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EAN : 9782915018363
185 pages
Quidam (10/09/2009)
3.71/5   19 notes
Résumé :
Un homme sauvage, jeteur de sorts, venu d’un nulle part archaïque et terrifiant, s’installe à Cluquet, petit village pris entre l’océan et une forêt tout aussi immense. On l’y craint comme on profite de ses dons, jusqu’à ce que la guerre l’emporte comme des millions d’autres. Mais ce révolté dans l’âme a-t-il tout à fait disparu ?

Audric, son arrière-petit-fils, éprouve d’énormes difficultés à assumer cette ascendance pesante, dans un hameau désormais... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Audric, qui a été musicien dans un groupe de rock et plus tard un chercheur en histoire au talent prometteur, a abandonné le monde trop étriqué de l'université pour se retirer dans l'ancien hameau de Cluquet, perdu au bout d'un chemin entre la forêt majestueuse des Landes et les rouleaux bleutés de l'océan. Sur ce territoire familial, il tente, un peu perdu, de déchiffrer l'énigme de la vie de son arrière-grand-père Élébotham Gueudespin et d'en assumer dignement l'héritage, transmis par une lignée paternelle d'hommes rebelles et hors normes, son grand-père aviateur lunatique et son père, un surfeur de légende.

«Ma famille est issue d'un nulle part archaïque, violent et fantasmatique.»

L'histoire racontée par Audric débute le 2 décembre 1905, lorsqu'Élébotham, personnage énigmatique, tueur, guérisseur, sorcier redoutable aux yeux vairons, commence le périple qui va l'amener à prendre possession de ce lieu hostile et sublime, où il va construire sa maison au sommet de la dune face au bois du Loup gris.

«Qui était ce colosse au visage juvénile, dont les cheveux drus d'une noirceur intimidante s'échappaient en vagues puissantes de ce bonnet étrange ? Un moine, un brigand, un troubadour, un tentateur, un bienfaiteur ? Il était insaisissable, et lui seul pouvait juger du ravin sans fond qui désormais le séparait de tous.»

Alors que le temps qui passe a vidé et réduit le hameau à l'état de ruines, que la maison des Gueudespin est restée seule au sommet de la dune, Audric, dernier habitant de Cluquet fragilisé par un héritage trop lourd et par le délitement du monde, cherche à comprendre le sens de la magie de son aïeul, et à suivre le parcours à travers le temps d'une lignée de rebelles méconnus.

Dans ce deuxième roman, paru en 2009 chez Quidam éditeur, Jérôme Lafargue fait osciller son lecteur entre l'envie de croire de l'enfant et les brumes déroutantes de l'incertitude, sur les traces de ce narrateur qui est peut-être fou, dépressif ou sorcier à son tour, mais il captive, comme toujours, à la croisée du réel, des rêves et du fantastique.

«Elébotham se sentait bien plus qu'un homme : ses yeux de tueur et sa sérénité d'elfe sauvage faisaient de lui un hybride dans un monde qui ne restituait guère plus que des épaves en guise d'individus.
En d'autres temps, il aurait été poursuivi, bafoué, emprisonné sans doute. […] Mais nous parlons là de temps anciens, de temps obscurs et inquiets. le modernisme s'annonçait à présent à grands roulements de tambour, les machines envahissaient les usines mais aussi les campagnes dans une java anarchique et indistincte, où les fortunes se bâtissaient aussi vite que les pauvres perdaient leurs derniers biens. Plus que jamais, les vilains se faufilaient à travers les mailles des filets usés d'une maréchaussée débordée et encore dubitative sur les moyens qui lui étaient alloués. Ainsi Elébotham pouvait-il cheminer à sa guise.»
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« Dans les ombres sylvestres » est un roman qui allie la quête de l'identité familiale et géographique et l'entrée dans un monde où le merveilleux côtoie l'ultra réalisme. L'auteur y fait la preuve de sa connaissance de la botanique et des phénomènes climatiques de la région des Landes (dont il est originaire), mêle remarque pertinentes sur le monde conservateur de l'université et de la recherche et travaux historiques dans l'ancienne colonie du Dahomey. Tout est vrai. Ou presque.

Car les personnages, soi-disant inventés (d'Arthur Desprez et de Seamus Mc Kinley, par exemple) existent bel et bien, on les trouve sur Google, mais sans aucun rapport avec le livre, Les apparitions de Napoléon, Ney, Charcot, Félix Faure, semblent apporter une sorte de caution historique au récit. Mais nous sommes embarqués dans un monde mythique, où la fureur de l'océan le dispute à la toute-puissance de la forêt landaise, magnifiquement évoquée dans une sorte d'anthropomorphisme terrifiant. Les puissances naturelles semblent lutter, s'allier, pour mieux nous emporter dans un maelström où l'homme tente de trouver sa place et d'établir sa puissance, via les pratiques occultes d'une famille hors-norme.

le narrateur, Audric Gueudespin (vous imaginez un nom pareil?!) est en quête de l'histoire de ses ancêtres, entre pratiques de sorcellerie et proclamations libertaires dénonçant notre fichue société capitaliste. Sa famille a toujours vécu dans le lieu-dit Cluquet, proche du Bois du Loup Gris, deux espaces auxquels ses ancêtres et lui-même voue un attachement indéfectible et qui vont jouer un rôle essentiel.

Est-ce un pamphlet politique, un roman mystique, une réflexion sur la puissance de la Nature ? Un travail psychanalytique ? Un peu de tout cela et encore beaucoup plus, tant est belle et évocatoire la langue de l'auteur, tant on se laisse séduire et emporter par les images de cette nature qui devient un personnage à part entière. Nous enrichissons notre vocabulaire des mots propres au travail des gemmeurs qui récoltent la sève des pins et mènent des luttes syndicales, découvrons les marais, les dunes, le milieu du surf au bord de l'Atlantique et un bon nombre de noms de plantes parmi lesquels on adore le liquidambar (ce n'est pas une blague, cela existe vraiment).

Mais...au bout du compte, et après une ultime pirouette qui ressemble à un atterrissage forcé : l'auteur ne se joue-t-il pas un tout petit peu de nous ? Ou bien a-t-il poussé l'histoire si loin qu'il n'a pas trouvé d'autre issue ?

En tout état de cause, « Dans les ombres sylvestres » laissent un goût un peu étrange mais tenace dans la tête, entre angoisse et délice. Une belle aventure dont on voudrait connaître la suite...
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Magnifique livre de Jérôme Lafargue. J'avais énormément aimé "l'ami Butler" son précédent mais celui-ci a dépassé mes espérances.

"Un homme sauvage, jeteur de sorts, venu d'un nulle part archaïque et terrifiant, s'installe à Cluquet, petit village pris entre l'océan et une forêt tout aussi immense. On l'y craint comme on profite de ses dons, jusqu'à ce que la guerre l'emporte comme des millions d'autres. Mais ce révolté dans l'âme a-t-il tout à fait disparu ?
Audric, son arrière-petit-fils, éprouve d'énormes difficultés à assumer cette ascendance pesante, dans un hameau désormais abandonné par la faute de son aïeul et de sa magie funèbre, mais qu'il ne peut lui-même se résoudre à quitter. N'est-il qu'un fétu de paille ballotté par l'histoire sombre de sa famille ? Ou quelqu'un d'encore plus inquiétant, esprit insurgé porteur d'un destin qui le dépasse ?"

J'ai été particulièrement touchée par les passages décrivant la forêt, tel un être vivant, dont on sent le coeur battre, vivant et inquiétant tout à la fois. Très touchée également par le style de Jérôme Lafargue et désormais, j'attends avec impatience son prochain roman.

Petite note pour l'éditeur, Quidam, que j'aime beaucoup. Les livres sont de très belle facture et les choix éditoriaux ne m'ont pour le moment jamais déçus.
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« Dans les ombres sylvestres », c'est d'abord une forêt, une dune, un océan. C'est la nature ancestrale, solide, englobante et mystérieuse. Et belle bien sûr, si belle… si attirante que depuis cette lecture, je rêve de ces Landes dans lesquelles je n'ai jamais mis les pieds…

« Dans les ombres sylvestres », c'est la complexité humaine, ce dualisme intrinsèque à chaque être humain, cette cohabitation de ce que l'on appelle le bien et le mal. C'est plus simplement le foutoir de la vie et du monde, ce côtoiement parfois si rude et incompréhensible du beau et du bon avec les pires horreurs.

Et puis « Dans les ombres sylvestres » c'est un sacré livre d'ambiance comme j'aime à les nommer. de ceux qui, par leurs mots, parviennent à me plonger corps et âme dans un autre espace-temps et qui me font physiquement ressentir sensations et émotions. de ceux qui, à l'instar du « Portique du front de mer » de Manuel Candré ou de « Pas Liev » de Philippe Annocque, ont cette capacité à m'entraîner dans leur univers où je me sens flotter… ou plutôt forcée à flotter/lâcher-prise face à une certaine incompréhension, un certain mystère : puisque ma tête ne peut tout saisir, elle cède la place au corps et au coeur qui n'attendent que ça pour se laisser immerger, porter et envahir dans et par ces mondes parallèles.

Enfin, « Dans les ombres sylvestres » c'est une langue s'ajustant parfaitement à tout cela : belle, poétique et imagée, ensorcelante et envoutante.

« Dans les ombres sylvestres » est ce livre qui m'a tenu en haleine (Dieu que je n'aime pas devoir patienter que la vie ait fait son office pour reprendre ma lecture) et qui m'a instillé une sensation de malaise jusqu'à me suivre dans mes rêves. Ce livre dont j'ai dû me dire avec conviction qu'il s'agissait uniquement d'un roman tant il avait semé en moi ce goût d'étrangeté inquiétante.
Lien : https://emplumeor.wordpress...
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Ce livre transperce. Cette histoire retourne. Jérôme Lafargue parvient à livrer un roman dur, complet et bouleversant. Il frappe fort, tant par l'aspect réel que par l'aspect occulte et mystique. En refermant le livre, j'ai été saisie d'une émotion violente : l'auteur écrit ici un chef d'oeuvre. Et le style d'écriture est irréprochable.
Une perle de la littérature contemporaine, à lire urgemment.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je m'étonne encore de la rapidité avec laquelle notre histoire d'amour s'imposa : huit jours après ma rencontre avec Amelha, je l'invitai chez moi, elle accepta, et dans la semaine qui suivit, elle s'installa. Elle devait parcourir cinq fois par semaine les vingt-quatre kilomètres aller-retour qui la séparaient de sa petite librairie. Mais, courageuse et idéaliste, cela ne la gênait pas, et elle paraissait l'une des rares à n'être ni agacée ni intimidée par la voie en mauvais état qui de Cluquet rejoignait la grand-route. Pétillante, drôle, elle n'avait eu pourtant aucun mal à se faire à l'idée que j'étais un solitaire sans attaches, perturbé par un passé familial qui le dépassait. Elle m'aimait et cela lui suffisait.
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J’avais toujours considéré que Cluquet était un lieu destiné à être enseveli par l’oubli. Trop de rudesses, trop de malentendus. Mais me tromper à ce point… Cluquet, ce village qu’on rejoint en quittant la grand-route, empruntant au jugé un vaste champ en léger dévers, où chiendent et bruyère se mêlent aux crevasses et aux craquelures d’un sol épuisé, pour distinguer une trouée dans la forêt, s’y engager indécis et découvrir un chemin à peine goudronné envahi de touffes d’herbes : des kilomètres entre des pins centenaires, des chênes bien plus vieux encore, même des châtaigniers, qui tous se penchent sur vous avec une morgue insoutenable, une désinvolture teintée de menace qui donnent la chair de poule, qui poussent à la volte-face, invite que pourtant on feint d’ignorer, pour mieux poursuivre sur la voie de ce qui est déjà un mystère inquiétant. Avant qu’elles ne fussent détruites par mes soins, on débouchait autrefois sur des maisons costaudes qui se gîtaient contre le flanc de la colline de sable, ne s’approchant qu’à peine de la forêt, comme s’il fallait laisser des espaces neutres pour respirer. Mais quel défi que l’emplacement de la mienne, la dernière debout, à jamais ! Elle en revanche s’est toujours grandie sur la dune, seule dominante, comme une force naturelle et indestructible face à l’océan, dont les vagues inlassables se déploient dans une gigue hypnotique. Vient alors à l’esprit que tout ici est un, que la forêt traversée, cet ancien hameau perdu, cette dune, cette plage sans fin et ces rouleaux bleutés ne sont qu’une seule entité évidente, éternelle. Quoi d’autre que ce sentiment aurait pu m’aider à supporter l’impossible ?
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Il est difficile de se faire une place dans le monde lorsque l’on est l’arrière-petit-fils d’un occultiste aux pouvoirs effrayants, le petit-fils d’un aviateur lunatique et le fils d’un surfeur de légende. Je n’ai pourtant pas sombré dans la drogue, l’alcool ou la fainéantise, je suis même devenu un temps enseignant-chercheur à l’université avant de m’en éjecter misérablement : je ne pouvais supporter que mes pairs jugent risibles et farfelues certaines de mes hypothèses de recherche, et plutôt que le discrédit de salon j’optai pour le départ avec éclats, insultes et quelques coups et blessures au passage, fantaisie que l’institution me pardonna aisément dès lors que je maintiendrais mon serment de ne plus jamais foutre les pieds dans ce qui avait été mon éden quelques années durant. C’est alors que j’ai davantage apprécié les attraits de la drogue, de l’alcool et de la fainéantise, abordés avec le sérieux qu’il se doit dans la maison de mes ancêtres, réinvestie avec fatalisme. À l’approche de mes trente-deux ans, je me résignai à la liquéfaction au bruit des vagues géantes qui un jour sans doute viendraient avaler la demeure familiale et la poussière qui lui tenait lieu de mémoire.
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D’une poigne encore ferme, le vieux Gustave m’avait agrippé le bras. Allongé dans le pauvre lit de l’hospice où il s’éteindrait quelques heures plus tard, ses yeux aveugles cherchant ma présence au plus près de lui, il me dit alors ceci, d’une voix d’où toute trace de tremblement avait disparu :
– Tu sais, Audric, là où se nichent l’amertume et le renoncement, une promesse viendra toujours les en déloger.
Il toussa alors, puit se mit à rire.
– J’imagine ta trombine ! C’est pas moi qu’ai inventé ça, tu penses ! Mais c’est une belle phrase, et le plus important c’est que toi Audric tu es cette promesse, bien plus qu’Élébotham, et je parle même pas de ton grand-père et de ton père.
Je n’ai compris ses derniers mots que bien des années après sa mort, n’admettant l’impensable que le jour terrifiant où la colère fondit sur Cluquet, forteresse de sable, de bois et d’eau où nous perdîmes tant de choses que nos larmes coulaient directement sur nos os.
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P11 : là où se nichent l'amertume et le renoncement, une promesse viendra toujours les en déloger.
P16 : l'un (des yeux d'Elebotham, l'arrière-grand père) était du bleu-gris des rivières paisibles ; l'autre du noir des diableries les plus ahurissantes,
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Video de Jérôme Lafargue (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jérôme Lafargue
Jérôme Lafargue vous présente son ouvrage "L'année de l'hippocampe" aux éditions Quidam. http://www.mollat.com/livres/jerome-l... Notes de musique : Sonothèque - 1 Vagues
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