AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,22

sur 119 notes
5
27 avis
4
7 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
De sang et de lumière ou entre fatalisme et espoir, révolte et utopie, nausée et fraternité.
Il y a les philosophes qui philosophent, les éditorialistes qui analysent, les politiques qui justifient l'injustifiable, il y a les financiers qui profitent, les graphiques et autres courbes qui chiffrent l'horreur, les gros titres racoleurs qui banalisent, l'égoïsme qui légalise et tout ce petit monde qui explique, le pourquoi et le comment, qu'on y peut rien, rien contre la désertification du coeur de l'Homme qui gagne un peu plus de terrain chaque jour, c'est comme ça, la désertion à son paroxysme.
Il y a les journalistes, les voyageurs, les « humanitaires », et quelques autres qui témoignent de ce qu'ils ont vu, vécu, des lanceurs d'alerte comme on dit aujourd'hui, nécessaires.
Alerte au feu alors que tout le monde voit que ça crame déjà depuis longtemps à sa porte et continue de jouer avec les allumettes, d'attiser les flammes.
Au milieu de tout ça il y a vous, il y a moi, perdus, impuissants, culpabilisant ou pas ce n'est même plus la question. Ballotés dans ce monde qui se replie sur lui-même, ce monde qui s'atrophie.
Combien de fois a-t-on entendu dire « plus jamais ça ». Résultat, chaque jour l'homme invente une nouvelle façon de dominer l'autre, de l'asservir, de l'humilier, de le nier. Plus jamais ça, non, plus jamais dire ces mots qui ont perdu tout sens.

« Si un jour tu nais,
Ne crois pas que le monde se serrera autour de toi,
Pressé de voir ton visage,
Dans une agitation de grands festins.
N'imagine pas qu'on se bousculera,
Que chacun voudra te regarder, te prendre dans ses bras, te recommander aux dieux.
On t'a parlé des cris de joie qu'on pousse à la naissance d'un enfant,
On t'a dit la liesse,
Les coups de feu tirés en l'air,
Les tambours,
La clameur des hommes qui fêtent la vie,
Oublie tout cela.
Si jamais un jour tu nais,
De joie, il n'y en aura pas.
Mais l'inquiétude sur le visage de tous,
Comme toujours, l'inquiétude
Ta venue au monde ne fera naître que cela. »

Laurent Gaudé nous emmène à travers les âges, les continents et ses voyages pour dresser un état des lieux. Les locataires de la planète bleue n'ont aucune chance de récupérer la caution.
D'un continent Afrique dévasté, dépouillé, souillé, affamé, terrorisé, asservi, humilié, colonisé (la liste serait si longue…) par d'incontinents à fric, jusqu'à Paris, Londres, Bruxelles, Nice (la liste serait si… longue) en passant par le moyen orient, par (oui, la liste serait…), l'auteur réussit à faire passer sa rage, sa révolte, son dégout, en déposant ses mots, presque délicatement, comme pour apaiser la douleur de tous ces passagers clandestins de la vie en donnant voix à la misère.
Ses mots doux giflent comme pour nous sortir de la torpeur, du confort aveugle qui endort.
Ces maux d'où qu'ils soient, eux sont égaux contrairement aux Hommes. Pas de hiérarchie dans le désespoir.
C'est musclé, et si la gorge se serre ce n'est dû qu'à la violence de la réalité, du quotidien des ces gens à travers les siècles car les textes de Laurent Gaudé n'ont rien de larmoyant, pas de pathos, pas de bons sentiments, juste des faits bruts.
« de sang et de lumière » risque de surprendre les fans de l'auteur car ce recueil est à ranger au rayon poésie. Oui, oui poésie. Ce genre que tant de monde fait rimer avec niaiserie.
Une dernière petite « niaiserie » dans ce monde en état d'urgence, un petit mot aux dieux qui sont si souvent source d'odieux:

« Maudits soient les hommes qui prient Dieu avant de tuer.
Ils ne nous feront pas flancher.
Leur haine, nous la connaissons bien.
Elle nous suit depuis toujours,
Nous escorte depuis des siècles,
Avec ces mots qui sont pour eux des insultes,
Et pour nous une fierté :
Mécréants,
Infidèles,
Je les prends, ces noms.
Juifs, dépravés, pédérastes,
Je les chéris,
Cosmopolites, libres penseurs, sodomites,
Cela fait longtemps que je les aime, ces noms, parce qu'ils les détestent.
Nous serons toujours du coté de la fesse joyeuse
Et du rire profanateur,
Nous serons toujours des femmes libres et des esprits athées,
Communistes, francs-maçons,
Je les prends,
Tous.
Nous sommes fils et filles de Rabelais et de mai 68,
Paillards joyeux,
Insolents à l'ordre.
Diderot nous a appris à marcher,
Et avant lui, Villon.
Nous serons toujours du coté du baiser et de la dive bouteille.
Ils ont toujours craché sur ce que nous aimions
Et nos bibliothèques ne leur ont jamais rien inspiré d'autre qu'une vieille envie de tout brûler.
Ce que leurs dieux aiment plus que tout, c'est que les hommes aillent tête basse.
La menace pour seul bréviaire.
Ce que leurs dieux aiment plus que tout, c'est la triste soumission. »

Commenter  J’apprécie          7119
Avec « de sang et de lumière », Laurent Gaudé met son écriture et son engagement au service d'une dénonciation sans complaisance de ce qui peut faire de ce monde – au moins pour certains d'entre nous – une « vallée de larmes » : le racisme, la cruauté, la violence, le terrorisme, la haine et la brutalité de l'homme envers son frère… pour peu qu'il n'ait pas la « bonne » couleur, la « bonne » origine, les « bons » papiers, les « bonnes » idées. Pour peu qu'il soit livré sans défense aux hasards des luttes et de la guerre, aux exactions ou à la convoitise de plus puissant que lui.

Huit longs poèmes de sang et de lumière pour dire la plainte des hommes, leur douleur, leur peur et leur fatigue, huit textes dressés comme des poings à l'adresse du lecteur. C'est une révolte et c'est un cri, une insurrection poétique contre un monde sans compassion et sans morale, avide, haineux et corrompu, oublieux de la fraternité, aveugle aux larmes et sourd à la misère. « Ci-gît un peu de l'homme d'où qu'il soit, car en ces terres le mot « frère » a été oublié. »

Mais c'est un texte d'espérance aussi, et de courage, car
« Nous nous transmettons l'humanisme de combat.
Et ce qui naît là,
Dans toutes ces foules de toutes ces villes,
Ce qui grandit et nous donne la force de relever la tête,
C'est la part belle,
Que nous sauvons, siècle après siècle,
Comme un bien précieux au-delà de nos vies,
La part belle
De lumière
De sourire
Et d'esprit. »

C'est puissant, c'est beau, sans pathos et sans concession. C'est important. Cela m'importe.
Commenter  J’apprécie          658
« L'homme est tombé
Souillure de vie de rien
Sourire de honte. »

La poésie engagée de Gaudé m'a submergé…
Il fait parler cette humanité
Déracinée,
Blessée,
Tuée !

Une force des mots qui dérange,
Enrage la quiétude du quotidien.

Il ouvre les fenêtres sur ces vies
Maltraités,
Broyées,
Humiliées,
Et qui portant gardent leur dignité !
Dire la souffrance,
Dire les blessures,
Dire les peurs.

Cette parole est celle de la survie.
Celle qui se débat,
Celle qui se relève,
Celle qui supporte,
Celle qui n'oublie pas !

Des sons qui s'enlisent dans la mémoires des souffles,
Souffle court,
Souffle pas à pas,
Souffle bien,
Souffle trop,
Souffle la souffrance qui s'éparpille dans l'instant.

Des mots qui claquent ,qui fouettent la différence !
Viol de ces identités d'âme ,
Sang de tous ces être sacrifiés…
Innommable …
Commenter  J’apprécie          6527
Ce que j'ai ressenti:…Eclat d'un monde de douleurs…

« Les mots sont
Vieux
Comme la souffrance des peuples. «

Il m'a fallu du temps pour digérer cette lecture…A peine une centaine de pages, et pourtant, un raz-de-marée émotionnel dans ses 8 poèmes…Quelques jours pour me poser, quelques jours pour réfléchir, quelques jours pour me rappeler que l'esclavage fait partie de notre Histoire, que des vies sont insignifiantes sur d'autres continents, que le sang a coulé en Europe dans des attentats, que certains vivent l'enfer en nos jours…

« Nous avons besoin des mots du poète, parce que ce sont les seuls à être clairs et obscurs à la fois. Eux seuls, posés sur ce que nous vivons, donnent couleurs à nos vies et nous sauvent, un temps, de l'insignifiance et du bruit. «

Déjà rien qu'avec l'introduction, l'auteur m'avait déjà conquise! Elle a une force et une intention qui défie le temps et l'espace. de sang et de lumière, c'est tout ce qu'on découvre dans ses vers, parce que notre monde est ainsi fait, il saigne de la noirceur des hommes, mais il resplendit aussi dans l'oeil des poètes…Avec ses poésies engagées, Laurent Gaudé rend hommage aux victimes, aux laissés pour comptes, aux réfugiés, aux opprimés…

Les étoiles tombent
Et les souvenirs aussi.

Ce recueil, c'est une poésie qui nous parle de voyage, de misère et d'écorchures. L'envers du décor. Une poésie qui grouille de vie, qui suinte, qui nous confronte à une réalité quotidienne violente, qui dérange…Derrière la beauté des mots, se cache les maux et la douleur, mais en étant posée, écrite, cette poésie reste le témoignage contre l'indifférence, contre l'obscurantisme, contre l'insignifiance…

Si jamais un jour tu nais,
Ne crois pas que le monde se serrera contre toi

Excellent moment de lecture, même si j'ai encore la déchirure au coeur pour le poème Et si un jour tu nais, et le serment de Paris rajoute encore du sel sur notre blessure à vif …Tous plus beaux que les autres en fait, cette poésie a ceci de magique, c'est qu'en quelques mots soigneusement comptés, spécialement choisis dans la multitude, généreusement donné, elle te bouscule au plus profond…

Ma note Plaisir de Lecture 10/10

Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          588
Comme il est dur de donner un avis sur un recueil de poésie!
Plus encore que toute autre forme de littérature elle fait appel à nos sens et à nos coeurs.
On est touché, ou bien on ne l'est pas.
Cible atteinte en ce qui me concerne, touchée en plein coeur.
Laurent Gaudé donne la parole aux oubliés d'hier et d'aujourd'hui, à tous ces habitants de la planète nés du mauvais côté, ceux qui n'ont pas de voix, pas de choix.
Ces textes sont d'une cruauté implacable et d'une beauté tranchante.

Challenge Multi-défis 2017
Commenter  J’apprécie          380
Laurent Gaudé nous dit qu'il veut "une poésie qui défie l'oubli et pose ses yeux sur tous ceux qui vivent et meurent dans l'indifférence du temps." Par ce recueil , il remplit totalement cette mission avec la force et la beauté des mots qu'on lui connaît. Huit poèmes se succèdent en ouvrant le triste éventail de la souffrance due à la barbarie humaine, ouverture dans le temps puisque l'on débute notre lecture par un texte magnifique sur l'esclavage et qu'on la termine par le terrorisme des fanatiques religieux; mais aussi ouverture par tous les thèmes abordés: l'amour déchiré d'une mère, l'exil, les camps, la solidarité des Kurdes accueillants leurs frères irakiens etc. Bien sûr beaucoup d'encre a déjà coulé sur ces sujets mais n'est-il pas toujours urgent de réveiller les consciences? de ne pas faire comme si le passé n'avait pas de continuité? et surtout, de ne jamais s'insensibiliser aux drames humains?! Laurent Gaudé livre une partie de lui même dans ce recueil, par sa propre sensibilité mais aussi par le dévoilement de fragments de son histoire. Il sait avec ferveur, puissance et beauté honorer les peuples et "réveiller les morts" pour que leur parole de douleur soit entendue.
Commenter  J’apprécie          250
A part Sous le soleil des Scorta, je dois bien dire que je ne suis pas conquise pas Gaudé. Pourtant, ces quelques textes poétiques m'ont véritablement séduites. Petites pépites d'humanisme, qui nous parle si bien de la souffrance des réfugiés et des victimes des guerres de toutes sortes.

J'ai beaucoup aimé. On a envie d'être plus solidaire en refermant ce livre. Quoi de plus positif.
Commenter  J’apprécie          250
En avant-propos, Laurent Gaudé nous livre ce qu'il attend de la poésie :
« Je veux une poésie du monde, qui voyage, prenne des trains, des avions, plonge dans des villes chaudes, des labyrinthes de ruelles. Une poésie moite et serrée comme la vie de l'immense majorité des hommes. Je veux une poésie qui connaisse le ventre de Palerme, Port-au-Prince et Beyrouth, ces villes qui ont visage de chair, ces villes nerveuses, détruites, sublimes, une poésie qui porte les cicatrices du temps et dont le pouls est celui des foules. »

Et un peu plus loin :
« Nous avons besoin des mots du poète, parce que se sont les seuls à être obscurs et clairs à la fois. Eux seuls, posés sur ce que nous vivons, donnent couleurs à nos vies et nous sauvent, un temps, de l'insignifiance et du bruit. »

Laurent Gaudé écrit cette poésie, celle qui s'écrit à hauteur d'homme, celle qui vibre de colère, de rage, d'espoir, celle qui porte un regard profondément humain sur la vie d'hommes et de femmes opprimés.
Il témoigne de ce qu'il a vu, ressenti, il est la voix des laisser pour compte, des oubliés de l'Histoire, des réfugiés de la jungle de Calais, des esclaves, des Kurdes, des habitants de Haïti après le tremblement de terre et vivant dans une extrême pauvreté, des victimes d'attentats.

« de partout sortent des souvenirs,
Cris,
Chants,
Appels de la mère à l'enfant,
Promesses,
Noms des dieux,
Des villages,
De partout,
La mémoire qui rayonne,
Douloureuse mais fière
Qui dit simplement qu'ils ont été
Hommes et femmes écrasés, coupés, soumis. »
Une poésie militante et humaniste, tout comme le sont ces romans, tout aussi poignants les uns que les autres.
« Et pourquoi pas la joie ?
Au milieu de nos villes escaliers
Où les murs de parpaing suent du béton,
Où les fils électriques dessinent, sur les toits, des ciels d'araignées,
Et pourquoi pas la joie ?
Le temps d'une corde à sauter qui fait tourner le monde,
D'un ballon fatigué qui court de jambes en jambes
Et soulève la pauvreté dans les cris d'enfant,
Et pourquoi pas la joie ?
Les pieds dans l'immondice
Mais le regard droit. »

Le septième poème qui porte le nom du recueil m'a interpellée, a réveillé en moi comme un sentiment de culpabilité, d'impuissance. Laurent Gaudé y accuse l'Europe d'opérer un repli sur soi, d'ouvrir ses frontières pour les rentrées d'argent et de les fermer pour les migrants, de ne pas tendre la main aux réfugiés, d'avoir perdu son esprit de fraternité, sa dignité. Nous vivons dans un monde qui se replie sur lui-même, alors que nous aurions aujourd'hui les moyens de subvenir aux besoins de tous. L'auteur y évoque aussi ses origines et par là même, le lien qui relie les peuples vivant d' Europe et de Méditerranée.

« L'Europe
Qui, aujourd'hui, a des airs de vieille dame frileuse.
Chacun fait ses comptes,
Chacun se demande s'il y aurait moyen d'avoir un rabais,
Payer moins que celui d'à côté.
On veut bien ouvrir ses frontières si cela fait rentrer l'argent,
Mais à tout prix les fermer devant les réfugiés.
L'Europe sans joie, sans élan, sans projet
Comme un bâtiment vide.
L'Europe,
Et ma génération qui la croyait acquise
Sera peut-être celle qui l'enterrera. »

L'émotion est au détour de chacune de ces pages tournées, l'écriture est forte, lumineuse, si humaine. Elle est un cri, elle est dur à lire, à dire, à écouter, à entendre mais elle est nécessaire, et emplie de chaleur, traversée d'une lumière d'espérance.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
Commenter  J’apprécie          240
Livre prenant, émouvant, une ode aux esclaves, aux migrants, aux réfugiés, aux cibles que nous sommes devenus pour le temps et pour les fanatiques. C'est de la poésie narrative, mais si accessible qu'elle se boit comme de l'eau et nous entraîne dans les chaleurs de notre humanité. J'aime à peu près tout de Gaudé et sa poésie ne m'a pas déçue. À lire pour donner un nom à tous ceux qui n'en ont pas.
Commenter  J’apprécie          190
Ces textes sont des gifles !
Ne cherchez ni amour, ni soleil, ni bonheur, ni petits oiseaux, ni pâquerettes, ni même rimes dans ces poésies.
De la musicalité, oui. Les mots coulent, s'enchaînent, s'égrainent dans une triste mélodie. Les phrases brèves de Laurent Gaudé sont toujours une poésie en soi.
De l'émotion, oui, beaucoup. Réfugiés, migrants, esclaves...tous ces personnages nous accompagnent, nous hantent. Pays lointains, villes proches, passé universel, présent individuel...nous sommes cernés, touchés, concernés par ces destins.
Une expérience de lecture bouleversante.
Commenter  J’apprécie          170




Lecteurs (282) Voir plus



Quiz Voir plus

Laurent Gaudé

En quelle année est né Laurent Gaudé?

1965
1967
1970
1972

10 questions
176 lecteurs ont répondu
Thème : Laurent GaudéCréer un quiz sur ce livre

{* *}