un seul bémol, à mon sens: l'histoire des indiens
Mapuche que je découvre à travers Jana, n'est peut-être pas assez développée… Mais cela tient peut-être à l'empathie ressentie pour cette femme révoltée, habitée des esprits des anciens…
Dans ce concentré de blessures à vif, un moment unique et fort: le passage de la lecture du Cahier triste. Hors du temps, j'oublie la fiction… chair de poule, horreur, peur, souffrance… et l'ineffable, l'indicible anéantissement… et les larmes qui débordent sans y être invitées… Une tristesse infinie qui s'échoue sur un poème, CE merveilleux poème d'amour. Bref, des pages d'émotions brutes qui transpercent assurément le coeur et l'esprit. Sublime…
Alors un grand merci à cet auteur!
Pour redonner vie à des événements historiques peu glorieux pour l'espèce humaine dite évoluée et moderne, et par trop inconnue ou méconnue sous notre latitude.
Pour cette découverte intime d'un peuple, de sa mentalité, de ses blessures, de ses combats.
Pour cette merveilleuse histoire d'amour aussi, entre deux êtres cassés mais que les hommes et la vie n'ont pu briser.
Pour ce vibrant hommage, également, aux civilisations et nations disparues par tout ce que l'âme humaine a de diabolique et sadique.
Une fantastique lecture, entre révoltes et émotions, noirceur et violences, dont je ne sors pas indemne. Et j'ai envie de conclure par cette phrase, parce que le combat pour la justice ne doit jamais cesser, la mémoire ne doit jamais s'effacer ou s'éteindre: "Leurs ennemis les appelaient les Araucan, ceux qui ont la rage."
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