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sur 827 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est un Cris, c'est un chant… c'est aussi le désert et le vent ! Ah non, pardon. Lapsus. Car ici, nous n'avons pas droit à de belles Musulmanes, mais à des Poilus tous aussi sales et fous les uns que les autres…

Sur la lancée de la Mort du roi Tsongor et sur les conseils avisés d'un babélionaute de talent qui se reconnaîtra, je suis parti à l'assaut de ces Cris. Dès le début de ce tout premier roman de Laurent Gaudé, nous sommes happés dans un univers tourmenté, grâce à de petites phrases chics et chocs qui désorientent le lecteur et qui l'empêchent de lâcher ce bref ouvrage. En effet, si j'ose le dire, si c'est un cri, si c'est un chant, alors c'est aussi la guerre et le sang !
Les tranchées comme on se les imagine, mais en pire, et surtout avec un brouhaha de tous les instants : obus qui éclatent, hurlements à la mort des blessés de l'attaque précédente et encouragements guerriers lors de chaque avancée de l'infanterie. Mais il n'y a pas que ça, car des invectives sont inlassablement poussées depuis le coeur du champ de bataille et résonnent à l'esprit de ces Poilus bien tourmentés ; bientôt, ces voix résonnent aussi dans leur tête, même une fois éloignés du champ de bataille. À travers cette cacophonie impalpable derrière ces pages que nous lisons, Laurent Gaudé réussit malgré tout à nous faire vibrer, tantôt au rythme des secousses des obus, tantôt au rythme des soubresauts des mutilés aux portes de la mort, tantôt même aussi au rythme des mouvements compulsifs et saccadés de nos esprits, tantôt enfin à celui de ces guerriers qui n'en étaient pas avant d'aller à la guerre, mais le restèrent après en être revenu, jusqu'à leur dernier cri.

C'est donc avec un plaisir non retenu que j'ai retrouvé en ces Cris l'épopée individuelle, magnifiée plus tard dans La Mort du roi Tsongor, que j'apprécie d'autant plus après une telle lecture. Laurent Gaudé montre là tout son talent de conteur dans un chant qui honore ceux qui sont morts au champ d'honneur.

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Si le theme de la 1ere guerre mondiale fascine à juste titre , Gaudé , lui , a pris le parti de se focaliser sur l'humain . Dans cette premiere oeuvre d'une justesse remarquable , il pose déjà les jalons de ce que sera sa marque de fabrique en devenir .

Ce que je retiens tout d'abord , c'est effectivement l'originalité du propos . Loin de vouloir offrir un témoignage historique saisissant , Gaudé , au travers de cette boucherie sans nom , interpelle par les innombrables monologues intérieurs de ses protagonistes , offrant ainsi un récit s'apparentant beaucoup plus à une piece de théatre qu'à un véritable roman .
Dans ce bourbier mortifère , aucun héros , juste des hommes liés et animés par un meme destin guerrier , les memes tourments inhérents . Ils ne sont que prénoms , noms et grades , forts de leur humanité et de leur foi déclinantes au fil de ces combats meutriers , toujours plus avides de larmes , de sang et de cadavres . La terre réclame son du journalier ! Nulle échappatoire si ce n'est tuer ou etre tué...
L'on ne sait rien de ces soldats , si ce n'est ce profond sentiment commun de vacuité et de désespérance les habitant un peu plus chaque jour . Plongés dans l'horreur la plus totale , ils nous offrent , par le biais de leurs pensées les plus intimes , une véritable réflexion sur la guerre et la propension déprimante qu'à l'humain à s'auto-détruire . Véritable plaidoyer anti-militariste , Cris , en un peu moins de 130 pages , révolte autant qu'il désespère !
Il vous propose son petit musée des horreurs ou faim , froid , folie , tourments du corps et des ames en sont les fleurons récurrents . Tragiquement démoralisant , ce petit opuscule n'en demeure pas moins parfaitement maitrisé ! Faisant fi de tout manichéisme et d'héroisme outrancier , il ne fut pas sans me rappeler les bouleversantes BD de Tardi sur le sujet...

Cris , beaucoup plus puissants que ceux de Christophe ! En plus , y a meme pas d'Aline dedans alors...
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Ils ont peur et se battent. Marius, Boris, Ripoll, Bardoni, Rénier, Jules, M'bossolo, le gazé veulent sauver leur peau mais se savent condamnés. Sacrifiés.

Tout refus de livrer bataille est une condamnation à mort… indigne celle-là. Mais ils continuent pour ne pas abandonner leurs compagnons, se doutant que leurs corps servent de rempart à un monde qui préfère les ignorer.

L'un après l'autre, des soldats de la Première Guerre mondiale nous crient leur sacrifice inutile et l'horreur des combats. L'ineptie de la guerre et l'indifférence de ceux qui n'y sont pas. C'est effrayant, douloureux et empoignant.
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La guerre de 1914 : des cris déchirants, bouleversants, inhumains et une solidarité sans faille.

Dans un condensé de 180 pages Laurent Gaudé fait s'exprimer en style chorale les différents soldats et le médecin. L'écriture ciselée, incisive et percutante alimente de courts paragraphes qui nous atteignent avec violence et nous heurtent.

Il est impossible de sortir indemne de cette lecture.

Merci à vous ami(e)s Babelio pour cette découverte.
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Laurent Gaudé avec ce « cri » qui vient de l'intérieur comme le chante Bernard Lavilliers (clin d'oeil amical à Lehane fan) est un texte d'une force qui vous remue bien on delà de l'imaginable.
A travers le monologue intérieur d'une poignée de poilus, Laurent Gaudé va au coeur de la barbarie humaine. Dans de courts récits on passe de l'un à l'autre, avec un point commun, une peur terrible, viscérale, qui vous met dans un état de transe effroyable, qui vous précipite aux confins de la folie. Rarement, l'horreur des tranchées n'a été décrite avec cette force-là. Gaudé nous plonge dans la folie et la barbarie des hommes, un long chant funèbre ou la narration décrit l'effroi et l'inimaginable avec une saisissante véracité. Gaudé (Récompensé pour ces livres suivants du Goncourt des lycéens puis par le Goncourt général) réussit un livre remarquable, bouleversant, au coeur d' un monde crépusculaire ou aliénation et désespoir forment le quotidien d'hommes qui forcément ne se remettront jamais (s'ils s'en sortent) de la folie des canons. La déshérence d'âmes à jamais perdu dans un no man' lands de feu, de fer et de sang. Impressionnant.
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Jules, Marius, Boris, et les autres...

Eux et tous les autres, dans la grande boucherie de 14/18, encore vivants dans un journal de pensées à plusieurs mains, pour une plongée dans l'inconcevable quotidien des poilus. Des hommes comme des rats, fous de fatigue, de trouille, de courage, de rage, de douleurs physiques et mentales.

Il convient de lire d'une traite, de ne pas se reposer l'esprit par les petits riens notre petite existence si douce. le choc n'en est que plus violent.

Laurent Gaudé est capable de nous parler de l'horreur avec élégance et poésie. Il fait apparaitre des hommes de chair dans leurs vêtements boueux et un paysage de désolation, de cris, de fumées et de mitraille. Et comme en dernier cadeau, cette fraternité immense.

Requiem pour un cortège de damnés figés en statues de pierre dans nos villages.
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Tout au long de cette année 2014 qui a marqué le début des commémorations consacrées à la Première Guerre mondiale, on a pu voir défiler sur nos écrans et sur les étalages de nos librairies pléthores de documentaires, reportages ou ouvrages spécialisés sur le sujet. Laurent Gaudé n'a pour sa part pas attendu le centenaire pour rendre hommage à ces combattants de 14-18 qui vécurent l'enfer dans les tranchées. le roman est court, à peine plus de cent pages, mais cela suffit pour pleinement se rendre compte de l'horreur de cette guerre et des dommages irréparables infligés aux survivants, tant sur le plan physique que psychologique. Parmi ces soldats, il y a Marius qui ne tient encore debout que grâce à l'amitié et la solidarité que l'unissent à ses compagnons. Il y a le lieutenant Rénier, formé à diriger mais qui se retrouve démuni face à un combat qu'il n'a pas été préparé à mener. Il y a Jules, si prêt de la rupture qu'un bref répit lui a été accordé loin du front, mais comment laisser derrière lui les voix de ses compagnons d'arme ? Et puis il y a celui que l'on surnomme « l''homme cochon », ce soldat abandonné entre les deux lignes du front et dont les cris ne cessent de hanter les survivants. « J'en suis certain maintenant : je l'ai entendu. Les mêmes cris, tantôt aigus, tantôt rocailleux. Les mêmes appels animaux, là-bas, en plein milieu de cette terre vierge et dangereuse, ce territoire ténu entre nos tranchées et les leurs. Il est là à nouveau. Il rampe, il marche, il hurle. Et je ne saurais dire s'il hurle pour pleurer ces morts, ces milliers de morts qui jonchent son royaume ou si c'est pour fêter son triomphe d'animal boucher et pour nous remercier de tout ce sang versé. »

Car s'il y a bien un sens constamment sollicité au fil des pages, c'est bien l'ouïe. le martellement de la pluie sur les casques des soldats, le tonnerre assourdissant des tirs d'obus qui font trembler la terre et déchirent les corps, le ronronnement du train qui entraîne Jules loin du front, et puis les cris : cris de douleur des mourants ou des blessés sur le champ de bataille, cris de désespoir des survivants qui assistent impuissants à la disparition des leurs, cris de colère et de peur des soldats lors de l'assaut, davantage pour se donner du courage que pour effrayer l'ennemi. Tous ces cris, le lecteur les entend avec une netteté effroyable, et ils continuent de résonner longtemps après la dernière page tournée. En très peu de mots, Laurent Gaudé nous brosse un portrait sans fard des conditions de vie dans les tranchées (le froid, l'humidité, la proximité, l'attente insoutenable...) et de l'état mental des soldats, prématurément vieillis par ce carnage dont ils sont à la fois les acteurs et les victimes. En filigrane, c'est également toute l'absurdité de cette guerre qui transparait. Que penser en effet de ces hauts-gradés qui, par indifférence ou inconscience, vont ordonner sans ciller des assauts suicidaires pour la conquête de quelques pauvres mètres d'une terre éventrée par les tirs d'obus et recouverte par les corps des soldats des deux camps ?

Avec « Cris », Laurent Gaudé prête sa voix aux milliers de soldats de la guerre 14-18 afin de nous rappeler toute l'atrocité de ce conflit meurtrier mené dans la boue, la terre et le sang par des hommes sans cesse prêts à sombrer mais qui, pourtant, auront tenu jusqu'au bout. Un récit poignant qui vaut incontestablement la peine d'être lu et des cris qui, cent ans plus tard, méritent encore d'être entendus.
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Un siècle après, l'enfer des tranchées abordé à hauteur d'homme, avec les mots d'aujourd'hui sur les maux d'hier, avec la patte particulière de Laurent Gaudé qui crée une vie intense dans ses romans habités et magnétiques. Une fois refermé celui-ci, on est effectivement poursuivi par les cris qui violentent ses pages, hanté par la terreur et le désespoir de cette génération sacrifiée, et presque gagné par la folie que ce vortex de terreur engendre.
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Comme je l'ai écris dans ma critique des Oliviers du Négus, du même auteur, j'ai établit un parallèle entre ce roman et la troisième nouvelle de cet autre livre : l'homme-cochon qui crie dans les tranchées et plus loin encore ressemble au golem de cette nouvelle.
Nous assistons à la vie et très souvent à la mort de plusieurs soldats français de Verdun. La fraternité les fait tenir le coup sous les obus et les gaz, je le suppose.
Cette première guerre mondiale, si magistralement décrite par ce grand écrivain qu'est Laurent Gaudé, m'obsède, je l'avoue.
On évoque beaucoup la deuxième en craignant que ces faits adviennent à nouveau mais je pense qu'il en est de même pour la grande boucherie que fut la guerre de 14-18 et qu'il suffirait de peu pour que chacun (et chacune) aillent cyniquement (ou vaillamment) massacrer et se faire massacrer par "l'ennemi".
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Il a fallu la chaleur d'une journée estivale, l'environnement bienfaisant de mon balcon, la perspective agréable de vacances à venir, la joie d'avoir du temps lors de ce week-end ensoleillé pour vivre cette lecture jusqu'au bout.
Sans cela, impossible !
Le monde de la guerre et des tranchées est parfaitement décrit dans Cris par la plume toujours aussi vive, percutante, réelle et réaliste de Laurent Gaudé.
Et autant le dire tout de suite, c'est insoutenable. Les cris, la peur, la folie, la mort deviennent tangibles. Si proches de moi. le goût du sang, la sensation de la boue, l'odeur de la poudre prennent corps là, 100 ans après, sur mon balcon de ce coin de pays des Alpes, paisible.
Et c'est insupportable !
Bravo Monsieur Gaudé !
Quel art vous avez de décrire l'innommable !
Quel talent pour nous faire ressentir l'indicible !
Quel témoignage pour nous faire hurler : "Plus jamais ça !!!"

Une fois de plus, Monsieur Gaudé, vous m'avez dérangée, attachée à vos personnages aux destins funestes. J'ai été submergée d'émotions puissantes, peu agréables mais utiles pour comprendre une époque, un événement.
La lecture, sous vos pensées et vos mots, nous fait goûter à son pouvoir instructif, intrusif, décapant, indispensable, riche, utile, nécessaire, urgent !

Alors même si ce livre vous fait peur, même si vous vous dites "Les récits de guerre, ce n'est pas pour moi", osez vous plonger dans Cris.
Le sentiment qui en ressort à la fin de ce texte est une immense gratitude face à la chance de vivre "l'ici et l'aujourd'hui".
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