Alfredo Cenci chantonne. Officiellement, il est AZ 2831. Pour lui tout seul, intérieurement, il s'appelle toujours Alfredo Cenci. Comme il est atteint de folie douce, la police l'a laissé survivre bien qu'il fut né avant la Grande Réforme. Depuis, il n'a jamais cessé d'être un citoyen modèle. Indulgents, les observateurs sociaux respectent ses manies, alors que tous autres seraient sévèrement punis pour des fautes moins graves. Dans la société nouvelle, on ne plaisante pas avec les rétrogrades : le monde est tendu vers le progrès, pas besoin de songe-creux ou de poètes. Le microphone placé chez le vieil Alfredo transmet d'étranges paroles au poste d'écoute central : des mots baragouinés dans le jargon d'autrefois, des lambeaux de musique qui ne ressemblent en rien au type d'harmonie adopté par le Conseil suprême…