Roman autobiographique d'
André Gide commençant à sa naissance en 1869 et finissant à ses fiançailles avec sa cousine.
L'enfance de
Gide est celle d'un grand bourgeois élevé dans la rigueur protestante. Il a peu d'amis mais reste très entouré par sa mère ou sa gouvernante (Anna). L'enfant se révèle nerveux et hypersensible. Son éducation se fait en dents de scie. Chaque personne rencontrée dans cette biographie est traitée comme un personnage de roman et
Gide détaille la vie de ceux qui eurent de l'importance pour la sienne: Anna Shackelton, sa gouvernante, ses parents (mère de Normandie, père du Midi) et plus tard ses amis, poètes et écrivains dont bon nombre sont des célébrités: Heredia, Mallarmé, Wilde... pour ne citer qu'eux.
Une première partie -la plus longue- insiste sur la formation de son goût pour la littérature et la musique, goût teinté de mysticisme, sur ses amitiés (selon lui toujours profondes) avec Pierre Louÿs par exemple, ses déboires: mort de son père et mainmise de sa mère, omniprésente même entre les lignes. Certains passages ne vont pas sans évoquer Les nourritures terrestres, tant ils sont empreints de prose poétique d'un lyrisme un peu désuet, ainsi à propos d'une promenade avec sa cousine:
"Eblouissement pur, puisse ton souvenir, à l'heure de la mort, vaincre l'ombre! Mon âme, que de fois, par l'ardeur du milieu du jour, s'est rafraîchie dans ta rosée." (211)
La deuxième partie concerne son premier voyage en Algérie et sa découverte de l'homosexualité (voire de sa pédophilie car ses amants n'ont guère que 14 ans). Bien sûr
Gide transpose ses actes en esthète gavé de littérature grecque. Il explique longuement que l'acte sexuel, chez lui, se sépare de l'amour (pour sa cousine) plus métaphysique. Il sépare l'âme du corps, ce qui lui évite bien des problèmes. D'un côté il y a la vie sexuelle débridée et de l'autre l'amour platonique d'un mariage qui - si je ne m'abuse - ne sera pas consommé. Lors de son second voyage, il y rencontre Wilde (qui lui assumait tout, non sans difficultés) en compagnie de Lord Alfred Douglas qui lui valut un procès retentissant.
A la fin, à la mort de sa mère,
Gide n'éprouve pas de tristesse pour sa disparition:
"Je m'attristais de voir souffrir ma mère mais pas beaucoup de la quitter." (366)
Ses efforts de sincérité sont louables et l'on pense aux Confessions de Rousseau, mais que de précautions oratoires! que de circonlocutions! Il met un temps infini avant de dire les choses à tel point qu'il s'en rend compte lui-même:
"Pourquoi je raconte tout cela? Oh! simplement pour retarder ce qui va suivre. Je sais que cela n'a pas d'intérêt." (296)
le style, de facture très classique, a parfois tendance à enfler vers le lyrisme (précédemment cité) et on en ressort un peu gavé de subjonctifs imparfaits, de conditionnels passés deuxième forme et de passés antérieurs. Mais un agacement m'a pris à lire la vie de
Gide - ce qui n'enlève en rien ses qualités littéraires ni son apport pour la littérature française mais qui doit participer de ma révolte constante contre cette bourgeoisie oisive quoique encore cultivée à cette époque - car franchement, il ne s'est pas réellement posé de problèmes matériels: ce qu'il a voulu faire, il l'a fait et l'argent n'était pas un souci. le propos est un brin nombriliste mais sa préciosité implique un vocabulaire foisonnant et choisi, une syntaxe grammaticalement impeccable.