Des syndicalistes, des communistes, des chrétiens progressistes, des anarchistes notamment les membres de la Fédération communiste libertaire, Fcl- et les trotskistes... tous des pieds-noirs anti-colonialistes. Simples sympathisants ou militants actifs, d'abord en soutenant le Mna créé sur les cendres du Mtld, puis le Fln... La répression, dès le déclenchement de la guerre d'Algerie, et tout particulièrement à partir d'avril 55 après la mise en place de l'état d'urgence et, concrètement, à partir des derniers jours de septembre 1955, ne va pas les épargner. Suspects (presque tous) ou impliqués (certains, assez nombreux), ils seront, par centaines, enfermés dans les prisons du pays, dont le camp de Lodi (Draa-Esmar) situé dans la région escarpée du Titteri) sur la base d'un ancien camp de vacances de la Compagnie des chemins de fer algériens (Cfa) : «Le Petit cheminot à la montagne». le «camp des Français». le «camp des pieds-noirs» (à noter que l'Algérie va compter un total de douze camps en Algérie... et quatre autres en «métropole»). Premier «arrivage»: cent trente-cinq personnes puis vingt-sept puis cinq, puis... Une moyenne de cent cinquante «pensionnaires» durant toute l'existence du camp de 1965 à 1960. Des arrivées et des départs. Un peu plus d'un millier au total. On dort par terre sur des nattes en alfa, des paillasses jetées sur la dalle de béton... Des centaines de prisonniers... sans compter les femmes, internées dans un autre camp (Tefeschoun, à l'est d'Alger ou à Béni Messous)... et sans compter tous les prisonnier(e)s «hébergé (e)s»... ailleurs.
Il y a de tout, jetés, bien souvent, derrière les barbelés sans condamnation... et pour beaucoup, après un passage dans les centres dits de «tri et de transit», en fait des centres d'interrogatoire et de torture (plus d'une centaine) gérés par les paras: des chrétiens, catholiques ou protestants, des juifs, des athées, des agnostiques, des fonctionnaires, des industriels, des présidents d'associations, des vendeurs de pataugas, des journalistes, des enseignants, des agriculteurs, des médecins, des avocats, des infirmiers, des anciens résitants et prisonniers de guerre durant la Seconde Guerre contre les nazis... Des noms, aujourd'hui bien connus : René Justrabo (ancien maire de Sidi Bel-Abbès et dont l'épouse est internée à Tefeschoun), Léon Cortès (le père d'une actrice célèbre,
Françoise Fabian), Pierre Cots, les trois frères Timsit (Daniel qui sera «hébergé» à la maison centrale de Lambèse, Gabriel et Meyer qui, bien que condamnés «avec sursis», s'en iront à Lodi), Jean-Pierre Saïd (dont le cousin Pierre Ghenassia rejoindra le maquis Fln en février 1957 à l'âge de 17 ans et décèdera dans l'Atlas de Blida... comme d'ailleurs Maurice Laban, Roland Siméon, Georges Cornillon, Georges Raffini, Raymonde Peschard, Henri Maillot..), Jean Farrugia (un rescapé de Dachau), Marcel Lequément, Lucien Hanoun, Albert Smadja, Elie Guedj, Robert Manaranche, Maurice Baglietto, Jacob Amar dit Roland Rhaïs (fils d'
Elissa Rhaïs, Rosine Boumendil de son vrai nom, la romancière et de l'ancien rabbin de la synagogue de la basse Casbah d'Alger), Gabriel Palacio, Jacques Waligorski, René Zaquin, Elie Angonin, Raymond Neveu, Louis Pont, Fernand Doukhan, Georges Hadjadj,
Henri Alleg, René Zaquin, Paul Amar, Henri Zanetacci, René Duvalet, les trois frères Perles (dont deux passés d'abord par la villa Sésini)...
Premières libérations (des internés poussés dehors sans argent et sans titre de transport, devenant ainsi la cible facile de la «Main rouge», entre autres), à partir de mars 1960... assorties d'assignations à résidence, d'expulsions... mais quatorze (neuf Algériens et cinq Européens) seront gardés jusqu'en novembre... pour être gardés, enfermés à Douéra puis transférés à la Santé (en France).
Hélas, pour bien d'entre-eux, ce n'était pas fini : l'Oas les guette... puis l'Indépendance du pays... puis la grande désillusion pour ce qui concerne, en mars 1963, l'obtention de la nationalité algérienne... puis le coup d'Etat du 19 juin 1965 qui vit l'arrestation quai-massive des «communistes» et des «expulsions» vers... la France... puis la guerre israélo-arabe des Six jours en juin 1967 et la montée d'un certain antisémitisme... puis la msie en place de l'Islam comme religion d'Etat... puis les attentats islamistes...
Roland Rhaïs, l'un des derniers à quitter Lodi, resté en Algérie, est mort à Alger en avril 1987 à l'âge de 84 ans, et Maurice Baglietto, dernier interné à avoir été libéré, n'a jamais voulu partir de son quartier du Ruisseau.
Avis : le monde de l'honneur face à celui de l'horreur. Un livre qui «réhabilite»... Reste à faire un livre identique sur les pieds-noirs et autres Européens indépendantistes et/ou simplement libéraux victimes de l'Oas.