La guerre 40-45 me fascine.
Mais pas les batailles, non. C'est la vie quotidienne qui me pose question. La vie quotidienne face à cette lancinante intrusion dans les foyers, dans les familles. Essayer de ne pas avoir peur tout le temps. Trouver à manger pour ne pas que ses enfants meurent. Affronter le regard de l'ennemi au coin d'une rue et ne pas le provoquer. Et ces hommes et ces femmes juifs, toujours aux aguets, toujours talonnés par la peur immonde ...
La Résistance m'interpelle. Ces hommes et ces femmes qui sortent la nuit pour recueillir les paquets jetés par les avions. Qui s'organisent pour mettre des bâtons dans les roues de l'ennemi, au quotidien. Mais qui ne pensent pas aux représailles sur la population.
La violence inouïe de la division SS « Das Reich » me bouleverse. Les massacres de Tulle, d'Oradour-sur-Glane, entre autres, me révèlent toute l'horreur dont des hommes sont capables.
Et je m'interroge : pourquoi le fait de tuer de sang-froid, en regardant la personne dans les yeux, pourquoi crever le ventre d'une femme enceinte à coups de crosse, pourquoi abattre un enfant qui s'enfuit, pourquoi tout cela procure-t-il tant de jouissance chez certains êtres ?
« Le mystère Water Boehmer » parle de tout cela. Mais loin de m'émouvoir, ce livre m'a énervée, agacée.
Déjà la situation de départ me parait invraisemblable : un Allemand, un nazi ayant appartenu à cette fameuse division dont je viens de parler, a été gardé prisonnier jusqu'en 1975 dans la ferme d'un paysan du Gers, qui lui a fait croire que la guerre n'était pas finie et que les Américains contrôlaient la France. Terré dans sa cabane, il a été spolié de sa vie et mis à l'écart des innovations technologiques et de l'avancée du monde. Et puis il s'enfuit et se réfugie chez notre héros/narrateur : le journaliste Spencer Schullmann, fils d'un Américain d'ascendance allemande et juive ayant participé au débarquement et d'une Française, une Résistante. Il est fiancé à une juive, Rebecca.
Après l'arrivée de cet ancien nazi chez lui, le journaliste n'a plus qu'un seul but dans la vie : savoir si, oui ou non, Walter Boehmer a participé aux massacres de villageois, alors que sa division était en route vers la Normandie. Et le voilà parti dans les petits villages, en train de questionner les anciens...
Non, vraiment, je n'y ai pas cru une seconde.
Et la narration, le style, dans tout ça ? L'énumération excessive des caractéristiques de l'année 75, au début du roman, m'a donné l'impression que l'auteur avait constitué un catalogue et qu'il cochait au fur et à mesure chaque fait, chaque publicité, chaque marque, pour voir s'il avait bien tout dit...
Ca continue par de l'humour potache, des situations rocambolesques, des émotions fabriquées. Je n'ai éprouvé aucune empathie pour aucun des personnages. C'est vrai, l'auteur a l'art de brosser des portraits en quelques lignes, mais ça ne suffit pas.
Trop de faits, consignés trop minutieusement et confrontés à une psychologie survolée. C'est cela qui m'a choquée, je crois. Cette période de l'Histoire brasse tellement de souffrances qu'un roman mené tambour battant (alors, Walter, t'as tué ou pas ? T'as fait du mal ou pas ? ) avec force tasses de café « bouillu-foutu » ne mène qu'à une mascarade, un simulacre de sentiments et de situations.
Je suis vraiment désolée d'exprimer ce type d'avis, d'autant plus que j'ai reçu ce roman dans le cadre de l'opération Masse critique, et j'en remercie au passage les éditions Privat. Et puis l'auteur est le fils d'un soldat américain ayant débarqué à Omaha Beach le 6 juin 44. Je salue son désir de rendre hommage à son père et à tous ceux qui ont sauvé la France de l'occupation allemande.
Mais je n'ai pas été emportée, je le regrette profondément.
Commenter  J’apprécie         496
Au petit matin du 8 mai 1975, après une nuit de beuverie - elles sont fréquentes pour Spencer Schullmann , ( il ne connait pas ces slogans plus tardifs " L'abus d'alcool est dangereux pour la santé ", " consommez avec modération" et "un verre ça va, trois, bonjour les dégâts"-, dans la brume évanescente gersoise , il voit apparaître un drôle d'individu, vêtu de l'uniforme de l'armée allemande, insignes SS à l'encolure , c'est Walter Boehmer , 52 ans, natif de Güstrow en Poméranie, enrôlé dans les Jeunesses hitlériennes qui s'est retrouvé, par la suite, affecté comme sergent au sein de la 2ème division SS Das Reich, régiment der Führer, la plus sinistre parmi les 38 divisions des Waffen SS, celle qui a commis les exactions les plus abjectes , celle qui se glorifia des massacres de Tulle, d'Oradour-sur-Glane… Walter , titulaire de la croix de fer, affirme, cependant n'avoir jamais appartenu aux unités mobiles d'extermination les sanguinaires Einsatzgruppen .
Arrêté, il est resté le prisonnier du fermier Garrigues, alors que sa division gagnait le front de la Normandie. Cette captivité a duré plus de trente ans, l'exploitant agricole lui ayant fait croire que son frère était également détenu par une autre famille paysanne , et que s'il s'évadait, son cadet , par représailles, serait tué. Garrigues l'a aussi convaincu que la France est désormais occupée par les Américains et que son pays l'est par les bolcheviques. S' il est là aujourd'hui, c'est qu' Il s'est évadé pressentant que son frère n'est plus de ce monde, ses pas l'ont porté vers cette ferme habitée naguère par une femme qui le guérit d'une terrible insolation, la mère de Spencer, Marie Millet, résistante , emportée depuis quelques années par un cancer.
Spencer accueille contre son gré cet hôte singulier, tantôt compatissant, tantôt révolté , écoeuré, par les propos tenus par Walter qui ne cache pas le rôle qui tint pendant la guerre, notamment sur le front russe mais qui nie toute participation aux massacres de civils perpétrés dans la région .
Il va chercher à savoir si le soldat Walter fut un des tortionnaires . Il va mener son enquête, partir à la recherche de témoins visuels des atrocités commises par cette Division qui sema la mort sur son passage. Ces investigations vont entraîner, ipso facto, la perte de son emploi de journaliste à la Dépêche du Midi, la brouille avec ses meilleurs amis (aussi sobres que lui !), une rupture avec sa fiancée Rebecca, des démêlés avec les forces de l'ordre…
Ce scénario reste peu crédible, le Gers département touristique n'est pas la jungle malaisienne où s'est caché pendant trente ans, le dernier guérillero japonais ignorant la capitulation de son pays , difficile de faire croire et de croire que ce soldat allemand qui rêvait d'être instituteur, puisse, pendant trois décennies , accepter de jouer les dupes.
Une telle histoire située autour des années 50 aurait été plus plausible , certains passages donnent à penser à la trame des « Visiteurs » quand Walter découvre l'équipement électroménager moderne détenu par Spencer .
Quarante ans après, Spencer fait le bilan de cette aventure qui marqua sa vie.
Ce roman conté de façon drolatique, émouvante et dramatique est une invitation à réflexions plus philosophiques . Quelles réactions aurions -nous en nous retrouvant, à notre tour, confronté à un homme qui fut notre farouche ennemi, aux mains maculées de sang, celui de parents, d'amis, massacrés sauvagement ?
Un homme, un soldat doit-il obéir aveuglément à son état- major, suivre à la lettre les pires ordres parce que les ordres quand on est soldat sont faits pour être respectés ?
Quelle est la part de vérité que chacun détient ?
Quel crédit faut-il accorder à la mémoire ? …
Le narrateur interne , Spencer Schullmann, est grand reporter et éditorialiste au Courrier du Midi, similitude avec l'auteur Norman Ginzberg (Jean-Christophe Giesbert) qui lui aussi fut journaliste attaché à ce journal , dotés tous deux ,d'un père qui participa au d'day, tous deux résidant dans le Gers.
Une lecture à la fois, polar, roman qui nous plonge dans l'Histoire, et qui nous incite à réfléchir sur l'oubli, le pardon, l'obéissance servile …
Un grand merci aux Editions Privat et à Babelio qui m'ont permis d'être une des premières lectrices de ce roman original et attachant .
Commenter  J’apprécie         182
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre avec ce roman, mais le résumé m'ayant bien intéressée, j'ai tenté ma chance à la masse critique chez Babelio. Comble de chance, j'ai pu le découvrir grâce à eux ! L'histoire est différente des romans que j'ai l'habitude de lire portant sur la seconde guerre mondiale, car cette fois l'action se situe après la guerre dans la campagne française, avec comme héros un soldat allemand qui a été « caché » par des paysans.
Ce soldat, Walter, ne sait pas que la guerre est finie. Sous prétexte de le protéger, le couple qui l'a « séquestré » lui a caché la réelle évolution du conflit et il pense qu'il risque sa vie s'il quitte la ferme. Pourtant, il finira par le faire et par rencontrer notre autre héros, Spencer, un journaliste qui verra dans cette apparition l'occasion d'écrire un livre.
Dès lors, Spencer va se jeter corps et âme dans la recherche de la vérité pour savoir qui est Walter et quel rôle il a joué durant la guerre. L'auteur nous plonge alors dans cette enquête très sombre et palpitante, mais aussi dans la France d'après-guerre. Les séquelles sont nombreuses et les recherches de Spencer ne vont pas plaire à tout le monde. Remuer le passé s'avère donc compliqué, surtout que Walter semble cacher beaucoup de choses, mais lesquelles ?
En mettant en parallèle la dureté de la vie durant et après la guerre, les idées des uns et des autres, mais aussi la vie en tant que soldat allemand, l'auteur nous permet de porter différentes lunettes sur cette guerre et de prendre en considération tous les points de vue. J'ai adoré cette analyse qui est proposée tout en restant dans un roman et non pas dans un livre historique. le récit se dévore, les rebondissements sont nombreux et tant la psychologie de Walter que celle de Spencer sont passionnantes à découvrir.
En bref, voilà un livre qui sort des romans habituels, qui touche son lecteur et qui nous lance dans une remise en question intéressante. Personne n'est tout bon ou tout mauvais et c'est bien ce rappel nécessaire qui nous est fait et de belle manière.
Commenter  J’apprécie         60
Dans le feu de la guerre, je ne me suis jamais demandé si ce que je faisais était bien ou mal. La question ne se posait ni à moi ni à aucun de mes camarades. Nous étions l’élite de l’arme noire. Seul comptait le devoir de servir le Führer avec honneur et résolution. Tous, et moi autant que les autres, nous étions habitués par notre volonté de donner nos forces, fût-ce au prix de nos vies, pour défendre l’idéal national-socialiste et construire le troisième Reich. Un empire si fort et si pur qu’il pourrait durer mille ans, comme le disaient nos chefs. Si tu savais, Spencer, le nombre de mes frères d’armes qui m’ont murmuré « Heil Hitler ! » ou « Deutschland über alles ! » avec leur dernier filet de vois avant de s’éteindre sur un champ de bataille.
Le type a levé ses yeux verts sur moi sans un mot ni même un sourire de bienvenue. Il avait une drôle de tête que se partageaient trois grands hommes : Leonid Brejnev pour les sourcils, Charles de Gaulle pour les paupières tombantes et Richard Nixon pour le nez épaté.
- Savez-vous à quoi on mesure l’intelligence d’un individu, selon Emmanuel Kant, monsieur Schullmann ? il m’a demandé en remontant ses lunettes sur son nez.
- Je sais, je sais j’ai bougonné , « à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter ».
Norman Ginzberg - Les captives de la vallée de Zion