Habiter en écriture :
Marcelline Roux,
Frédérique Germanaud - éditions Rhubarbe 2021
Quand deux autrices entretiennent une correspondance, leurs lettres acquièrent un statut littéraire et deviennent un livre dont le titre Habiter en écriture parle des liens entre espace et écriture. Dans de précédents livres, l'une comme l'autre ont déjà évoqué leurs maisons, leurs jardins et leurs processus de création. Elles vont donc poursuivre cette exploration et y adjoindre d'autres maisons, d'autres écrivains. Une double résidence à Vézelay dans la maison de
Jules Roy clôturera l'ouvrage.
Deux styles, l'une ordonnée et d'humeur joyeuse, menant de front profession de bibliothécaire et création littéraire, l'autre davantage pagaille et ayant tenté l'aventure d'une vie consacrée à l'art. Les deux sérieuses dès qu'il s'agit d'écrire et curieuses d'ouvrir leur projet à d'autres auteurs, vivants et morts.
L'art épistolaire nous renvoie à
la marquiseDe Sévigné, à
Georges Sand,
Flaubert,
Anaïs Nin… la liste est longue de ces échanges toujours fructueux et passionnés. Car écrire une lettre c'est envoyer ses pensées à l'autre, se dévoiler, justifier ses choix, réfléchir en complicité. Dans Habiter en écriture nous sommes loin d'un échange épistolaire classique : ce sont des lettres de travailleuses à la fois penchées sur leur manuscrit et vivant leurs vies d'autrices avec tout ce que cela comporte de déplacements, de paperasse administrative, de préparation d'ateliers, tâches périphériques, parfois ingrates mais économiquement nécessaires.
Qu'est-ce qu'un lecteur cherche dans une correspondance ? Se regarde-t-il dans les pages d'un autre comme dans un miroir? Est-ce la curiosité qui le pousse à étudier les relations personnelles entre les épistoliers ? Quel secret espère-t-il découvrir ? Que cherche-t-on dans la bibliothèque ou la cuisine d'un auteur ? Des preuves ? Habiter en écriture c'est considérer sans doute l'écriture comme un pays rêvé, idéalisé. Pour
Frédérique Germanaud et
Marcelline Roux, c'est au contraire un pays vaste, mais bien concret, dans lequel les conditions matérielles tiennent une place importante.
Les maisons d'écrivains qui servent de prétexte à l'ouvrage sont des petites bornes dans l'exploration littéraire qu'elles ont l'une et l'autre entreprise. Que les lieux soient modestes ou somptueux, les lieux de littérature ne sont que la partie émergée de l'écriture. La maison de l'écrivain c'est l'écriture. Elle n'a pas de murs autres que les mots et les lignes qui bâtissent au jour le jour le livre.
Marcelline Roux et
Frédérique Germanaud nous prennent par la main. On se balade, on imagine, on crée avec elles. On partage les escapades autour de Vézelay, on visite le cimetière, les bois et la campagne, on croise quelques morts célèbres et des amis bien vivants. Toute cette récolte aboutit à construire un ouvrage atypique qui respire la joie de vivre en écriture.