_ le train roulait toujours, charriant à la guerre, une nouvelle bouchée d'hommes.
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Jean Bernier.
Jules, Marius, Boris, Barboni, le lieutenant Régnier, Ripoll, le gazé, l'homme-cochon, Messac,
Dermoncourt, Castellac, le médecin, M'bossolo.
13 coeurs en sursis ; 13 âmes noircies à tout jamais.
Une lecture poignante mais un ressenti mitigé... je m'explique.
Mes +
J'ai aimé :
_ le personnage de Jules (dans plusieurs de ces rôles)
*Celui de narrateur principal en partance pour une perme Parisienne.
*Celui de passagé du train se remémorant Margot, qu'il espère retrouver.
fille de rue ? fille de bar ? une fille superbement vulgaire, une fille du diable, qui sous sa crasse, sa saleté superbe, avait le rire joyeux. La seule capable à le transporter dans le monde des caresses
*puis dans le rôle de sculpteur contre l'oubli, passeur de messages, à l'oeuvre pour ses camarades.
_ le personnage de l'homme-cochon (qui aurait pu être aussi bien l'homme-loup) Un personnage marquant qui te donnes le frisson. Une réussite.
Français ? Allemand ? Fou... assurément.
_ le gazé. Un homme foutu d'avance, vous l'aurez compris. Il le sait, il prend ce qui lui reste de vie...
j'ai vu un homme. Ma vue était trouble. J'ai senti des mains sur moi. Des mains qui fouillaient partout sur mon corps. Je ne pouvais pas regarder, je n'avais pas la force de soulever la tête. Je l'ai laissé me fouiller. J'ai fait abstraction des mains, je me suis concentré sur le visage. Il avait une grosse barbe et des cheveux longs. Sans casque. Je me souviens de son regard. le regard d'un dément. Il souriait. Je voyais ses dents. Noires de terre. Il a eu un geste. Lentement, toujours en souriant, il a posé ses mains sur mes yeux. Comme une invitation à dormir. J'ai obéi à la douce pression des doigts. J'ai fermé les paupières. Un temps encore j'ai senti la quête frénétique des mains, et puis plus rien. J'ai ouvert les yeux. Je l'ai vu s'en aller. Je l'ai vu de dos. Il était nu. Je crois qu'il riait. J'aurais bien ri avec lui si j'en avais eu la force
_ Barboni. Lui aussi est un des personnages marquants de cette histoire. Nerveux, haineux... fou ?
Est il encore fiable Barboni ?
"DE PROFONDIS CLAMAVI AD TE DOMINE..." .........................PAW!!!
_ Et enfin le médecin, qui lui mène une autre bataille.
face à son courage, à la vue de ceux qu'il soigne, de ceux qui meurent, de ceux qui hurlent, au flot ininterrompu de pleurs, de peur, de douleurs... aveuglés, transpercés, amputés, déchiquetés, l'odeur de brûlé, celle de la mort... courage Docteur !
Mes -
Je n'ai pas aimé :
_ les monologues (alors que j'Adore les monologues... c'est con quand même)
Je pense que
Laurent Gaudé a foiré quelque chose ici (dis-je modestement) ;)
13 personnages qui tout du long du roman ne s'expriment qu'en monologues (soliloques) , et pourtant on a l'impression qu'ils parlent tous de la même façon (flux de pensées, phrases coupées...) Il aurait fallu leur donner une signature propre à chacun, un accent, un phrasé, de l'argot, rendre le gazé suffoquant, peut-être un langage plus soutenu au médecin, au minimum, un accent africain pour M'Bossolo.
Même si ce ne sont que des pensées, ça aurait permis une meilleure immersion.
Ça a été, un GROS point noir pour moi.
Tout comme, l'abus de phrases hachées, l'abus de points.
Ça reste tout de même une bonne lecture, qui servira aux plus jeunes et à ceux de ma génération aussi après tout, à ne pas oublier dans quel enfer ont vécu nos Poilus (et les jeunes allemands aussi par la même occasion, dont certains n'avaient que 12 à 15 ans à leur engagement), et que c'était également une guerre contre la pluie, le froid, la boue, la faim,la crasse comme deuxième peau,
la peur, la folie, le bruit assourdissant (au sens propre), les rats, les poux...
Une guerre comme toutes les guerres, c'est à dire : une sale guerre, une guerre de trop !
Tous héros ou tous victimes ???
_ on a dit aux allemands :
En avant pour la guerre fraîche et joyeuse.
Nach Paris et Dieu avec nous pour la grande Allemagne.
ET les lourds allemands paisibles, qui prennent tout au sérieux, se sont ébranlés pour la conquête, se sont mués en bêtes féroces
_on a dit aux français :
On nous attaque. C'est la guerre du droit et de la revanche.
A Berlin !
Et les français pacifistes, les français qui ne prennent rien au sérieux, ont interrompu leurs rêveries de petits rentiers pour aller se battre.
Vingts millions... tous de bonne foi... tous d'accord avec Dieu et leur prince...
Vingts millions d'imbéciles... comme moi !
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Gabriel Chevalier (
la peur)