Charlie, jeune fille — de 17 ans, vous l'aurez compris — voit son monde bouleversé par les attentats de
Charlie Hebdo. À travers ses yeux, et ceux de Sami, un de ses copains de classe, le lecteur (re) plonge dans les émotions parfois contradictoires qui ont ébranlé les certitudes de chacun des Français en 2015.
Je ne peux que faire le parallèle avec «
Au Nom de Quoi » d'
Amélie Antoine (d'abord publié sous le pseudonyme
Dorian Meune). Si les constructions des romans sont différentes, les deux ouvrages se ressemblent en ce sens qu'ils se veulent des témoignages romancés, des photographies d'un instant, d'une journée, d'une semaine. Ils exposent des sentiments, sans chercher ni à les justifier ni à les expliquer. Sans chercher à les juger. Alors qu'
Amélie Antoine met en scène des personnages directement concernés par les attentats du Bataclan,
Nina Frey, elle, choisit de relater l'impact qu'ont eu les attentats de
Charlie Hebdo sur une jeune fille de 17 ans et ses amis, n'ayant aucun lien avec les victimes.
Un roman juste
D'une plume qui fait beaucoup penser à celle de
Jo Rouxinol (qui me fait elle-même penser à celle d'
Amélie Antoine, la boucle est bouclée), l'auteure nous emmène au lycée, comme si nous y étions. En préambule, Nina nous indique que comme chacun de ceux — nés avant 1990 — qui se souviennent exactement de ce qu'ils faisaient lorsqu'ils ont appris les attentats du 11 septembre, chacun des jeunes gens dont c'était la première fois, se souviennent de ce qu'ils faisaient au moment où ils ont appris pour ceux de
Charlie Hebdo. Si, personnellement, je me souviens de ce que je faisais le 11 septembre 2001 lorsque j'ai appris pour New York, je dois avouer que je ne me souviens plus pour
Charlie Hebdo. Peut-être, déjà, hélas, l'habitude avait-elle fait son labeur.
Le sous-titre du roman nous dit qu'il expose « Les doutes d'une jeunesse, mais surtout… ses plus grands espoirs ». Je pense que non. Il relate la vie quotidienne des Français. Avec ses doutes, et, oui, avec ses espoirs. Mais je l'aurai formulé autrement : les espoirs de quelques-uns, et les doutes de tous les autres. Mais c'est certainement parce que nous sommes en 2018. Et qu'en fait, rien n'a changé. Mais pour ma part, Sami a raison. le fossé s'agrandit.
Cependant, comme je m'en doutais, l'émotion m'a étreinte à plusieurs reprises quand j'ai lu d'une traite ce roman. Je n'ai pas versé de larmes, mais mes yeux se sont embués plusieurs fois, ainsi que les battements de mon coeur se sont emballés à la lecture de certains passages. Les mots sont d'une justesse rare, et la narration interne a été un choix très judicieux. Les sentiments, quels qu'ils soient, passent facilement du livre au lecteur, et ravivent les souvenirs. Par flashbacks presque visuels, je me suis souvenue tout au long de la lecture, de ces moments passés au bureau, avec ma collègue, à écouter les chaines d'informations en continu. À suivre en direct les attentats de l'Hyper Casher, puis la course poursuite et l'assaut final. Et le style de
Nina Frey (re) donne vie à tout ça.
À tel point que j'en regrette presque le sujet du roman, tant je me dis qu'il doit être doux de lire ce style dans un registre plus fictif, moins raviveur de souvenirs, qui permettent de réellement se concentrer sur le sujet du livre. J'ai envie, maintenant, de savoir ce que peut imaginer
Nina Frey pour me faire vibrer autrement. Parce que, j'en suis certaine, ce premier roman d'une qualité sans faille en annonce d'autres, et n'est que le début d'une carrière d'auteure, d'écrivain, que je lui souhaite prolifique et longue.
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