J'ai été déçue par ce livre pour plusieurs raisons.
Premièrement, j'ai trouvé que l'histoire n'était pas assez travaillée.
Elizabeth George bâcle un peu l'ancienne vie de Becca King (autrefois Hannah Armstrong) et la résume en un prologue de trois pages et un bout du premier chapitre. Franchement, moi j'ai été surprise quand on est passé directement à l'embarquement pour l'île de Whitbey. Je me posais encore des questions. Ça aurait pu être intéressant de nous montrer Hannah en train de « travailler » pour le compte de son fourbe beau-père (au moins aussi fourbe qu'une belle-mère Disney, c'est un classique) en parallèle de sa vie de collégienne.
Ensuite, dites-moi honnêtement, vous ne vous êtes pas demandé COMMENT la mère et la fille se sont échappées ? Là encore l'auteure est passée à côté d'un épisode qui aurait pu être passionnant, un genre de course-poursuite haletant pour sauver Hannah des griffes de son beau-père. Tout cela me donne à penser que l'ancienne vie de Becca n'est qu'un vague prétexte pour la faire débarquer incognito sur une île où tout le monde se connaît et où il y a beaucoup de non-dits.
Mais bon, je me suis dit que c'était peut-être le signe que l'histoire allait avancer vite, qu'il y aurait plein de rebondissements et que je n'aurai pas le temps de m'ennuyer. Que nenni ! L'action est entraînante au début, certes, mais elle stagne passé les premiers chapitres. Puis un regain d'intérêt remonte quand arrive l'« accident » (qui est finalement au coeur de l'intrigue de ce tome)... Pour redescendre au bout de 50 pages quand on s'aperçoit que l'affaire n'est pas prête de progresser.
Autre détail, l'idée du brouilleur était bien, mais parfaitement improbable. Imaginez un grésillement dans votre oreille qui dure toute la journée. C'est agréable ? Alors pourquoi Becca se sent soulagée en l'entendant ? Certes, c'est peut-être mieux que d'entendre des voix, mais on ne peut pas AIMER ça. C'est pas possible. À moins d'être un peu taré. Dans ces cas-là, on préfère juste le silence, on fuit les gens comme la peste et on devient asocial. Oui, la vie est dure.
Et ce que j'ai trouvé encore moins probable, c'est le fait que c'est sa mère qui, un jour, a eu l'idée, comme ça. C'est même pas un accident (genre elle a remarqué que Hannah se sentait mieux quand une mouche bourdonnait près de son oreille), elle a EU L'IDÉE. Elle est neurologue, sa mère ? Psychiatre ? Docteur dans les trucs de cerveau et d'audition ?
Deuxièmement, parlons de l'héroïne. Lorsqu'on a 14 ans, qu'on a un pouvoir à la fois utile et handicapant qui est la source d'autant de problèmes, qu'on vient de perdre contact avec tous ceux qu'on a connu du jour au lendemain, est-ce qu'on sait quoi faire ? Est-ce qu'on ne hait pas ce pouvoir ? Est-ce qu'on ne se demande pas à quoi ressemblerait une vie normale ? Est-ce qu'on est pas complètement désespéré et dépassé ? Non, pas pour George. Becca ne perd jamais son sang-froid, ne pleure jamais (en tout cas, je ne m'en rappelle pas) et, comble de la chance, trouve immédiatement des personnes prêtes à l'aider. Des personnes qui, en plus, ne se posent pas plus de questions que ça sur cette jeune fille qui débarque de nulle part, sans père ni mère. Que demande le peuple ?
Je trouve aussi qu'elle tire vraiment trop facilement un trait sur son passé. Jamais elle n'évoque des amies ou de la famille qu'elle ne pourra plus revoir, sa maison, où elle ne pourra probablement jamais revenir, son père (mais qu'est-il devenu ?), son chien, son chat, son poisson rouge... Elle s'inquiète à propos de sa mère, encore heureux ! Ce que semble avoir oublié l'auteure, c'est qu'à 14 ans, on est en pleine crise d'adolescence, on se cherche, on doute de soi, on a besoin de se construire. Becca, elle, raisonne comme une adulte (en plus timide et moins affirmé).
Une chose qui m'a gênée, on n'a pas de description physique complète avant presque le milieu du bouquin. On sait qu'elle s'est teint les cheveux en noir, qu'elle a les yeux bleus et beaucoup de maquillage. Et c'est très tard qu'on apprend qu'elle est ronde et que ça la complexe (mais pas autant qu'une ado normale), à travers les injures de Jenn.
Troisièmement, les personnages secondaires sont parfois caricaturaux. le vilain beau-père dont la naïve mère de Becca était éperdument amoureuse (vraiment, ça me fait penser aux Disney). le gentil Seth incompris de tous. Hayley, la fille parfaite... Bon, je force le trait, mais dans l'idée, c'est ça.
Heureusement, quelques autres sont plus profonds, comme Derric ou Diana. D'autres sont TROP profonds, comme la femme chez qui vit Becca (dont j'ai perdu le nom), qui au début est toute de douceur puis, retournement de situation, se montre possessive à l'extrême quand sa protégée fréquente Seth. Elle se met à contrôler chacune de ses sorties, à lui demander des comptes alors qu'elle n'est pas sa mère et à ne jamais la croire quand elle lui explique que non, il ne se passe rien entre Seth et elle. Certes, cette femme a vécu un événement tragique qui l'a fait culpabiliser. Mais je trouve le changement trop rapide pour être crédible.
Quatrièmement, c'est un détail, mais est-ce que vous croyez que les gens ont des pensées aussi confuses ? Oui, ça nous arrive de finir nos phrases dans nos têtes. Et même de penser à un sujet pendant plus de 10 secondes. Même moi, qui pourtant pars très vite dans des rêveries sans queues ni têtes (c'est vous dire...) je suis à peu près sûre d'arriver à penser des phrases entières au moins une fois sur deux (hé oui !).
Clairement, le don de Becca ne sert qu'à mettre un peu plus de pression au lecteur, à l'accrocher à l'histoire en ne dévoilant qu'un tout petit bout de vérité. Ce n'est pas mal en soi, mais c'est pas très fin.
Malgré tout, l'auteur a un bon style qui se lit facilement. C'est un livre pas désagréable, à prendre surtout pour se détendre, pendant le train ou les vacances. Peut-être que ça vous plaira, mais en tout cas, moi je sais que je ne lirai pas la suite.