Ce petit roman de
Gide, écrit sous forme de récit à la première personne, se lit vite et sans ennui.
Son style est de haut vol, comme souvent chez l'auteur, mais pas trop pompeux, comme on pourrait de temps à autres lui en faire le reproche. le style est, à mon sens, le principal point fort de l'ouvrage car le scénario est un peu brimbalant et parfois téléphoné voire facile.
André Gide revisite le mythe de l'enfant sauvage que l'on éveille peu à peu à la civilisation et qui se révèle finalement pétri de sensibilité interne contrairement à ce que les rudes manières pouvaient laisser entrevoir de prime abord.
L'auteur multiplie les artifices et les cas limites en faisant de la jeune fille une aveugle et de son précepteur un pasteur.
À ce stade, l'éveil de la jeune fille est prévisible et visible comme le nez au milieu de la figure, mais en plus, une espèce d'amourette à deux sous vient se greffer dans le coeur noble et franc du preux chevalier pasteur, sans même qu'il s'en rende compte.
Ici, on a envie de crier " N'en jette plus André ! ", mais comme si cela n'était pas suffisant, le propre fils du pasteur tombe lui-même amoureux de la jeune aveugle.
Humm ! miam ! miam !
Gide fait grincer les violons à pleins tubes dans le registre de l'amour impossible, de la rivalité père-fils et au comble de l'invraisemblance et de la guimauve, on nous assène une possibilité d'opération qui pourrait rendre la vue à Gertrude. (Disons qu'à partir de là en ce qui me concerne la limite de l'indigeste est franchie depuis longtemps et seule la longueur restreinte du livre m'incite à aller au bout.)
Chose dite chose faite, notre Gertrude retrouve la vue et comme
Gide est réfractaire aux happy-ends et qu'il se dit qu'il a déjà épuisé sa ration de sucré et qu'il craint La Dysenterie Post-orale (pardonnez-moi encore ce calembour vaseux), il s'arrange pour faire absolument capoter l'histoire à la fin afin qu'il y ait une belle mort tragique digne du théâtre antique.
Je vous avoue que (toujours de mon point de vue, par ailleurs critiquable sous tous angles) cette histoire vaut plus pour la façon dont elle est écrite que pour le brio sans pareil et l'imagination diabolique du scénario, qui pourrait parfois faire rire alors que ce ne semble manifestement pas être l'objectif premier de l'auteur.
Quelque chose dans ce roman me rappelle le film La Nuit du Chasseur avec Robert Mitchum. Une oeuvre soi-disant mythique mais qui a tellement vieilli, qui est tellement téléphonée et bateau qu'elle en devient drôle au second degré, mais bien sûr, tout cela n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.