Ce sont des épisodes de la vie de Barbara Liliane dite Lili.
Elle part dans la vie doublement handicapée: sa mère abandonne le domicile quand elle est toute bébé (puis disparait en mer ?), et son prénom officiel, à l'école ou ailleurs, n'est pas celui que son père et sa famille lui donne. Barbara pour l'Administration, Lili à la maison. Jusqu'au mi-temps de sa vie, elle essaiera sans relâche de résoudre l'énigme de son identidé pour aboutir à la conclusion que les choses sont ce qu'elles sont et qu'il faut les accepter telles quelles. A ce moment là, elle connaîtra l'apaisement.
Le père de Lili, Gabriel, est aussi beau-père de Jeanne-Joy, des jumelles Christine (qui meurt accidentellement) et Chantal, Paul, tous enfants de sa 2ème épouse, Vivianne, mannequin chez Patou,
qu'elle a eu avec différents maris ou amants.
Sylvie Germain chemine dans le labyrinthe des pensées, des émotions et des actes de cette famille avec une grande délicatesse de mots et de ton, fouillant avec finesse, mais avec obstination, dans ces matériaux. Elle trouve toujours la sortie. Malgré les épreuves cruelles que cette famille traverse, cette sortie sera toujours dirigée vers l'espoir que le destin n'est pas écrit mais qu'il se décide.
La vie de cette famille court de la période allant de 1942 à peut-être les années 80 quand se sont estompées les dernières illusions sociétales et philosophique de Mai 68. Sont évoqués la IIème Guerre Mondiale et l'antisémitisme nazi, la guerre d'Algérie et la frayeur des mères de voir partir leurs fils là-bas, enfin Mai 68.
Pas de dépression dans cette famille lorsque survient le malheur, mais au contraire une immense énergie pour comprendre et rebondir chacun suivant ses questionnements et ses convictions intimes. Il n'y a pas chez eux de dispositions pour une position sociale confortable et paisible. Ils tranchent toujours dans le vif prenant une décision qui les mène vers une voie à risque. Mais c'est leur choix, sans concession aucune. Refus de la facilité, de la médiocrité, du misérabilisme. Poursuivre jusqu'au bout vers cette destination très haut placée dans les valeurs que sont la Beauté, l'Harmonie, l'Amour par un travail du coeur et de l'esprit assidu et constant.
Ils ne veulent pas subir le réel, ils le dépassent, le transforment, le subliment.
Jeanne-Joy abandonnera le métier d'avocat pour être violoncelliste de concert. Chantal quittera sa famille française pour rejoindre son père en Nouvelle-Zélande. Puis deviendra danseuse dans la troupe de Pina Baush. Paul entrera en religion mais pas pour suivre un Dieu mou et dogmatique, mais pour un Dieu qui doit agir fortement sur terre à travers lui. Lili elle, deviendra plasticienne malaxant les terres, mélangeant les couleurs jusqu'à atteindre ce qu'elle considérera comme le point d'achèvement de sa création..
Pas de paresse intellectuelle. Pas de lâcheté dès lors qu'un problème les interpelle. Ils s'engagent totalement. Ils ne connaissent pas la PEUR qui contamine actuellement tous les niveaux de notre société.
Les désillusions de Mai 68 ont fait basculer la France dans la société de consommation et l'argent-roi. Un ancien de la communauté du Val d'Oise où a vécu un temps Lili, raconte comment les affiches de Mai 68 se vendent à prix d'or à New-York. Tout s'achète, tout se vend.
Qui aura raison entre la société matérialiste sans spiritualité actuelle et cette société de doctrines du passé que beaucoup semblent regretter, oubliant les millions de morts tués au nom de ces théories "de l'Espace Vital" ou " du Bonheur Collectif" et les océans de misère qui ont recouverts la planète
Désespérance psychologique actuelle contre faim et crimes contre l'humanité du passé ? L'information presse ou télévisuelle surfe sur cette souffrance humaine, accentuant par là-même l'état de fragilité de l'être.
Il n'est pas sûr d'ailleurs qu'il faille désespérer.
C'est un livre ma-gni-fi-que ! Un joyau d'orfévrerie littéraire. L'écriture de
Sylvie Germain est limpide. Mais savoir bien écrire ne suffit pas, il faut qu'il y ait un sens, quelque chose qui fait que ce ne sont pas uniquement des mots mis bout à bout pour faire de belles boucles. Trop de littérature se contente d'embellir un texte.
La narration de
Sylvie Germain combine le fond et la structure du roman classique avec une style et une émotion contemporaine.
Grande réussite.