Il ne saura jamais que toutes ces petites pattes de mouches qui couvrent les pages des livres nous racontent des histoires et ont le pouvoir de nous transporter ailleurs.
Agnès Brunet, mère des enfants :
"Ayant dû, depuis sa sortie, répondre à des questions absurdes et démentir des rumeurs farfelues sur ma vie et celles de mes garçons, j’ai finalement décidé de publier ce site (http://mamanmathieuetthomas.monsite-orange.fr/) auquel ceux qui le désirent pourront se référer.
J’en profiterai pour tenter de rectifier l’image de mes fils. Image particulièrement maltraitée dans le livre d’après lequel ils n’auraient été que des désastres, des boulets à traîner, inutiles et honteux, et avec qui on n’aurait pu établir aucune véritable relation."
P98 : Je n'aime pas le mot "handicapé". C'est un mot anglais, ça voudrait dire "la main dans le chapeau". .....
Je préfère l'expression "pas comme les autres"....
Ne pas être comme les autres, ça ne veut pas dire forcément être moins bien que les autres , ça veut dire être différent des autres....
Einstein, Mozart, Michel-Ange n'étaient pas comme les autres.
J'espère quand même que, mises bout à bout, toutes leurs petites joies, Snoopy, un bain tiède, la caresse d'un chat, un rayon de soleil, un ballon, une promenade à Carrefour, les sourires des autres, les petites voitures, les frites...auront rendu le séjour supportable.
Le plus beau cadeau qu'on puisse faire à un enfant, c'est de répondre à sa curiosité, lui donner le goût des belles choses.
Mathieu n'arrive pas à se redresser. Il manque de tonus musculaire, il est mou comme une poupée de chiffon. Comment va-t-il évoluer ? Comment sera-t-il quand il sera grand ? On va devoir lui mettre un tuteur ?
J'ai pensé qu'il pourrait être garagiste. Mais garagiste allongé. Ceux qui réparent le dessous des voitures dans les garages où il n'y a pas de pont élévateur.
A sa naissance, Thomas a eu un très beau cadeau, une timbale, une assiette et une cuiller à bouillie en argent. Il y a des petites coquilles Saint-Jacques en relief sur le manche de la cuiller et autour de l'assiette. C'est son parrain qui les lui avait offertes, le président-directeur général d'une banque, qui était l'un de nos amis proches.
Quand Thomas a grandi et que, rapidement, son handicap s'est révélé, il n'a plus jamais reçu de cadeau de son parrain.
S'il avait été normal, certainement qu'après il aurait eu un beau stylo avec une plume en or, puis une raquette de tennis, un appareil photo... Mais comme il n'était pas dans la norme, il n'avait plus le droit à rien. On ne peut pas en vouloir à son parrain, c'est normal. Il s'est dit : " La nature ne lui a pas fait de cadeau, il n'y a pas de raison que moi je lui en fasse." De toute façon, il n'aurait pas su quoi en faire.
J'ai encore l'assiette à bouillie, je m'en sers comme cendrier. Thomas et Mathieu, eux, ne fument pas, ils ne sauraient pas, ils se droguent.
Chaque jour, on leur donne des tranquillisants pour les faire tenir tranquilles.
Si un jour Bach pouvait remplacer Prozac...
On entend certaines mères, devant le berceau de leur enfant, dire : "On ne voudrait pas qu'il grandisse, on voudrait qu'il reste toujours comme ça." Les mères d'enfants handicapés ont beaucoup de chance, elles joueront à la poupée plus longtemps.
Mais un jour, la poupée pèsera trente kilos et elle ne sera pas toujours docile.
Quand on leur retire leur cuirasse, on remarque, sur leur torse nu, des traces violettes que l'armature en métal a laissées, et on retrouve deux petits oiseaux déplumés qui tremblent.