Quel privilège de pouvoir lire un roman en "avant-première" quand il est de cette qualité !
Raillée et brimée, quand elle n'est pas simplement ignorée,
Marguerite ne se sent pas à sa place au sein de sa famille. Pour saisir la chance de travailler dans un prestigieux atelier de modiste elle n'hésite pas à la fuir. En exerçant un métier qui la passionne elle va s'épanouir et découvrir l'amitié. Lorsqu'elle rencontre Emilio elle s'ouvre à l'amour, … pour ne pas vous gâcher le plaisir je n'en dirais pas plus sur l'intrigue.
L'histoire tient les promesses d'un prologue, particulièrement beau, où l'on ressent tout le désespoir qui pèse sur le personnage. En suivant la vie de
Marguerite on découvre le Paris de la Belle Époque, dépeint avec délicatesse, et le quotidien d'un atelier de modiste. La pauvreté des bas-fonds et des quartiers ouvriers est abordée sans misérabilisme. L'auteur évite un travers courant dans les récits historiques : utiliser des termes désuets qui nuisent à la fluidité de la lecture. Elle nous transporte au début du siècle uniquement par le biais de ses personnages.
Des personnages qui ne laissent pas indifférent.
Marguerite est attendrissante, si raisonnable, résistant à ses envies si "ce n'est pas convenable", si douce et pourtant si courageuse, elle m'a fait irrésistiblement penser à l'Augustine de
Pagnol (Le château de ma mère). L'amour qu'il porte à
Marguerite et son regard indulgent sur ses petits travers, sa dévotion pour Rose, son désir de s'élever, sa droiture : tout cela rend Emilio extrêmement sympathique. Les personnages qui gravitent autour d'eux sont très bien dépeints.
L'écriture est belle et délicate, le vocabulaire recherché ne s'encombre pas d'effets de styles alambiqués le style reste simple et efficace.
J'ai trouvé de nombreux points communs avec "Au Bonheur des dames". D'abord parce qu'au-delà de la très belle histoire d'amour, l'auteur nous fait découvrir un monde : celui des ateliers de modistes (sans lui donner la place prépondérante du grand magasin, c'est avant tout l'histoire d'une vie), et une atmosphère : celle du Paris de la Belle époque. Mais aussi dans les descriptions qui ne concèdent rien à la mode actuelle de fournir au lecteur pressé ou paresseux un raccourci. Si elles sont parfois ressenties comme un obstacle à l'intrigue ici il n'en est rien, la qualité des descriptions habilement distillées est telle qu'elles nous immergent immédiatement dans l'ambiance, sans lasser, et je gage que personne ne les « sautera ».
Bref, c'est l'histoire d'une vie qui risque bien de vous arracher quelques larmes au milieu des sourires.
Pour un premier roman
Suzanne Gachenot a placé la barre très haut et je suis déjà impatiente de découvrir le suivant.