La visite de sa mère à Paris, le désir d'avoir un enfant remettent Gusoon sur les traces de son enfance en Corée du Sud.
Années 70-80: la grande famille de Gusoon (7 frères et soeurs) décide de quitter leur petit coin de campagne où la petite fille vivait heureuse pour s'installer à Séoul, comme beaucoup de ruraux. Malgré les promesses d'un oncle peu scrupuleux, la ^pauvreté les gagne, les parents passent leur vie sur les marchés, en plein coeur du trafic, tandis que les trois derniers de la fratrie sont livrés à eux-mêmes. Gusoon est alors élevée - sévèrement - par sa grande soeur et entre dans une classe de 60 élèves (!!)
En grandissant, elle découvre aussi la cruauté tout autour d'elle, notamment quand pour les besoins des futurs jeux olympiques de 1988 la ville décide de se débarrasser des plus pauvres à coups de matraque et d'humiliations...
Heureusement, Gusoon est une fille à fort caractère qui se sortira de cette existence sordide pour vivre ses rêves.
C'est un point de vue juste et sans concession sur l'enfance, une dure critique aussi de la Corée par des dessins noirs et blancs stylisés, le tout à l'encre de chine. Un beau travail.
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Ce livre est tout simplement magnifique !
L'histoire de Gusoon et de sa famille m'a beaucoup touchée. C'est au cours du premier voyage de sa mère en France, alors qu'elle-même ne parvient pas à avoir un enfant, qu'elle revient sur son enfance, et sur ce qui l'a poussée à quitter la Corée.
L'héroïne est née en 1971, ses parents avaient 50 et 42 ans quand elle est née. Son prénom signifie tout simplement son rang de naissance, très important en Corée - elle en voudra beaucoup à ses parents de lui avoir donné un prénom si banal. L'enfance, à Seochang-dong, près de Kwangju, fut pourtant heureuse, jusqu'au départ pour Séoul, la ville promise pour bien des provinciaux. Et c'est là que le lecteur occidental peut être surpris, pour ne pas dire choqué. Escroquée par son frère, la mère de Gusoom n'a jamais porté plainte contre lui, ne s'est jamais révolté, elle est même allée le voir quand il fut emprisonné pour ses escroqueries, mais elle a sacrifié ses propres enfants, qui durent arrêter leurs études parce qu'ils devaient subvenir à leurs besoins. Il faut dire que la mère de Gusoom a été elle-même sacrifiée pour ses frères, ne faisant pas d'études parce qu'elle est une fille - sur ce point, Asie et Europe se retrouvent. Gusoom nous présente ses trois oncles - pas un pour racheter l'autre, enfants gâtés devenus des adultes nombrilistes.
Ce qui m'a frappé aussi est la violence, même pas sous-jacente. Les professeurs battent les élèves. Les oncles battent comme plâtre leur nièce. La violence monte d'un cran quand elle devient officiel. Je pense aux marchants ambulants, dispersés par la police, ou au soulèvement de Gwangju (le massacre, devrai-je dire). Pas ou peu de révolte, une soumission au destin. le point de non-retour est atteint quand sa soeur Iseul est atteinte du diabète. Les conséquences de la maladie sur le corps et sur la vie d'Iseul sont rares en Occident, parce que les malades apprennent à vivre avec, non à faire comme si la maladie n'était pas là. La révolte de l'héroïne face à ses coups du sort sera son départ vers la France - et cet hommage aux siens.
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Hommage au pays natal. C’est en réécoutant du Pansori, l’opéra traditionnel et populaire coréen à Paris, que l’artiste coréenne, Keum Suk Gendry-Kim voit rejaillir en elle son passé avec l’impérieuse nécessité de raconter son histoire, celle des siens. En s'inspirant de sa propre vie, elle décrit l’enfance et l’adolescence de Gusoon, née en 1971, benjamine d’une famille de neuf enfants dans un petit village du Sud de la Corée. Keum Suk rend ici un hommage douloureux à sa famille, à sa mère arnaquée par ses propres frères, à sa sœur, victime du diabète, au chant de son père. Avec pudeur, dans un graphisme emprunt des traditions coréennes, tout en aquarelle à l’encre de chine, elle offre un manhua touchant et dresse avec elle le portrait de toute une génération, de son histoire, de l’exode rural, de la guerre et des traditions perdues.
Le Chant de mon père, Keum uk Gendry-Kim, ed. Sarbacane, 160 pages, 19,50 euros
ISBN-13: 978-2848654997
Lire la critique sur le site : BDSphere
L'ensemble est savoureux, touchant et se lit avec beaucoup de plaisir. À découvrir !
Lire la critique sur le site : BDGest
Un savoureux équilibre graphique est trouvé entre les personnages très mignons et les décors rappelant l’art traditionnel. Un choix graphique soutenu par l’absence de contour de case qui laisse respirer le dessin. Au final, une histoire personnelle toute en retenue, joliment dessinée, mais à laquelle il est parfois difficile de s’attacher.
Lire la critique sur le site : BoDoi
C’est dans un ton étonnamment léger que la narratrice de cette autobiographie égrène ses souvenirs, bons ou mauvais. Avec fraîcheur, Gusoon remonte le fil de sa vie pour en livrer quelques bribes, parfois anecdotiques, parfois poignantes. L’apport esthétique des traits de pinceaux à l’encre de chine donne beaucoup de charme au récit, qui a défaut d’être très original, donne un éclairage sur les rapports sociaux dans une des économies montantes de la fin du vingtième siècle.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
Pendant les cours, je passais mon temps à lire des romans en me cachant derrière les manuels scolaires. Je me débrouillais toujours pour m'asseoir au dernier rang. J'étais ainsi à peu près sûre que mes professeurs ne pourraient me surprendre.
Ils avaient de toute façon d'autres chats à fouetter : nous étions bien trop nombreuses par classe, plus de 60 pour qu'ils prêtent une attention particulière à l'une d'entre nous. Il fallait suivre, et tant pis pour celles qui se perdraient en chemin.
Sooni était gentille, bien sûr, mais je m'ennuyais avec elle. Elle se plaignait tout le temps, et puis j'en avais plus qu'assez de ses histoires familiales qu'elle rabâchait en boucle. J'avais mes propres problèmes et c'était bien assez ! Chanok, elle, était pleine de vie, amusante, décalée, légère : tout ce que n'était pas Sooni.
Chanok était issue d'une famille aisée, branchée. On ouvrait le frigo, on prenait ce qu'on voulait, on fumait des cigarettes en toussant et en prenant des airs inspirés, la belle vie quoi !
Avec elle, je me sentais libre.
En plus d'etre intraitable avec mon niveau scolaire, elle était aussi très à cheval sur l'éducation religieuse. Tous les dimanches j'étais obligée d'aller à l'église. A ses yeux, manquer la messe était encore plus grave que de ramener une mauvais note à la maison.
J'avais alors 17 ans. La police accentua sa perssion sur la population, notamment la plus démunie. Il fallait montrer au monde entier une image propre et moderne de notre pays. Les marchands ambulants, dont faisaient partie mes parents, furent chassés sans ménagement du centre ville.
Gusoon, c'est un peu comme Marie-Thérèse en français. Quand on a 70 ou 80 ans, ça passe... mais ce sont les 60 premières années qui sont difficiles à vivre.
Dans le 170e épisode du podcast Le bulleur, on vous présente le parcours de Missak Manouchian, récemment entré au Panthéon, à travers deux bandes dessinées sorties récemment chez Les Arènes BD et Dupuis. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :
- La sortie de l’album Copenhague que l’on doit au duo Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Rijsberg, publié aux éditions Dargaud
- La sortie de l’album Le champ des possibles que l’on doit au scénario de Véro Cazot, au dessin d’Anaïs Bernabé et c’est édité chez Dupuis
- La sortie de l’album L’homme miroir que l’on doit à Simon Lamouret et aux éditions Sarbacane
- La sortie de l’album The Velvet underground, dans l’effervescence de la Warhol factory que l’on doit à Koren Shadmi et aux éditions La boite à bulles
- La sortie de l’album Sept vies à vivre que l’on doit à Charles Masson et aux éditions Delcourt dans la collection Mirages
- La réédition de l’album Mauvaises herbes que l’on doit à Keum Suk Gendry-Kim et aux éditions Futuropolis
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