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3,68

sur 273 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
«  Des anémones, des roses aux paupières diaphanes , des iris infusés de bleu et de violet, des renoncules jaune soleil » .

«  Il faut croire qu'elle même était bien fade à sa naissance pour que sa mère ait prétendu faire comme si sa naissance ne s'était pas produite. Non, c'est sa mère , l'indigente , l'inattentive » …

«  Faire comme si rien n'avait eu lieu , comme si elle Barbara Lili n'était jamais née ? » .
Quelques extraits significatifs de ce livre qui nous livre la béance , entre autres ——-de cette petite fille Barbara - Lili , née dans l'après guerre ——-qui ne sait pas comment s'y prendre pour affronter l'amputation d'une enfance sans mère ———abandonnée à l'âge de 11 mois ? .

L'auteure explore à petites touches , à travers les 49 scènes de cet ouvrage , aux chapitres courts, intenses , le déroulement de la vie de Barbara Lili ,morceaux d'écriture , fragments spontanés, cristallisés au fil,du temps , au gré des faits: drames intimes et familiaux , impressions fugitives, ,découvertes , deuils douloureux , révélations, tragédies , sensations, doutes et douleurs ,…..longs questionnements , tours et détours , joies et peines confondues , avant d'arriver …enfin à une sorte de paix salvatrice …


Le mal de mère est incurable , la quête d'identité incessante ,à travers et au fil de tant de conflits , blessures inavouées , révoltes escamotées auprès de son père Gabriel , de ses demi -frères et soeurs , «  L'amour , ce mot n'en finit pas de bégayer en elle, violent et incertain , sa profondeur , sa vérité ne cessent de lui échapper depuis l'enfance , depuis toujours, l'amour , un mot hagard » ….
Barbara - Lili , toujours à la recherche de sa mère , cette petit fille clandestine, ….
Chaque scène évoquée est capitale , l'écriture est magnifique ,-même si j'ai lu que certains internautes la rejettent , pas moi—— le vocabulaire à la fois riche et nuancé , varié, certains mots peu usités.

SYLVIE G' est une esthète de la langue française, , elle la manie avec dextérité , grâce dans les couleurs et senteurs tel un bouquet parfumé , odorant .
Son roman familial s'étoffe et s'enrichit au fil des drames , deuils et tragédies .
Elle aborde le sens de la vie , les mystères de la mort et la spiritualité, l'absence , son écriture fine décrit la complexité des êtres , celle de leur construction, une dualité aussi éclairée par la magie de sa plume .

Chaque scène définira l'adulte qu'est devenue Barbara …

Les personnages sont judicieusement construits :profonds , lumineux ou sombres , ils sont chargés d'une éternité qui créent leur identité …

Un très beau livre déjà lu il y a longtemps , sobre et riche à la fois, éclatant d'odeurs et de couleurs , pétri d'émotions intenses, vraies .

Sylvie G enchante, séduit tellement ses propos profonds et essentiels, touchent au coeur .
Mais ce n'est que mon humble avis , bien sûr !!


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Si le mal de mer se soigne avec quelques comprimés, ce livre nous apprend que le mal de mère, lui, est incurable.

Dans "Petites scènes capitales", Sylvie Germain explore la quête d'identité de Lili, une fillette née après-guerre et « plaquée par sa mère à l'âge de onze mois ». Habituée à vivre seule avec son père, Lili est chamboulée par le remariage de celui-ci avec la belle Viviane, déjà flanquée de 4 enfants. Fuyant cette envahissante fratrie, elle aime passer du temps chez sa grand-mère paternelle, seule à lui procurer l'attention et la tendresse dont elle a besoin. La seule, surtout, à avoir conservé une photo de sa maman. Mais la famille va bientôt connaître toute une série de drames…

Bizarrement, je n'avais encore rien lu de Sylvie Germain, pourtant écrivaine prolixe et régulièrement primée. Dès les premières pages, j'ai été emportée par sa prose incandescente. L'histoire m'a fait penser au Confident, d'Hélène Grémillon, pour l'époque choisie et son questionnement sur les origines. le style, quant à lui, est plus proche du lyrisme de Carole Martinez, tout en restant unique et très musical. Ici, le refrain est emprunté à un très beau poème de Prévert : « Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là Et tu marchais souriante Épanouie ravie ruisselante Sous la pluie Rappelle-toi Barbara… » Barbara, premier prénom de Lili selon l'état civil, est une des clés de cette histoire.

Les chapitres, courts et intenses, justifient le titre de petites scènes capitales ; ils s'enchaînent sans que l'on puisse s'arrêter, ou alors à regret, car la nuit est déjà bien avancée. Chacun a son importance pour reconstituer la vie Lili et des siens, à coup de souvenirs d'enfance, d'adolescence et d'instantanés de vie familiale. L'auteur cultive la sensation, le ressenti, l'émotion, et en même temps, grâce à une narration à la troisième personne, garde une distance qui lui permet d'analyser les événements. Et des événements, il y en a, plus tragiques les uns que les autres : la mort qui frappe à tous les âges, le handicap, la maladie… Certes, chaque famille a son lot de malheurs, mais chez les Bérégance, l'addition est particulièrement salée.

La quatrième de couverture et le début du livre laissaient entrevoir un mystère concernant la mère de Lili : « Car au fond, qu'est-ce qui lui prouve que sa mère est bien morte ? », se demande-t-elle. Or sur ce point, j'ai été déçue, car on en apprend bien peu. Plus tard, un lourd secret de famille nous sera effectivement révélé, mais pas du tout du côté où on l'attendait. Si bien que sa violence, ajoutée à tout ce qui précède, m'a paru presque hors sujet.

Malgré ce petit excès de pathos, j'ai été séduite par le style poétique de l'auteur, la richesse de son vocabulaire, la finesse de ses descriptions et ses réflexions sur le sens profond de la vie, l'amour, le temps qui passe et ce qu'il advient après la mort. «Faut-il que tout soit consommé, consumé, d'un vivant, pour que de l'invisible où il s'en est allé une lumière nouvelle, à la fois ténue et très pure, commence à sourdre, à s'épancher, bouleversant en secret le visible ? »

-- Livre lu dans le cadre du jury "Libraires en Seine" 2014 ; prix décerné à "Kinderzimmer" --
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49 scènes où se déroulent la vie de Lili-Barbara qui nous fait part de ses questionnements, ses joies et ses peines, ses hésitations, ses tours et détours avant de parvenir à une forme de paix.
Elle nous dit que dans chaque vie la sienne, celle de ceux qu'elle côtoie rien n'est donné, rien n'est simple et que ce sont souvent grâce à des instants hors du temps qui surgissent brusquement au sein d'une réalité banale, des instants suspendus qui nous saisissent par leur lumière, qui nous fascinent et éclairent, bouleversent , magnifient nos vies de l'intérieur que nous finissons par trouver une certain apaisement.
Et arrivée au mitan de sa vie :
«... Elle ne rêve plus d'une autre famille, elle ne souhaite plus un autre passé que celui qui est le sien, tout semé de trébuchements et de déconvenues, de pertes et de renoncements soit-il, et jalonné de deuils. Elle n'éprouve ni regrets ni rancoeurs, elle a eu son lot de joies et de plaisirs aussi, ses jours d'allégresse, ses heures d'exultation, elle a vécu selon ses goûts et ses désirs, en liberté. Elle accepte de payer le prix de cette liberté, laquelle a parfois ressemblé à de l'indécision et à du faux fuyant, d'autres fois à des choix résolus. La liberté, comme l'amour, a un coût, celui de l'intranquillité, ni l'un ni l'autre ne sont jamais acquis.»
«Elle n'est plus dans l'urgence, elle s'est posée dans le flux du temps.....

mais, «.... la petite fille clandestine toujours tapie dans un recoin de son être refuse, elle de déposer les armes, refuse de descendre de la balançoire lancée à la volée sous la voûte d'un marronnier en fleur criblée d'insectes et de flammèches de soleil» celle que personne ne peut lui enlever qui conserve en elle la beauté entrevue, cette beauté qui fait qu'aucune vie n'est banale même si aux yeux des autres elle le parait.

C'est un très beau livre que celui-là, sobre et en même temps d'une richesse somptueuse, un bouquet éclatant d'odeurs, de couleurs et d'émotions.
«Des anémones, des roses aux paupières diaphanes, des iris infusés de bleu et de violet, des renoncules jaune soleil.»
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Lili se remémore les jeux avec sa grand-mère quand elle était enfant… elle vit avec son père, sa mère Fanny est partie quand elle était toute petite et elle n'a aucun souvenir d'elle.
Un jour, elle apprend Fanny s'est noyée en mer, elle essaie de s'envoler sur sa balançoire pour la rejoindre au Ciel.
Ses compagnons d'enfance sont les oiseaux de la volière, à côté. Elle les connait tous, reconnait leurs chants, le temps s'écoule paisiblement. Un jour, son père agrandit la famille car il a rencontré Viviane dont il est tombé très amoureux. Viviane a une fille Jeanne Joy qu'elle a eu d'une première rencontre, un fils Paul et deux jumelles nées d'une relation avec un troisième homme.
On change tout dans la maison, l'intimité relative avec son père disparaît. Il y a désormais une chambre pour Paul, une chambre pour le couple et autre pièce avec un lit à baldaquin pour Jeanne Joy, deux lits superposés pour les jumelles et un divan pour Lili qui se sent de plus en plus seule parmi tout ce monde, mise à l'écart.
Le premier jour d'école, l'institutrice fait l'appel et elle entend Barbara… elle pense « tiens une autre petite fille porte le même nom de famille que moi », mais non, Lili apprend ce jour-là que son vrai prénom est Barbara, c'est celui que sa mère a choisi mais voilà son père n'aimait pas ce prénom et l'a appelé Lili pour Liliane) sans avoir jugé bon de le lui dire. En fait, on lui a volé son identité purement et simplement..
On assiste à l'évolution des cinq enfants et du couple, ainsi qu'à toutes les petites scènes qui semblent anodines mais vont marquer chacun de façon indélébile, ce que je vous laisse découvrir.

Ce que j'en pense :

Lili Barbara (je lui choisis ce prénom-là), est une petite fille très attachante, à laquelle on a tendance à s'identifier car elle nous rappelle des souvenirs. Elle est secrète, hypersensible à la moindre intonation dans les mots comme dans les actes, mais elle ne dit rien, elle encaisse tout, du moins en apparence.
Elle est à la recherche de sa mère : comment celle-ci a-t-elle pu l'abandonner ? ne pas vouloir d'elle. Elle ne méritait pas son amour ? Elle a compté pour quelqu'un dans sa vie : sa grand-mère qui lui a donné tout son amour, par les mots, les gestes (cf. la scène de la confiture).
La grand-mère meurt pendant que Lili est en vacances chez elle et c'est son premier contact avec la mort. Elle devine sans trop comprendre. Où est la grand-mère ? Au ciel ? Elle n'y croit plus... Une fois de plus, le questionnement dans sa tête, comme pour sa mère.
Quelque chose s'est produit, un mur protecteur s'est effondré, mais encore une fois, elle ne dit rien de sa peine ni de ses interrogations.
Les jumelles, Christine et Chantal (feu follet l'a surnommé le père de Lili occupent toute la place.
Jeanne Joy (référence au parfum de Jean Patou) grandit, apprend le violoncelle avec application car elle n'est pas douée au départ, c'est à force de répéter qu'elle progresse. Elle-aussi, son père lui manque, pour se construire, pour pouvoir s'attacher à un homme , être amoureuse.
Paul est plus discret, mais provocateur : il fait une crise mystique à l'adolescence et veut devenir moine trappiste ce qui effraie sa mère car son père est de confession juive, donc elle le vit comme une trahison quelque part. « Paul, le fils posthume né avant mariage – conçu trop tôt, né trop tard »
On sent tout de suite que certains enfants sont préférés à d'autres de façon évidente. Lili comprend vite la place que Chantal occupe dans le coeur de son père : elle est sa préférée alors qu'elle, sa fille biologique, n'est rien ou si peu.
L'auteure pose aussi d'autres questions. Est-ce que la maternité vient toute seule en voyant le bébé pour la première fois ou est-ce qu'elle s'apprend, se construit jour après jour ? Qu'est-ce qu'une mère ? Qu'est-ce qu'un père ? Peut-on donner l'amour quand on n'en a pas reçu ?
Quelle est la place des enfants dans le couple ? On peut aimer un autre enfant plus que son enfant biologique car on est très amoureux de la mère de cet enfant alors qu'il y a eu peu d'amour avec la mère de son propre enfant.
Il y a peu de place pour Lili dans le coeur de son père car ce coeur a été occupé par Viviane, puis par son chien, compagnon de vie avec lequel il veut être enterré. Au risque de choquer je dirais que l'on pourrait presque parler d'abandon au sens moral, bien entendu, mais le résultat est le même.
L'écriture est magnifique : Sylvie Germain a un vocabulaire riche avec beaucoup de nuances, de variations dans les couleurs de la vie et des choses. Tout est précis, net alors que les mots nous enveloppent de mots subtils. le ruisselet a fait tinter son eau dans l'esprit du rêveur, il a empli sa bouche de volupté et de fraicheur, éclaboussé sa raison de goutes de feu, de mots simples, d'étonnement simple. Au matin, Paul était un enfant, hors d'âge. Il était à son tour une page, très ancienne, effacée, toute neuve, un palimpseste nu, épiphanique. P 74
Le thème est fort, profond et tout a été parfaitement étudié. Les personnages sont bien construits. Elle maitrise parfaitement le sujet. On perçoit toujours son amour pour la nature dont elle parle si bien.

Note : 8,5/10
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Jusqu'à l'âge de 5 ans, la petite Lili vit seule avec son papa, sa mère n'étant qu'un visage sur une vieille photo en noir et blanc. Et puis, le père rencontre la belle Vivianne, déjà mère de quatre enfants, et l'épouse. Par cette union se crée une nouvelle famille dans laquelle Lili peine à trouver sa place. Elle n'est plus enfant unique, elle doit partager son père avec les enfants de Vivianne. Au fil du temps, cette famille recomposée se transforme, se recompose, se décompose. Lili grandit, s'étourdit en mai 68, rejoint un groupe de hippies. Et le temps passant, Lili continue à chercher sa place dans le monde et dans le coeur de son père. Elle apprend à faire avec la vie qui n'est jamais un long fleuve tranquille.


Des éclats de vie, ciselés comme des éclats de diamant, racontés dans une langue superbe, une héroïne touchante dont on partage le désarroi, une famille -moderne pour l'époque- qui traverse joies et peines et se transforme au gré des évènements…Sylvie GERMAIN nous livre une pépite qui interroge sur l'enfance, la fratrie, la famille et les sentiments. Roman d'apprentissage, ces Petites scènes capitales décrivent le parcours de Lili, fillette en souffrance, qui deviendra Barbara, une femme apaisée, même si elle n'a pas trouvé toutes les réponses à son questionnement existentiel. Un destin ordinaire racontée par une plume extraordinaire!
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C'est une petite fille qui ne sait pas qui elle est.
Une petite fille aux deux prénoms, dont l'un ne s'utilise jamais, et dont elle ne sait rien, de même que cette unique image de mère, absente, disparue, ignorée, jamais racontée.
Représente-t-elle une erreur, d'être née, d'être seule, d'être oubliée? Une ignorance et une incompréhension qui créent doutes et manque de confiance jusqu'à l'âge adulte.

Elevée dans une fratrie de famille recomposée, elle s'y sent un peu canard boiteux. "Le territoire affectif" est un combat de rivalités mené par les enfants, mais reste, malgré tout, un havre de paix familiale et de sécurité. La quiétude et le bonheur n'oublient pas complètement Lily "la discrète", mais elle reste à la lisière des choses, comme effacée.
Elle observe et réfléchit sur les petites scènes du quotidien, ces petits riens qui rident l'harmonie, jusqu'à la brisure d'une famille désertée de la joie d'être et de vivre ensemble. La tempête se lève sur l'échiquier bien ordonné, dont les pièces tombent peu à peu.
Lili-Barbara va se raconter entre joies et peines, jusqu'à sa sérénité de femme mûre, enfin "construite" et apaisée.

L'écriture de Sylvie Germain est magique, visuelle, lyrique, avec des tournures de phrases de grande beauté. Elle joue des mots avec talent, les assemble avec bonheur. Je m'en suis délectée.
Elle offre un roman d'apprentissage, aux questions ouvertes sur la vie, la mort, l'absence, la religion. Une réflexion sur l'amour sous toutes ses formes en dépit des drames, sur cette donnée fondamentale qui construit un individu dès le plus jeune âge.
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Histoire d'une femme, de l'enfance à la vieillesse, de l'après-guerre aux années 2000. Petite fille abandonnée très jeune par sa maman, Lili/Barbara a d'abord vécu seule avec son père, puis avec la nouvelle femme de celui-ci et ses quatre enfants. Lili n'a jamais su trouver sa place parmi eux. Elle n'était pas maltraitée, non, elle se sentait "seulement" (mais c'est déjà beaucoup) mal-aimée et négligée par son père - un homme bon et sensible pourtant - au profit des trois autres filles de la maison. Elle est restée une enfant secrète et observatrice au milieu des événements et des drames qui ont marqué cette famille.

Encore une fois, j'admire le talent de l'auteur pour condenser de manière limpide et poétique, touchante et pertinente autant de destins, pour camper des personnages à la fois convaincants et allégoriques (cf. notamment les métiers que chacun choisira). Malgré le réalisme des situations, on se sent toujours à la frontière d'un conte à la lecture de ses ouvrages.

On retrouve ici des thèmes récurrents dans son oeuvre, toujours évoqués avec justesse, sensibilité et pertinence : la maternité, le couple, l'identité, le poids de la famille et des erreurs parentales, l'absolue nécessité de s'en libérer. Thèmes qui imprègnent également les textes de Véronique Ovaldé.

Ces "petites scènes capitales" m'ont souvent charmée - beaucoup de passages 'coup de coeur'. Mais je m'y suis parfois ennuyée, peu réceptive cette fois aux intermèdes lyriques et contemplatifs qui me séduisent généralement chez Sylvie Germain.
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Sylvie Germain écrit comme on retourne la terre : lentement, méticuleusement, elle casse la croûte des apparences pour révéler ce qu'il y a de vivant en dessous, de prêt à être fécondé en dépit de la mort apparente.
Avec ses mots précis quelquefois précieux, de son écriture travaillée, un peu baroque, toujours jubilatoire en dépit des sentiments complexes et des intériorités souvent douloureuses qu'elle analyse avec acuité, elle dissèque l'âme humaine dans toute sa densité et son opacité.
Entre bien et mal, joies passagères et fulgurantes, souffrances latentes et courts bonheurs, c'est notre condition humaine qu'elle passe et repasse au crible à travers chacun de ses livres dans le cheminement qui est propre à chacun et peut le conduire à un possible consentement à sa vie.
Comment survivre malgré la disparition d'une mère, puis la dislocation de la famille dans laquelle on vit, comment survivre en dépit de la relative indifférence d'un père qui semble ne prêter aucune attention à son enfant, comment survivre quand on ne sait pas qui on est et qu'on n'existe dans le regard de personne, l'art peut-il nous aider à nous libérer, tels sont -entre autres !- les thèmes de ce roman très riche.
Un peu mystique, un peu philosophique, toujours profondément humaine, l'écriture de Sylvie Germain nous ouvre à nous-mêmes à travers les autres, nous faisant entrevoir des possibilités de dépasser la souffrance et le mal.
Qui a dit que philo et fiction ne faisaient pas bon ménage ?
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Barbara, dite Liliane, dite Lili est une enfant sans mère. Celle-ci a disparu en mer après avoir disparu de la vie de sa fille. « Et si l'erreur, c'était elle, tout simplement ? du seul fait d'être née, a-t-elle donc commis une faute, une gaffe ? Est-elle responsable de la fuite de sa mère ? » (p. 29) Cette absence douloureuse à plus d'un titre, Lili la porte en silence, désespérant que son père l'aime pour deux, qu'il l'aime plus fort et davantage que les enfants de sa seconde épouse. Mais Lili passe dans la vie sans émouvoir suffisamment les êtres pour qu'ils aient envie de la retenir. Opiniâtrement, elle est en quête de l'amour, quelle que soit sa forme et quel que soit son émetteur. « La liberté, comme l'amour a un coût, celui de l'intranquillité, ni l'un ni l'autre ne sont jamais acquis. » (p. 204) Sera-t-elle un jour heureuse, Lili ? Sera-t-elle un jour enfin sereine ?

Les chapitres sont très courts et ressemblent à des instantanés, des photos que l'on prend au bord du gouffre. Quant à l'oxymore qui compose le titre, il renvoie aux moments anodins qui marquent les enfants parce qu'ils sont des premières fois, des traumatismes, des découvertes ou des éblouissements. « Les petits riens ne sont jamais insignifiants, la beauté foisonne dans l'infime. » (p. 85) Et, quel que soit l'âge de celui qui les vit, ces instants-là sont uniques et ne reviennent jamais à l'identique, à l'instar des multiples morts qui jalonnent la vie de Lili. C'est toujours le même fait, la brusque et éternelle rupture du souffle vital, mais ce n'est jamais la même personne. Et, à y bien regarder, toute la vie de Lili semble composée d'instants qui précèdent la mort, ce qui les rend uniques et les figent à jamais comme la représentation de ce qui est avant la disparition. « Mais qu'il surgisse sans crier gare, ou qu'il s'en vienne à pas menus, tout deuil ouvre des failles qui n'en finissent pas de serpenter sous la peau, d'interrompre les pensées soudain saisies de bouffées d'idioties. » (p. 130) Enfin, les petites scènes capitales, ce sont surtout les morts, capitales s'entendant au sens de la peine dont on ne se relève jamais.

Petites scènes capitales m'a rappelé La chanson des mal-aimants, mais il y manque la pointe de magie qui m'enchante tellement dans les romans de Sylvie Germain. Ce roman reste un très beau texte qui vibre de la plume forte et poétique de l'auteure.
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C'est qui sur la photo ? demande grand-mère, c'est moi répond la fillette toute fière. Cependant ce qui intéresse Lili, c'est la dame qui la tient dans ses bras, une maman inconnue partie alors qu'elle n'était qu'un bébé.
Pourquoi ne faut-il pas en parler ?
Lili est élevée par son père dans une maison située en face d'une ménagerie d'où elle entend le cri des animaux et le chant des oiseaux qu'elle aime écouter.
Lors de sa première journée d'école, lorsque la maîtresse fait l'appel, la fillette ne répond pas, si elle reconnait son nom, qui est cette Barbara ?
Son père lui apprendra que c'est son véritable prénom, mais on ne l'utilise pas, « c'était une erreur » dit-il pour toute explication.
La vie de l'enfant sera bouleversée lorsque son père épousera la belle Viviane déjà mère de quatre enfants nés de ses précédents maris et amants.
Lili tentera de creuser son trou dans cette nouvelle vie.
En « petites scènes capitales » Sylvie Germain brosse le portrait de l'enfant Lili qui au fil des années la transformeront en Barbara, une femme qui peine à trouver ses marques.
Sylvie Germain avec une écriture fluide et pleine de sensibilité dresse le tableau d'une vie.

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