AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,57

sur 100 notes
5
1 avis
4
5 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
« Je cherche un homme » : voilà en substance ce que Romain Gary ne cesse de répéter dans ses livres, avec l'insistance de Diogène brandissant sa lanterne au visage des passants.

Dans son troisième roman, l'amour de l'humanité est déjà une « promesse de l'aube », qui ne vient pas de la mère (contrairement au fameux roman autobiographique de Gary), mais d'un père idéaliste, mort juste avant la Libération. Ce dernier adresse des mots-testaments au héros orphelin : « Il te reste tous les autres hommes ».

Mais ce père n'avait pas prévu que tous les personnages du roman seraient en mal d'identité. Tels des bernard-l'ermite, les vieux se réfugient dans les coquilles d'appartements chaotiques (empruntées à d'autres) et d'idéologies bancales, justifiant leur déchéance. Et les jeunes sont formatés par les films noirs hollywoodiens, machines à illusions, où tout est faux, à commencer par la voix de Lauren Bacall.

Au propre et au figuré, ils se cherchent des habits. Et la forme qu'ils obtiennent ainsi est une forme sans eux. « Tous ces beaux vêtements avec personne dedans » : ainsi le héros voit-il le monde lors d'une crise hallucinatoire, influencée par la vision de rangées de vêtements vides amassés dans le repaire de son gang juvénile. Une bande abritée par une sorte de Fagin à la judéité inversée (eu égard à son passé trouble sous l'Occupation…). Bien avant Mme Rosa dans la Vie devant soi, ce vieillard (répondant au doux nom de Vanderputte) incarne les parties honteuses de l'humanité, que celle-ci considère au mieux comme de la crasse et au pire comme une monstruosité… ce qui l'amène à se renier elle-même.

L'humanisme pessimiste de Romain Gary s'appuie ici fortement sur le roman Ferdydurke de Gombrowicz. On peut le constater dès la découverte des deux premiers camarades du héros, Josette et Léonce, qui évoquent respectivement le charme provocant de la « lycéenne moderne », et l'écolier désireux d'échapper à son environnement citadin. le thème du vêtement rejoint également celui de la forme chez Gombrowicz. Pour ce dernier, la forme est la négation de ce que nous sommes réellement, bien que nous soyons obligés de nous exprimer par elle, de la même façon que s'habiller est un besoin primaire. Cette aporie débouchera ici sur une fin parfaitement cynique, même si entretemps, l'immaturité de ces jeunes délinquants fait souffler un vent de rébellion contre les institutions les plus enracinées, celles-là même qui s'incarnent dans l'uni-forme bien plié et repassé.
Commenter  J’apprécie          190
Publié en 1949, « le grand vestiaire » troisième roman de Romain Gary sous ce nom, revient sur la période de l'immédiat après guerre après un récit burlesque, Tulipe.
1949, c'est aussi l'année où René Fallet publie « Pigalle », deux ans après « Banlieue Sud-Est »…
Un thème commun que cet après guerre, et un style si différent… tant le vécu des deux hommes – et leur âge – est différent…

Mais revenons à Romain Gary ; et au « Grand vestiaire ».
Le jeune Luc Martin, orphelin, est le fils d'un instituteur résistant tué dans le maquis. Lui et sa chienne Roxanne sont recueillis par un certain Vanderputte, en compagnie de deux autres orphelins du même âge, Léonce et Josette dont il tombe amoureux…
Avec Léonce, son complice pour les petits larcins et Josette, sa maitresse, Luc fera l'apprentissage de la vie avec en toile de fond, la musique et le cinéma américains… Humphrey Bogart … Lauren Baccall.
La découverte de la vraie nature de Vanderputte... Un geste définitif… Luc déclarera en guise de mot Fin : "Je pouvais maintenant retourner parmi les hommes".

Un livre, tels ceux de René Fallet cités plus haut, bien en phase avec leur époque. On trouve ici, en plus, cette arrière pensée si constante dans toute l'oeuvre de Romain Gary : la méfiance vis à vis de l'être humain…
Pessimiste, Romain Gary ? Certes… Mais surtout lucide dans le constat de l'ambivalence bien-mal de la nature humaine.

Même si il ne m'apparaît pas souhaitable de commencer par « le grand vestiaire » pour découvrir l'oeuvre de Romain Gary, ce « Grand vestiaire » reste indispensable dans le sens où il pose d'ores et déjà les bases des grands succès futurs de l'auteur.
Commenter  J’apprécie          180
NULLE PART OU ALLER

A la libération de la France, Luc Martin, tout jeune adolescent, perd son père, résistant, tué lors des derniers combats des maquisards contre les allemands.

Pupille de la nation, il rejoint Paris, refuse d'aller en institution, et fout le camp avec Léonce, rencontré au centre d'hébergement des orphelins de guerre.

Il se réfugie chez Vanderputte, y rencontre Josette, soeur de Léonce, entame une dérive qui fait de lui une petite main du marché noir, un voleur puis un braqueur.

Son "protecteur" trafiquant, est l'objet d'un chantage de la part d'un fonctionnaire de la préfecture de police nommé Kuhl. V. se révèle aussi être un traître et un donneur de juifs.

Le récit monte en puissance vers une conclusion inévitable dans les vignes de la région bordelaise là où V., traqué, finit sa course. Luc,, passé trop brutalement de l'âge d'enfant à celui d'adulte dans un monde peu ragoutant, y trouvera alors une direction à suivre.

Une histoire triste, parfois mêlée de cocasserie, dotée de personnages marginaux étonnants-l'ancien acteur mythomane, déclamateur, travesti à l'occasion, morphinomane ("Take a walk on the wild side" chantait Lou Reed), son épouse totalement vampirisée, les prostituées d'une maison close que Marthe Robert fait fermer-Fermer des maisons closes, c'est un pléonasme-les complices des attaques à main armée.......On y lira aussi une histoire d'amour déchirante, des scènes d'agression très bien écrites notamment la toute première où Luc, pour impressionner Josette, folle de cinéma américain et de films de gangsters, met sous le nez d'une buraliste un Mauser pour lui soutirer une boîte d'allumettes.

Cette époque troublée, rationnée (on manque de tout), peu fascinante (ça sent le remugle un peu pourri, le moisi, l'aigre peur), où Pierrot le Fou et ses tractions avant, Gable et Leigh, les compromissions avec l'occupant occupent le devant de la scène, cette période que Gary décrit comme un grand vestiaire («un immense vestiaire plein de défroques aux manches vides, d'où aucune main fraternelle ne se tendait") comparable à l'empilage de vêtements volés, stockés chez un trafiquant ; cette époque donc tend une toile de fond sur la quelle Gary déploie tout son talent de narrateur, son imagination et son art de mélanger la tragédie, l'improbable, et le drôle.

Il faut être un peu magicien pour réussir à faire tenir cette histoire où le baroque (un collabo prend en charge un fils de résistant), la filouterie (un voleur s'entoure, façon cour des Miracles, d'une équipe de gamins pour faire le boulot), le désespoir (l'amour de deux tourtereaux franchement mal partis), l'absence absolue de compassion, de bienveillance, d'attention (on se tient serrés les uns contre les autres pour avoir chaud), le vide existentiel (nulle part où aller, nulle point où se diriger, nul espoir à avoir) s'entremêlent aussi intimement. Mais Romain Gary est un maître en ce sujet...

Un roman lu d'une traite.
Commenter  J’apprécie          73
Une tragi-comédie, écrite et située au tout lendemain de la seconde guerre mondiale, dans un Paris voué aux profiteurs de tout poil. La démerde, dans une France en ruines où même la plus vile des marchandises se vend à prix d'or, est devenue un art de vivre. le héros de l'histoire est un adolescent dont le père, résistant, a été tué dans le maquis. Recueilli par un certain Mr Jean, "Marquis" de son nom de guerre, surveillé de près par les autorités militaires qui l'ont enjoint de déposer ses armes, Luc Martin décide de tenter sa chance dans la capitale. Il va se retrouver entraîné dans une suite d'aventures aussi désopilantes que tragiques, en compagnie d'individus voués, comme lui, à la débine et la quête désespérée d'un peu de bonheur au milieu de la décrépitude ambiante. La morale n'est pas au programme dans ce roman doux-amer qui n'est pas sans rappeler, par son écriture libre et son côté provocateur, les oeuvres d'un certain Louis-Ferdinand Céline, alors en prison puis en résidence surveillée au Danemark, en attente de son procès pour faits de collaboration. Romain Gary, le résistant de la première heure, aurait-il eu une pensée pour son aîné en écrivant ce pamphlet au vitriol, décrivant une France où "tout fout l'camp" ? Ou bien un désenchantement profond devant la difficile reconstruction d'un pays laminé par des années de guerre ?
Commenter  J’apprécie          50
Nous assistons au drame de Luc sur le point de devenir pupille de la nation alors qu'il vient de perdre son père, engagé dans la Résistance. Seulement, c'était son compter sur Léonce jeune homme rêvant d'Amérique, et sur Vanderputte ( ainsi nommé à mon sens, pour ne pas dire "langue de..."), vieil homme monstrueusement laid dedans comme dehors. J'ai avancé dans le Grand Vestiaire à tâtons d'abord, sans savoir où le récit de Luc allait me mener. Et puis, peu à peu j'ai compris sa perdition et ce qu'était l'humanité de Romain Gary : un berceau d'hommes et de femmes vissés à des moeurs curieuses, un vestiaires d'âmes ici immondes et détestables, là, perdues et/ou folles, sortant de guerre, ravagés, détruits ou punis. Et le juste retour des choses : l'ultime fuite où tout devient clair aux yeux de Luc, donc aux miens. C'est à la fin que l'on comprend tout. Peut-on tout pardonner ? et quel prix nous en coûte-t-il de pardonner l'impardonnable ?
Commenter  J’apprécie          52
Un livre de "jeunesse" de Romain Gary, mais déjà un style percutant.
Commenter  J’apprécie          50
On suit les pas du jeune Luc Martin, qui a 14 ans se retrouve orphelin alors que son père instituteur et résistant a été abattu dans le maquis. Il arrive à Paris et est recueilli par un certain Vanderputte, homme sans vergogne qui profite du marché noir pour faire des affaires. Il y rencontre 2 autres orphelins, Léonce et Josette. Luc va alors se trouver mêlé à des histoires d'arnaque et de vols. D'autres personnages « branquignolesques » apparaissent également. On va également découvrir au fil des pages que Vanderputte semble mêlé à la collaboration allemande.
Ce que j'en ai pensé
Par ce livre, Gary nous livre le portrait d'une époque, Paris juste au sortir de la guerre et la jeunesse assoiffée de culture américaine déjà. C'est aussi le portrait d'un jeune homme aux prises avec sa conscience, ses actes répréhensibles et son extrême loyauté.
J'ai eu le sentiment de lire un « roman de jeunesse », c'est en effet le troisième roman de Gary, écrit en 1948, et aussi parce que le thème principal est l'initiation. On sent déjà l'humanisme profond de l'auteur (particulièrement dans les mots laissés par le père de Luc) et sa vision décalée des choses : le monde apparaissant ici comme un « grand vestiaire » où les hommes ne sont que des manteaux vides de sens, la galerie de personnages marginaux et excentriques…. mais l'écriture est tout de même très (trop ?) classique encore, même si on peut déjà y sentir le potentiel de l'auteur.
La fin est complètement à l'image du Romain Gary qu'on verra évoluer dans le reste de son oeuvre.
Une lecture en demie teinte donc. Si je l'ai apprécié néanmoins, je ne conseillerai pas ce livre à ceux qui veulent découvrir cet auteur.
Lien : http://delphinesbooksandmore..
Commenter  J’apprécie          50
Un opus de Romain Gary doux-amer... La drôlerie des situations donne un poids-contrepoids à la violence des morts, qui parsèment le livre. Bam Bam Bam. La guerre et ses suites c'est dur, c'est très dur. Gary enchante un peu, mais ne peut passer à côté d'une réalité atroce.
Ce roman suit Tulipe, nettement plus fou et prophétisant, ici on retombe sur terre, si ça reste drôle, ce n'est pas marrant.
Commenter  J’apprécie          40
Le bouquin du jour : le grand vestiaire, de Romain Gary.

Un des premiers romans de Romain Gary, écrit en 1949 et très représentatif de son époque. Il y a comme un parfum de surréalisme dans cette description du Paris et de la jeunesse d'après-guerre.
Le style de l'auteur, celui qu'on retrouvera dans ces autres oeuvres, à la fois classique et audacieux, lucide et pessimiste, est déjà présent.

Ce n'est pas forcément par celui-ci qu'il faut commencer si on veut découvrir Romain Gary, mais il se lit avec plaisir.

#livre #lecture #bouquin #chronique #romaingary #legrandvestiaire #folio #editionsfolio

Le quatrième de couverture :

Luc, dont le père a été tué dans le maquis, est recueilli par le vieux Vanderputte qui héberge déjà chez lui deux autres adolescents, Léonce et Josette. Sous la direction de ce vieux sage sceptique et torturé par d'obscurs remords, tout le monde se livre au marché noir et mène une vie extravagante. Luc s'éprend de Josette. Ils se font voleurs, comme dans les films. Finalement, pour Luc, le monde devient "un immense vestiaire plein de défroques aux manches vides, d'où aucune main fraternelle ne se tendait."
Commenter  J’apprécie          40
Le grand vestiaire n'est sûrement le livre le plus abouti de Romain Gary et c'est normal pour l'un de ses premiers livres mais on y retrouve déjà sa vision de l'humanité où chacun peut devenir héros ou maudit sur quelques infimes inflexions de la destinée.
Le personnage principal, Luc, quatorze ans, fils d'un résistant fraîchement tué, doit rejoindre les pupilles de la nation mais va être détourné par un personnage interlope qui utilise des enfants pour commettre ses méfaits. C'est l'occasion pour l'auteur de mettre en scène des personnages pittoresques : un flic véreux, un acteur raté toxicomane, une jeune fille éprise de cinéma… le tout dans une France d'après-guerre complètement désorganisée.
Romain Gary pose évidemment les principes qui structurent ses romans suivants sur la responsabilité, la lecture de l'histoire et surtout que l'homme est fragile dans un monde que l'on voudrait manichéen alors qu'il n'est que nuances de gris…
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (253) Voir plus



Quiz Voir plus

Tout sur Romain Gary

Dans quelle ville est né Romain Gary ?

Kaunas
Riga
Vilnius
Odessa

12 questions
610 lecteurs ont répondu
Thème : Romain GaryCréer un quiz sur ce livre

{* *}