Faber est un être énigmatique, mi ange, mi démon. Orphelin très jeune, cet enfant maghrébin est recueilli par Marthe et Jean, un couple brisé par la mort de leur fille. A l'école de Mornay, Faber va défendre Basile, un jeune garçon devenu la tête de turc du méchant Romuald et Madeleine, une fille un peu garçon manqué. Les trois enfants vont très vite être inséparables et Basile et Madeleine idolâtrent le jeune Faber.
Dès les premiers chapitres, l'auteur nous fait comprendre toute l'ambiguité de Medhi Faber. Il est beau, intelligent, torturé, défenseur des plus faibles. Adulte, il n'est plus qu'un homme à l'écart de la société, sale et sans le sou.
Tristan Garcia excelle dans la construction de ce roman qui se dévoile par étape, alternant l'âge adulte des retrouvailles et les périodes de collège puis de lycée. Ce n'est que dans l'ultime partie que l'on comprend le drame de cette période adolescente.
Le récit montre aussi cette place difficile recherchée par l'adolescent. Être suffisamment fort pour ne pas se laisser manipuler par les meneurs, vouloir comme Faber être ce leader qui lève les foules, savoir accepter qu'un ami ait d'autres admirateurs. L'amitié peut parfois être possessive, étouffante. Et comment la vit-on lorsque l'on a grandi et que l'on a trouvé une place comme Basile ou Madeleine alors que Faber reste toujours un marginal?
" L'âge fait toute la différence, il sépare les hommes comme le font les genres, les classes et les cultures; mais il ne coupe pas seulement les individus les uns des autres, il écarte chaque individu de lui-même d'année en année."
L'auteur parvient grâce à la construction et à l'ambiguïté de ses personnages à créer un récit complexe, inquiétant qui laisse une large part de mystère. le style est assez classique et maîtrisé mais je n'aime pas spécialement les passages avec des verbes sans sujet.
Je regrette aussi un peu le dénouement qui se fait avec l'arrivée de Tristan, l'auteur, un jeune garçon un peu semblable au jeune Faber. Même si j'avoue qu'il donne finalement une vision un peu philosophique au personnage de Faber, une tentative d'explication de cet étrange personnage. Enfant perdu à la mort de ses parents, Faber a -t-il retourné sa peine ou sa culpabilité contre lui et la société ou est-ce un être foncièrement maléfique ? Les vies de Madeleine et Basile auraient elles été meilleures ou pires sans la rencontre de Faber.
La période, le lieu ont ils un impact sur les illusions perdues de cette jeunesse puisque l'auteur dit plusieurs fois que l'histoire est celle de " ces enfants de la classe moyenne… deux générations après une guerre gagnée, une génération après une révolution ratée ».
Je retiens deux points forts sur ce livre : la construction et l'ambiance particulière et prenante que l'auteur est parvenu à créer.
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