Qui est
Johan Cruyff ? le Néerlandais a d'abord été un joueur d'exception, avec le grand Ajax Amsterdam triple vainqueur de la Ligue des Champions 1971-72-73, puis avec le FC Barcelone qu'il a mené au titre de champion d'Espagne en 1974. A la Coupe du Monde 1974, dieu ailé et cheveux au vent, il a laissé pour toujours le souvenir d'une Hollande apollinienne tout d'orange vêtue malgré sa défaite en finale face à l'Allemagne (2-1). Bien loin de ternir l'éclat de son talent, ce revers a perpétué le mythe du football romantique dont Johan serait le héros éternel.
Vers 1973-1974, toute une génération s'est prise d'admiration pour ce beau brun élancé à la grâce féline, au regard d'aigle et au légendaire numéro 14 au dos. Joueur sublime aux allures de rock star et de vedette de ciné, on ne pouvait qu'être fan.
Autre dimension à l'avantage de Johan : il a été aussi ensuite un entraineur d'exception avec le Barça des années 90. Coach de la fameuse Dream Team, il est parvenu à offrir à toute la Catalogne sa première Ligue des Champions en 1992. Dépositaire du fameux Football Total qu'il avait co-inventé à l'Ajax avec son mentor Rinus Michels dans les années 70, le FC Barcelone de "coach Johan" a offert au monde entier un football spectaculaire, offensif et chatoyant. Enfin, la troisième dimension qui le rend si "unique" en comparaison de ses pairs découle de son oeuvre avec la Dream Team.
Son Barça est devenu la matrice du futur foot espagnol hégémonique de ces dernières années (deux Euros 2008 et 2012, ainsi que la Coupe du Monde 2010). Ancien capitaine de la Dream Team, Pep Guardiola est devenu l'entraineur à succès du club catalan, principal pourvoyeur de la sélection espagnole. Or, Guardiola est le fils spirituel de Cruyff, auprès duquel il a appris tous les préceptes du Football Total.
Johan Cruyff, joueur d'exception, entraineur d'exception et inspirateur d'exception : qui dit mieux ? Pas Pelé. Ni Diego, ni Alfredo et ni Michel...
Et puis il y a l'icône : charismatique, élégant à la ville comme sur le terrain, 100 % photogénique en Ray Ban et chaînes en or. J'ai redécouvert à quel point ce rebelle fut l'un des dynamiteurs de la vieille société hollandaise des sixties. Contestataire des codes sociaux établis, le kid du ballon rond était animé de la même effronterie rock'n'roll que celle des Beatles (qu'il vénère toujours) et des Stones et qui bousculaient, eux, l'Angleterre du Swingin' London. Tel le fantasque
George Best, Johan s'habillait pop et semblait jouer sur le même beat que les Fab Four et les Pierres qui roulent. En compulsant archives et témoignages, j'ai pu reconstituer l'enfance d'un surdoué du dribble marqué par la mort précoce de son père à 12 ans. Sûr de lui et de sa destinée dès son plus jeune âge, il déployait déjà sa tchatche intarissable de futur chef qui a (presque) toujours raison...
Viendront ensuite les buts à la pelle, les cigarettes fumées à la chaine (même à la mi-temps des matchs !), les titres, les distinctions, les trois Ballons d'Or, l'apparition de son curieux numéro 14, l'Ajax puis le Barça et la légendaire Hollande 1974.
Johan se réinventa dans les années 80 en entraineur visionnaire en retournant d'abord à l'Ajax où il fit éclore les van Basten, Rijkaard, Bergkamp, puis en allant conquérir la gloire au FC Barcelone.
Mais comme souvent avec les génies, leur flamboyance abrite une facette plus sombre qui entame le mythe. Seigneur assumé de la caste du ballon rond parvenu à son sommet, il affirmait à haute voix dans les années 70 : "Je ne pense pas qu'un jour les gens ne sauront pas de qui il est question lorsqu'ils entendront le nom de Cruyff"... On parle là du "despote Cruyff », Johan 1er, chef de meute césarien imposant son imperium écrasant sur ses dirigeants, ses coéquipiers (Johnny Rep, Jan van Beveren), ses entraineurs (certains), ainsi que sur les journalistes qu'il ravalait au rang de courtisans dévoués à sa grandeur.
Dominateur, manipulateur, égocentrique, colérique, rancunier... Sa personnalité ultra conflictuelle et impitoyable a souvent eu raison de ceux qui avaient osé bravé son leadership. La brutalité de sa "Révolution de velours" quand il revint comme conseiller sportif à l'Ajax de 2010 à 2012 décima une bonne partie de l'équipe dirigeante ! Narrée dans le détail, la longue guerre atomique qu'il a déclarée à Louis van Gaal est demeurée homérique aux Pays-Bas.
Johan Cruyff c'est aussi le money wolf (le "loup assoiffé d'argent"), réputé pour son âpreté au gain quasi pathologique...
Tel est
Johan Cruyff, génie controversé qui suscite encore des sentiments contrastés parmi ses compatriotes néerlandais.
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