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sur 271 notes
Je termine cette année 2015 sur une franche déception. J'avais entendu parler en bien de Sylvie Germain et moi qui ne m'aventure quasiment jamais sur les pentes glissantes de la littérature actuelle, je crois désormais savoir pourquoi. Voilà qui ne m'encouragera pas à renouveler l'expérience.

La quatrième de couverture d'Albin Michel est pourtant fort engageante : « Tout en évocations lumineuses, habité par la grâce et la magie d'une écriture à la musicalité parfaite. » Il n'y a pas à dire, ils n'y vont pas de main morte chez Albin Michel. Mais moi qui ai l'habitude de lire quelques classiques, qui ai lu en doublette ce livre-ci avec un de John Steinbeck, et malgré l'outrage de la traduction, force m'est de constater qu'à l'aune de ma propre sensibilité, les évocations lumineuses sont plus à chercher chez Steinbeck que chez la brave Sylvie Germain.

Quant à la " magie d'une écriture à la musicalité parfaite ", excusez-moi encore Mesdames et Messieurs de chez Albin Michel, mais il m'a semblé lire récemment un roman de Flaubert qui en impose légèrement plus dans ce registre. Mais vous n'êtes absolument pas obligés de me croire sur parole alors j'ouvre le livre, par exemple à l'amorce du chapitre 17, je cite :

« Georges-Édouard Falaize, le père des jumelles. Un jour, il est là. Là, chez eux, à table. Il n'a pas revu ses filles depuis des lustres.
Un homme de haute taille, comme Gabriel, un peu plus jeune que lui mais le front déjà dégarni, alors que le père de Lili garde intacte sa chevelure roux cuivré, légèrement ondulée. »

Okay, alors c'est donc ça la " magie d'une écriture à la musicalité parfaite ", bon, j'avais cru que c'était autre chose. Mais peut-être, me direz-vous, ai-je choisi à dessein un extrait particulièrement creux et plat. Soit, prenons l'amorce du chapitre suivant, le 18, l'un des plus importants pour le déroulé de l'histoire :

« Il fait trop beau ce dimanche-là pour rester à la maison. Un jour de printemps précoce, frais et ensoleillé. Le père propose d'aller pique-niquer. Viviane emporte son appareil photo. La photographie est depuis quelque temps sa nouvelle marotte. " Faites-vous belles ! " a-t-elle dit aux quatre filles en prévision des prises qu'elle compte faire. Et elles jouent le jeu, même Chantal que son amourette rend maussade dès qu'elle n'est pas en compagnie de Gilbert. Elles s'habillent avec soin, choisissent leurs robes préférées, des foulards assortis. »

Ouh là ! effectivement ça dépote ! Mais bon excusez-moi de ne pas m'extasier devant une telle prose aux reliefs aussi prononcés que la Zélande, la Hollande et la Frise réunies. Et ce n'est pas l'emploi par moment surabondant et imbuvable d'un lexique ronflant qui fera de cette platitude un style au sens noble du terme. Une ponctuation sans âme vient couronner le tout.

Excusez-moi une dernière fois, Mesdames et Messieurs de chez Albin Michel mais pour la " magie d'une écriture à la musicalité parfaite " vous repasserez. Vendre des livres, c'est une chose, mentir sur la marchandise, c'est autre chose. Pourtant, je ne pense pas être insensible à la musique des mots ; quand je lis du Verlaine, par exemple, il m'arrive souvent de me faire la réflexion que sa langue a une musicalité parfaite, Corneille aussi. Curieusement, Sylvie Germain, au moins dans ce livre, n'a jamais suscité en moi de tels ébahissements. Alors sûrement que cela vient de moi, n'en doutons pas et n'en parlons plus.

Après la forme, le fond. Là, à cet endroit précis, une vraie critique vous sortirait une phrase bien sentie, un petit truc percutant qui vous ferait saisir en un mot les qualités de l'œuvre. En ce qui me concerne, le premier et le seul mot qui me vient à l'esprit c'est : PFFFF !

Qu'est-ce que j'ai trouvé ce livre pénible, mal construit, grosses ficelles, fourre-tout et sans intérêt ! Toutes proportions gardées, j'avais l'impression que l'auteur faisait avec son héroïne comme Stephen King dans Shining quand il rajoute louche sur louche pour bien nous spécifier que c'est de l'horreur qu'il s'agit. Avec Sylvie Germain, on fait dans le misérabilisme à deux balles.

La mère morte, bling ! la grand-mère qui calanche sous ses yeux, bling ! l'exhibitionniste, bling ! la famille recomposée avec les méchantes jumelles qui prennent toute la place (façon Cendrillon), bling ! le décès de la sœur, bling ! le frangin qui veut rentrer dans les ordres, bling ! (elle a failli nous faire le coup de l'homo, elle y a pensé très fort et s'est retenu au dernier moment) le père qui couche avec la sœur, bling ! la sœur qui accouche d'un bébé " phoque ", bling ! l'amour pendant mai 68 et la vie en communauté, bling ! (on a échappé au Larzac mais c'était pas loin), l'ancien amour devenu malfaiteur (un peu à la façon d'Action Directe), bling ! le frangin qui en fait est un Juif et que sa mère a juste eu le temps de refiler avant de se faire assassiner sous les yeux de la belle-mère, bling ! le cancer, bling ! le village englouti avec tous les souvenirs à cause de la construction d'un barrage, bling ! etc., etc., etc.

N'en jetez plus Sylvie Germain, la cour est pleine ! Non, franchement, un peu de sérieux, c'est quoi cette surenchère de mauvais goût ?! C'est Forrest Gump à la sauce franchouillarde qui vit tous les événements de la seconde moitié du XXème siècle en y prenant une part active ou en y vivant quelque chose de fort et de significatif.

Sans oublier, bien sûr de combiner des origines très diverses, la grand-mère espagnole, la belle-mère roumaine, le père en Nouvelle-Zélande au milieu des Maoris, le frère juif devenu catho, la sœur en Allemagne, l'autre en Suisse. C'est vrai que vous n'avez pas eu peur, ma chère Sylvie, on se croirait revenu aux plus belles heures de la publicité façon Oliviero Toscani et du slogan " United Colors of Benetton ".

Que vais-je retenir d'un tel salmigondis ? Un grand moment d'ennui et une nouvelle désillusion générée par la littérature française actuelle, cruellement en quête d'auteurs dignes de ce nom, d'auteurs dont on parlera encore dans cinquante ou cent ans. En somme, en ce qui me concerne à propos d'une éventuelle réconciliation avec la littérature actuelle, comme dit le perroquet de L'Oreille Cassée : « Caramba ! Encore raté ! »

Mais tout ceci n'est bien évidemment que l'expression de mon avis, n'ayant rien de capital, autant dire qu'il ne représente pas grand-chose.
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Vous n'allez certainement pas me croire si je vous dit que Lili est le diminutif de Barbara ? Vous auriez à la fois tord et à la fois raison. Notre héroïne, que son père a toujours appelé Liliane (pour faire court Lili) depuis sa plus tendre enfance, découvre dès son entrée à l'école, que son vrai prénom (son premier prénom disons puisqu'elle en a trois) est Barbara. Celui-ci lui a été donné par sa mère à sa naissance, une mère qu'elle n'a jamais connue puisqu'elle a déserté le toit conjugal lorsque Lili Barbara avait onze mois et qu'elle s'est noyée en mer trois ans plus tard.
Aussi, Lili (je vais me contenter de ce diminutif pour cette critique sinon, pour vous, lecteurs, cela va vite devenir lassant), n'a-t-elle connu que sa belle-mère Viviane, avec laquelle son père s'est remarié bien des années plus tard. Elle qui était fille unique, a également dû s'adapter à partager sa chambre avec les autres filles de Viviane à savoir Jeanne-Joy, l'aînée et les jumelles Christine et Chantal qui n'ont qu'un jour d'écart avec elle ; le garçon, Paul, ayant sa propre chambre.
Lili qui n'avait jusqu'alors vécu qu'avec son père Gabriel et qui était habituée à l'avoir pour elle toute seule, va devoir apprendre à partager, à faire des concessions et à s'habituer à son nouveau mode de vie.

Dans ce roman, bien des drames arrivent et le premier en date est celui de la mort de l'une des jumelles, Christine, alors qu'elle n'avait que quatorze ans. Suite à cet accident, la famille reconstituée ne sera plus jamais la même, chacun des membres de cette famille ne sera plus jamais comme avant et ce qui doit arriver arrivera, cette famille, à l'apparence heureuse, va se disperser. Chantal sera l'une des premières à partir puisqu'elle ne pourra plus vivre sous ce toit sous lequel elle a vécu tant de moments heureux avec sa moitié ; elle a besoin de s'éloigner très vite et très loin. Jeanne-Joy, Paul et Lili, partiront eux aussi, qui pour faire des études, qui pour aller s'installer à l'étranger.

Même si d'autres drames suivront (j'avais annoncé dès le départ qu'il y en avait plusieurs), sachez que ce libre n'est pourtant pas considéré (de mon point de vue) comme ce que l'on pourrait qualifier, dans le monde du théâtre ou du cinéma, comme une tragédie. Il y beaucoup de réflexions sur la vie, l'amour, les ambitions de chacun quant à savoir ce qu'il veut faire réellement de sa vie et qu'il nous amène, bien souvent, à nous remettre en question. En effet, nous qui nous plaignons souvent pour un rien, nous apprenons, en découvrant cet ouvrage, à relativiser car, malgré tous les malheurs qui s'acharne sur cette famille, chacun et chacune d'entre eux, aime la vie et sait en savourer chaque instant !

Une écriture magnifique, une histoire forte (une sorte de chronique familiale en réalité) et qui, avec ses hauts et ses bas, nous donne des magnifiques leçons de vie. A découvrir !
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«  Des anémones, des roses aux paupières diaphanes , des iris infusés de bleu et de violet, des renoncules jaune soleil » .

«  Il faut croire qu'elle même était bien fade à sa naissance pour que sa mère ait prétendu faire comme si sa naissance ne s'était pas produite. Non, c'est sa mère , l'indigente , l'inattentive » …

«  Faire comme si rien n'avait eu lieu , comme si elle Barbara Lili n'était jamais née ? » .
Quelques extraits significatifs de ce livre qui nous livre la béance , entre autres ——-de cette petite fille Barbara - Lili , née dans l'après guerre ——-qui ne sait pas comment s'y prendre pour affronter l'amputation d'une enfance sans mère ———abandonnée à l'âge de 11 mois ? .

L'auteure explore à petites touches , à travers les 49 scènes de cet ouvrage , aux chapitres courts, intenses , le déroulement de la vie de Barbara Lili ,morceaux d'écriture , fragments spontanés, cristallisés au fil,du temps , au gré des faits: drames intimes et familiaux , impressions fugitives, ,découvertes , deuils douloureux , révélations, tragédies , sensations, doutes et douleurs ,…..longs questionnements , tours et détours , joies et peines confondues , avant d'arriver …enfin à une sorte de paix salvatrice …


Le mal de mère est incurable , la quête d'identité incessante ,à travers et au fil de tant de conflits , blessures inavouées , révoltes escamotées auprès de son père Gabriel , de ses demi -frères et soeurs , «  L'amour , ce mot n'en finit pas de bégayer en elle, violent et incertain , sa profondeur , sa vérité ne cessent de lui échapper depuis l'enfance , depuis toujours, l'amour , un mot hagard » ….
Barbara - Lili , toujours à la recherche de sa mère , cette petit fille clandestine, ….
Chaque scène évoquée est capitale , l'écriture est magnifique ,-même si j'ai lu que certains internautes la rejettent , pas moi—— le vocabulaire à la fois riche et nuancé , varié, certains mots peu usités.

SYLVIE G' est une esthète de la langue française, , elle la manie avec dextérité , grâce dans les couleurs et senteurs tel un bouquet parfumé , odorant .
Son roman familial s'étoffe et s'enrichit au fil des drames , deuils et tragédies .
Elle aborde le sens de la vie , les mystères de la mort et la spiritualité, l'absence , son écriture fine décrit la complexité des êtres , celle de leur construction, une dualité aussi éclairée par la magie de sa plume .

Chaque scène définira l'adulte qu'est devenue Barbara …

Les personnages sont judicieusement construits :profonds , lumineux ou sombres , ils sont chargés d'une éternité qui créent leur identité …

Un très beau livre déjà lu il y a longtemps , sobre et riche à la fois, éclatant d'odeurs et de couleurs , pétri d'émotions intenses, vraies .

Sylvie G enchante, séduit tellement ses propos profonds et essentiels, touchent au coeur .
Mais ce n'est que mon humble avis , bien sûr !!


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Si le mal de mer se soigne avec quelques comprimés, ce livre nous apprend que le mal de mère, lui, est incurable.

Dans "Petites scènes capitales", Sylvie Germain explore la quête d'identité de Lili, une fillette née après-guerre et « plaquée par sa mère à l'âge de onze mois ». Habituée à vivre seule avec son père, Lili est chamboulée par le remariage de celui-ci avec la belle Viviane, déjà flanquée de 4 enfants. Fuyant cette envahissante fratrie, elle aime passer du temps chez sa grand-mère paternelle, seule à lui procurer l'attention et la tendresse dont elle a besoin. La seule, surtout, à avoir conservé une photo de sa maman. Mais la famille va bientôt connaître toute une série de drames…

Bizarrement, je n'avais encore rien lu de Sylvie Germain, pourtant écrivaine prolixe et régulièrement primée. Dès les premières pages, j'ai été emportée par sa prose incandescente. L'histoire m'a fait penser au Confident, d'Hélène Grémillon, pour l'époque choisie et son questionnement sur les origines. le style, quant à lui, est plus proche du lyrisme de Carole Martinez, tout en restant unique et très musical. Ici, le refrain est emprunté à un très beau poème de Prévert : « Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là Et tu marchais souriante Épanouie ravie ruisselante Sous la pluie Rappelle-toi Barbara… » Barbara, premier prénom de Lili selon l'état civil, est une des clés de cette histoire.

Les chapitres, courts et intenses, justifient le titre de petites scènes capitales ; ils s'enchaînent sans que l'on puisse s'arrêter, ou alors à regret, car la nuit est déjà bien avancée. Chacun a son importance pour reconstituer la vie Lili et des siens, à coup de souvenirs d'enfance, d'adolescence et d'instantanés de vie familiale. L'auteur cultive la sensation, le ressenti, l'émotion, et en même temps, grâce à une narration à la troisième personne, garde une distance qui lui permet d'analyser les événements. Et des événements, il y en a, plus tragiques les uns que les autres : la mort qui frappe à tous les âges, le handicap, la maladie… Certes, chaque famille a son lot de malheurs, mais chez les Bérégance, l'addition est particulièrement salée.

La quatrième de couverture et le début du livre laissaient entrevoir un mystère concernant la mère de Lili : « Car au fond, qu'est-ce qui lui prouve que sa mère est bien morte ? », se demande-t-elle. Or sur ce point, j'ai été déçue, car on en apprend bien peu. Plus tard, un lourd secret de famille nous sera effectivement révélé, mais pas du tout du côté où on l'attendait. Si bien que sa violence, ajoutée à tout ce qui précède, m'a paru presque hors sujet.

Malgré ce petit excès de pathos, j'ai été séduite par le style poétique de l'auteur, la richesse de son vocabulaire, la finesse de ses descriptions et ses réflexions sur le sens profond de la vie, l'amour, le temps qui passe et ce qu'il advient après la mort. «Faut-il que tout soit consommé, consumé, d'un vivant, pour que de l'invisible où il s'en est allé une lumière nouvelle, à la fois ténue et très pure, commence à sourdre, à s'épancher, bouleversant en secret le visible ? »

-- Livre lu dans le cadre du jury "Libraires en Seine" 2014 ; prix décerné à "Kinderzimmer" --
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49 scènes où se déroulent la vie de Lili-Barbara qui nous fait part de ses questionnements, ses joies et ses peines, ses hésitations, ses tours et détours avant de parvenir à une forme de paix.
Elle nous dit que dans chaque vie la sienne, celle de ceux qu'elle côtoie rien n'est donné, rien n'est simple et que ce sont souvent grâce à des instants hors du temps qui surgissent brusquement au sein d'une réalité banale, des instants suspendus qui nous saisissent par leur lumière, qui nous fascinent et éclairent, bouleversent , magnifient nos vies de l'intérieur que nous finissons par trouver une certain apaisement.
Et arrivée au mitan de sa vie :
«... Elle ne rêve plus d'une autre famille, elle ne souhaite plus un autre passé que celui qui est le sien, tout semé de trébuchements et de déconvenues, de pertes et de renoncements soit-il, et jalonné de deuils. Elle n'éprouve ni regrets ni rancoeurs, elle a eu son lot de joies et de plaisirs aussi, ses jours d'allégresse, ses heures d'exultation, elle a vécu selon ses goûts et ses désirs, en liberté. Elle accepte de payer le prix de cette liberté, laquelle a parfois ressemblé à de l'indécision et à du faux fuyant, d'autres fois à des choix résolus. La liberté, comme l'amour, a un coût, celui de l'intranquillité, ni l'un ni l'autre ne sont jamais acquis.»
«Elle n'est plus dans l'urgence, elle s'est posée dans le flux du temps.....

mais, «.... la petite fille clandestine toujours tapie dans un recoin de son être refuse, elle de déposer les armes, refuse de descendre de la balançoire lancée à la volée sous la voûte d'un marronnier en fleur criblée d'insectes et de flammèches de soleil» celle que personne ne peut lui enlever qui conserve en elle la beauté entrevue, cette beauté qui fait qu'aucune vie n'est banale même si aux yeux des autres elle le parait.

C'est un très beau livre que celui-là, sobre et en même temps d'une richesse somptueuse, un bouquet éclatant d'odeurs, de couleurs et d'émotions.
«Des anémones, des roses aux paupières diaphanes, des iris infusés de bleu et de violet, des renoncules jaune soleil.»
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Je viens de refermer l'album photos de Lili. C'est bien l'impression que j'ai ressentie à la lecture de ce roman magnifique, des images d'abord et des mots ensuite. Des images comme des photos, aux bords dentelés, aux teintes surannées. Des mots si bien choisis par Sylvie Germain. J'aime son écriture si belle, si intense, si recherchée parfois.

Toutes ces photos, tous ces instants sont les piliers de la construction de Lili. Chère Lili que la vie n'a pas épargnée. Chère Lili qui observe et ne dit rien.

Qui est-elle ? Son prénom n'est pas celui déclaré le jour de sa naissance.
Qui est sa mère et qu'est-elle devenue ? La réponse ne lui sera donnée que le jour de ses vingt ans.
Quelle est sa place au sein de la famille recomposée ? Son père se remarie avec Viviane qui a déjà quatre enfants.
Qui sont ses frère et soeurs ? Chacun d'entre eux se révèlera au fil du temps, au fil de l'Histoire aussi.


Que de questions, que d'incompréhension de la part des adultes face à l'enfant qui se cherche, qui doute, qui se sent mal aimée.
L'absence, le deuil, la peur de l'abandon, les vies décomposées puis recomposées, autant d'obstacles que Lili devra surmonter. Mais une quête absolue, toujours, celle de l'amour. Et toute une vie ou presque pour découvrir ce qu'aimer veut dire...

Quel plaisir de découvrir un livre aussi bien écrit, aussi riche et profond, empli de poésie et si bien peint...


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Un roman dans lequel on entre dès les premières phrases.
Sylvie Germain est une esthète de la langue française. Elle manie les mots, et les mots rares, avec une grande dextérité. C'est un véritable régal.
L'écriture est légère et fluide et d'une grande richesse lexicale.
L'histoire de cette petite Lili/Barbara, elle ne sait pas trop elle- même, se sentant comme "un greffon", une "fille surnuméraire" dans sa famille recomposée, est tout simplement passionnante.
Et cette, absence, cette mort dont elle ne sait rien et qui l'obsède.
Comment va t-elle pouvoir grandir et se construire avec toutes ses questions sans réponses ?

Lili, à cinq ans, se demande où est sa maman, qu'est-ce que c'est être mort.
J'ai ressenti une immense tendresse et une grande compassion pour cette petite fille solitaire qui se raccroche désespérément à chaque marque d'intérêt que pourrait lui donner un membre de sa famille recomposée.
Et cette absence, cette mort dont elle ne sait rien et qui l'obsède tout au long de sa vie, la laissant amputée d'une partie d'elle-même, elle, le « greffon », la « fille surnuméraire » qui a l'impression de « n'occuper qu'un strapontin au fond du théâtre affectif de la famille »
Cantonnée au rôle de spectatrice, plus que d'actrice de sa propre enfance, de son adolescence, c'est en contemplative qu'elle tracera son chemin de femme.
Alors que pour la petite fille, Lili, l'espérance de vie est là, on y croit avec elle, pour la jeune femme qu'elle est devenue, Barbara, ne transparaît que désespérance.
Le pessimisme s'insinue dans la lecture.
On retrouve les thèmes chers à Sylvie Germain :
L'absence et la mort
La construction de l'identité
La dualité de l'individu
Comme dans tous ses livres, si beaux fussent-ils, planent ce pessimisme, cette noirceur existentielle que la magie de sa plume rend supportables, et même, en quelque sorte, magnifie
Se dégagent en lisant celui-ci des sensations de couleurs avec une prédominance des teintes jaunes, ocre, orangées.
Il y a une grande cohésion dans la construction du roman. L'adulte, qui semble résignée à ne pas savoir, a gardé intactes en elle les attentes de la petite fille.
Sa vie n'est qu'une succession de petites scènes où toujours elle se cherche, sans jamais se trouver. Chaque scène est capitale, faisant d'elle l'adulte qu'elle est devenue. Etait-elle donc vouée à ne toujours occuper qu'un strapontin au fond du théâtre affectif de la famille ?

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Lili se remémore les jeux avec sa grand-mère quand elle était enfant… elle vit avec son père, sa mère Fanny est partie quand elle était toute petite et elle n'a aucun souvenir d'elle.
Un jour, elle apprend Fanny s'est noyée en mer, elle essaie de s'envoler sur sa balançoire pour la rejoindre au Ciel.
Ses compagnons d'enfance sont les oiseaux de la volière, à côté. Elle les connait tous, reconnait leurs chants, le temps s'écoule paisiblement. Un jour, son père agrandit la famille car il a rencontré Viviane dont il est tombé très amoureux. Viviane a une fille Jeanne Joy qu'elle a eu d'une première rencontre, un fils Paul et deux jumelles nées d'une relation avec un troisième homme.
On change tout dans la maison, l'intimité relative avec son père disparaît. Il y a désormais une chambre pour Paul, une chambre pour le couple et autre pièce avec un lit à baldaquin pour Jeanne Joy, deux lits superposés pour les jumelles et un divan pour Lili qui se sent de plus en plus seule parmi tout ce monde, mise à l'écart.
Le premier jour d'école, l'institutrice fait l'appel et elle entend Barbara… elle pense « tiens une autre petite fille porte le même nom de famille que moi », mais non, Lili apprend ce jour-là que son vrai prénom est Barbara, c'est celui que sa mère a choisi mais voilà son père n'aimait pas ce prénom et l'a appelé Lili pour Liliane) sans avoir jugé bon de le lui dire. En fait, on lui a volé son identité purement et simplement..
On assiste à l'évolution des cinq enfants et du couple, ainsi qu'à toutes les petites scènes qui semblent anodines mais vont marquer chacun de façon indélébile, ce que je vous laisse découvrir.

Ce que j'en pense :

Lili Barbara (je lui choisis ce prénom-là), est une petite fille très attachante, à laquelle on a tendance à s'identifier car elle nous rappelle des souvenirs. Elle est secrète, hypersensible à la moindre intonation dans les mots comme dans les actes, mais elle ne dit rien, elle encaisse tout, du moins en apparence.
Elle est à la recherche de sa mère : comment celle-ci a-t-elle pu l'abandonner ? ne pas vouloir d'elle. Elle ne méritait pas son amour ? Elle a compté pour quelqu'un dans sa vie : sa grand-mère qui lui a donné tout son amour, par les mots, les gestes (cf. la scène de la confiture).
La grand-mère meurt pendant que Lili est en vacances chez elle et c'est son premier contact avec la mort. Elle devine sans trop comprendre. Où est la grand-mère ? Au ciel ? Elle n'y croit plus... Une fois de plus, le questionnement dans sa tête, comme pour sa mère.
Quelque chose s'est produit, un mur protecteur s'est effondré, mais encore une fois, elle ne dit rien de sa peine ni de ses interrogations.
Les jumelles, Christine et Chantal (feu follet l'a surnommé le père de Lili occupent toute la place.
Jeanne Joy (référence au parfum de Jean Patou) grandit, apprend le violoncelle avec application car elle n'est pas douée au départ, c'est à force de répéter qu'elle progresse. Elle-aussi, son père lui manque, pour se construire, pour pouvoir s'attacher à un homme , être amoureuse.
Paul est plus discret, mais provocateur : il fait une crise mystique à l'adolescence et veut devenir moine trappiste ce qui effraie sa mère car son père est de confession juive, donc elle le vit comme une trahison quelque part. « Paul, le fils posthume né avant mariage – conçu trop tôt, né trop tard »
On sent tout de suite que certains enfants sont préférés à d'autres de façon évidente. Lili comprend vite la place que Chantal occupe dans le coeur de son père : elle est sa préférée alors qu'elle, sa fille biologique, n'est rien ou si peu.
L'auteure pose aussi d'autres questions. Est-ce que la maternité vient toute seule en voyant le bébé pour la première fois ou est-ce qu'elle s'apprend, se construit jour après jour ? Qu'est-ce qu'une mère ? Qu'est-ce qu'un père ? Peut-on donner l'amour quand on n'en a pas reçu ?
Quelle est la place des enfants dans le couple ? On peut aimer un autre enfant plus que son enfant biologique car on est très amoureux de la mère de cet enfant alors qu'il y a eu peu d'amour avec la mère de son propre enfant.
Il y a peu de place pour Lili dans le coeur de son père car ce coeur a été occupé par Viviane, puis par son chien, compagnon de vie avec lequel il veut être enterré. Au risque de choquer je dirais que l'on pourrait presque parler d'abandon au sens moral, bien entendu, mais le résultat est le même.
L'écriture est magnifique : Sylvie Germain a un vocabulaire riche avec beaucoup de nuances, de variations dans les couleurs de la vie et des choses. Tout est précis, net alors que les mots nous enveloppent de mots subtils. le ruisselet a fait tinter son eau dans l'esprit du rêveur, il a empli sa bouche de volupté et de fraicheur, éclaboussé sa raison de goutes de feu, de mots simples, d'étonnement simple. Au matin, Paul était un enfant, hors d'âge. Il était à son tour une page, très ancienne, effacée, toute neuve, un palimpseste nu, épiphanique. P 74
Le thème est fort, profond et tout a été parfaitement étudié. Les personnages sont bien construits. Elle maitrise parfaitement le sujet. On perçoit toujours son amour pour la nature dont elle parle si bien.

Note : 8,5/10
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Jusqu'à l'âge de 5 ans, la petite Lili vit seule avec son papa, sa mère n'étant qu'un visage sur une vieille photo en noir et blanc. Et puis, le père rencontre la belle Vivianne, déjà mère de quatre enfants, et l'épouse. Par cette union se crée une nouvelle famille dans laquelle Lili peine à trouver sa place. Elle n'est plus enfant unique, elle doit partager son père avec les enfants de Vivianne. Au fil du temps, cette famille recomposée se transforme, se recompose, se décompose. Lili grandit, s'étourdit en mai 68, rejoint un groupe de hippies. Et le temps passant, Lili continue à chercher sa place dans le monde et dans le coeur de son père. Elle apprend à faire avec la vie qui n'est jamais un long fleuve tranquille.


Des éclats de vie, ciselés comme des éclats de diamant, racontés dans une langue superbe, une héroïne touchante dont on partage le désarroi, une famille -moderne pour l'époque- qui traverse joies et peines et se transforme au gré des évènements…Sylvie GERMAIN nous livre une pépite qui interroge sur l'enfance, la fratrie, la famille et les sentiments. Roman d'apprentissage, ces Petites scènes capitales décrivent le parcours de Lili, fillette en souffrance, qui deviendra Barbara, une femme apaisée, même si elle n'a pas trouvé toutes les réponses à son questionnement existentiel. Un destin ordinaire racontée par une plume extraordinaire!
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Lili, enfant abandonnée par sa mère, se pose des questions sur le sens de son histoire. Des petites scènes de sa vie vont se révéler capitales dans la construction de sa personnalité.

Très jeune, Lili prend conscience que la séparation de son père et de sa mère est liée à sa naissance. C'est le point de départ d'un questionnement sur la légitimité de son existence. A quoi bon vivre quand votre propre mère ne vous estime pas digne de son amour ?
Avec Gabriel, son père, les liens sont distants. Lili ne se voit dotée d'aucune qualité marquante susceptible d'attirer l'affection paternelle.

Quand Gabriel se remarie avec Viviane, Lili peine à trouver sa place dans sa nouvelle famille et ses rapports avec ses demi-soeurs ne sont pas exempts de jalousie.
Lili rêve et réfléchit beaucoup ; en observant la nature, elle se pose des questions existentielles et métaphysiques. Au fil du temps, des épreuves vont secouer sa famille et la détruire. Ce sera pour elle, paradoxalement, le début de son autonomie affective et intellectuelle.

Sylvie Germain, avec ce roman, aborde des sujets essentiels que sont le sens de la vie, la spiritualité et la mort. Certaines de ces Petites scènes capitales sont de petites peines capitales, des petites morts. Ces expériences disparaissent pour laisser la place à d'autres et font que les êtres sont en perpétuelle évolution ; Lili ne sera jamais plus celle qu'elle a été. Les chapitres très courts du roman sont autant d'étapes qui construisent ce que devient Lili -une femme plus sereine, plus libre et réconciliée avec elle-même.

Sylvie Germain séduit par la profondeur de son propos. Elle raconte une histoire particulière mais avec des accents d'universalité. Les questions que se pose Lili sont aussi les nôtres.
On peut regretter toutefois que l'auteur pèche par excès d'effets de style : la profusion d'envolées lyriques, avec des phrases et des métaphores obscures, rendent l'ensemble un peu artificiel.
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