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EAN : 9782940517046
121 pages
Heros-Limite Editions (17/05/2013)
4.43/5   22 notes
Résumé :
La Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix est écrite durant l’été 1938, entre le début juillet et la mi-août. Jean Giono la rédige dans une atmosphère de bouleversement. En pacifiste convaincu il sait que depuis l’Anschluss les Français se préparent de plus en plus à la guerre et sont prêts à la faire. Son intention n’en est que renforcée : « Continuer à combattre, écrit-il le 16 mars dans son journal, contre le militarisme et forcément commencer ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Résidant à Manosque, dans le petit département rural les Basses Alpes (qui deviendront Hautes ! en 1970), Giono suit avec pessimisme les événements qui s'accélèrent depuis l'Anschluss et se désespère de voir se profiler le spectre d' une autre guerre. Alors lui, le pacifiste va tenter de convaincre une classe sociale qu'il connait bien, celle des paysans locaux qu'il côtoie au quotidien , dont il connait le bon sens légendaire, les "derniers possédants du sens de la grandeur" , pacifistes comme lui, qui ont composé la majeure partie des soldats pris dans la tourmente de la Grande Guerre de 1914-1918, pour leur faire prendre conscience de la guerre imminente , les faire réagir, si c'est encore possible pour essayer d'éviter ce drame.
Pour dire des choses importantes, essentielles, il faut les écrire plutôt que se les dire , et « ces choses écrites pourront, ainsi, être diffusées plus largement , posées par écrit, elles permettent de prendre le temps pour une réflexion plus acérée , une prise de conscience individuelle plus intense , évitant que d'autres le fassent, car le paysan est ainsi, un homme qui prend son temps à l'instar de la nature dans laquelle il est immergé.
La Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix est écrite durant l'été entre le début juillet et la mi- août 1938, la guerre est désormais inévitable.
Ici , le Giono le romancier bucolique laisse place à un pamphlétaire à la fois pacifiste et libertaire, à la limite de l'anarchiste . Les paysans de France mais aussi ceux du monde entier doivent s'unir contre la guerre et contre l'État même si la lutte est perdue d'avance.
En interpellant les paysans, Giono s'adresse, en fait à un auditoire plus élargi : tous ses lecteurs, car ce qu'il dénonce est valable pour tous « tous les peuples du monde sont prisonniers ». Toutes les classes sociales sont désormais aux prises avec le culte de la vitesse, de la technique prégnante , du progrès, confrontées à l'impérialisme de l'argent qui annihile la liberté, qui engendre aussi, à terme, la pauvreté ce qui entraîne une escalade de la violence et qui aboutit à la guerre.
Alors il invite à la révolte , non pas collective, mais individuelle.
Giono , à travers cette lettre véritable réquisitoire contre la guerre nous invite à réfléchir, et à tenter de nous faire retrouver une certaine liberté, une certaine autonomie, retrouver la vraie richesse, la meilleure, celle de la paix, car la guerre prend la richesse de ceux qui n'ont pas beaucoup. Mais la paix passe par la violence car il faut lutter pour la sauvegarder.
En lisant ce texte, j'ai les images de la chanson de Ferrat qui défilent :
"Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné"...

Mais les idées vantées par Giono sont, hélas, utopistes.
Après la guerre il y eu la CECA qui selon Schuman était un moyen d'empêcher un nouveau conflit entre l'Allemagne et la France, la CEE, la Mondialisation avec tous les effets que l'on connaît…
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Il est surprenant de voir la modernité d'un tel texte qui pourrait paraître particulièrement daté, notamment parce qu'elle est élaborée la veille de la guerre, à un moment particulier de l'histoire. Et pourtant, les paroles de Giono ne cessent de faire écho à notre 21ème siècle. Certes ils n'est pas question d'appel à la guerre. Mais cette lettre prend justement un relief particulier car l'on sait les conséquences de la Seconde Guerre, ce déficit de population, cet achèvement de l'exode rural qui pourtant était moindre en France. Si pendant cinquante ans, il semblait assez impromptu ou hors-sujet de penser cet exode rural comme une mauvaise chose, on parle aujourd'hui de plus en plus de retour à la terre. C'est ainsi que les pages de Giono, pleines d'une langue de la Provence, se colorent d'une teinte de regret, de mélancolie, voire de colère. Il est évident aujourd'hui que les populations s'agglutinent inutilement dans les grandes mégalopoles et qu'elles y vivent mal, finalement plus mal que les paysans du temps.
La vie des paysans était rude, mais elle leur rendait une étonnante fierté, une force. Cette fierté, cette force, a été affaiblie, dominée. Les paysans sont aujourd'hui isolés, asservis par les grandes machines économiques, confédération, industrie… le jeu de la rentabilité, le moins possible d'humains pour des terres de moins en moins belles, des fruits de moins en moins résistants et bons. La campagne est malade des produits engrais et pesticides. Quelle surprise de voir que ces thèmes, ce piège, était déjà dénoncé, tellement clairement visible par Giono. Giono expose ainsi clairement la manière dont on a rendu le blé mauvais en le voulant toujours plus productif.
Au-delà des questions proprement paysannes, c'est bien une question civilisationnelle que pose Giono. Il critique la vanité de l'attrait des villes : les richesses matérielles qui appauvrissent l'esprit. La richesse des comptes en banque s'oppose à celle de l'âme des gens de la terre, des gens qui ne sont pas déracinés, mais qui produisent de leur main, qui créent. En cela, Giono rejoint clairement les thèses Marxiennes. le vrai travail est une bonne chose dans laquelle l'être humain se réalise, se trouve lui-même, accomplit sa puissance, dirait-on avec Nietzsche ou Deleuze. Une thèse profondément de gauche, à l'inverse de ces thèses transhumanistes héritières d'un vieux positivisme qui croit que la technologie va permettre de nous donner du temps libre, va remplacer notre force de travail. Dans notre France du 21ème siècle, on a bien compris cette illusion d'une société des services, société non productrice, qui invite les gens à la consommation, et non à la production, qui paie les gens pour qu'ils restent à chômer tout en continuant à consommer. Giono critique ouvertement cette culture oisive des villes où l'industrie nourrit ce vice de la paresse.
Enfin, Giono redonne à la production agricole sa place première : condition d'existence d'une société. La force incroyable que provoquerait une grève des paysans nous amènerait à penser que, pour notre époque, Marx s'est peut-être trompé de cible. La classe ouvrière est aujourd'hui laminée, toujours divisée, si facile à contenter par des promotions et des intéressements… Au contraire, une nouvelle classe paysanne, renforcée par les techniques modernes, les communications, pourrait devenir une vraie classe laborieuse dominante. Évidemment, elle était principalement royaliste alors, il se pourrait qu'elle soit dans le futur écologiste, pacifiste, communiste, anarchiste, artiste et intellectuelle.
La pauvreté possible dont il est question, c'est l'autonomie recherchée aujourd'hui par les néo-paysans, c'est aussi l'austérité vue comme limites volontaires à l'appareil productif tel que l'exprime Ivan Illich. Ce refus de la recherche du luxe, du bonheur par l'accumulation de biens, c'est déjà la sobriété heureuse de Pierre Rabhi. La conscience que la mécanisation-industrialisation du travail de la terre est un même danger que l'escalade technologique des armes, c'est déjà les critiques de la modernité de Günther Anders.
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Ecrit en 1938, cette lettre transcrit déjà la fin des paysans et des artisans (de 4 millions en 1960, les paysans sont moins de 500 000 aujourd'hui !). A l'époque, le capitalisme et l'argent détruisent la vie et la joie de vivre qui rythmait le travail. Un regret se fait sentir chez Giono : « il n'y a plus ni chants ni fêtes ». Giono préconise une révolution et une intelligence individuelle plutôt qu'une guerre violente et inutile.
En lisant ce texte, on a l'impression de subir encore aujourd'hui le désastre des guerres passées et en particulier de la guerre 14-18. Celle de 39-45 n'a pas démarré mais Giono fait part d'une imminence ressentie au quotidien. Ces guerres ont engendré une course au progrès technique au détriment de l'homme, un goût pour l'artificiel et le profit qui détruisent la vie et la joie de vivre. L'économie d'après guerre, la montée du capitalisme, poussent les paysans à quitter leur terre pour un avenir plus riche, et promis à des bonheurs nouveaux. Mais quelle est la principale richesse ?
Giono parle de notre rapport au progrès, à l'argent, au travail, à la nourriture, au pouvoir et à l'Etat, à la guerre, à la vie.
Sa lettre est comme un hymne au paysan, à l'artisan, à celui qui est attaché à la terre par le corps et par l'esprit mais qui sait rester libre. Elle est comme un message pour rappeler le sens premier de la vie du paysan qui est de nourrir pour vivre et non pas pour gagner de l'argent.
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A l'aube de la seconde guerre mondiale, Giono nous décrit ce qu'est le monde paysan, alors en pleine transition entre paysannerie familiale et grandes exploitations mécanisées. Un monde riche des produits de la terre, mais sans le sous dans un univers capitaliste croissant. Et quand une guerre se profile, on sait que ce sont les paysans qui seront les chairs à canon.
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Extrait de la préface rédigée par Alexandre Chollier
« Oh ! je vous entends ! En recevant cette lettre, vous allez regarder l'écriture et, quand vous reconnaîtrez la mienne vous allez dire : « Qu'est-ce qui lui prend de nous écrire ? Il sait pourtant où nous trouver. Voilà l'époque de la moisson, nous ne pouvons être qu'à deux endroits : ou aux champs ou à l'aire. Il n'avait qu'à venir. A moins qu'il soit malade – ouvre donc – à moins qu'il soit fâché ? Ou bien, est-ce qu'on lui aurait fait quelque chose ? » »
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Dans le monde entier, si les paysans de toutes les nations se réunissaient – ils ont besoin des mêmes lois – ils installeraient d'un seul coup sur terre le commandement de leur civilisation ; et les petits gouvernements ridicules – ceux qui maintenant sont les maîtres de tout – finiraient leurs jours en bloc, parlements, ministres et chefs d'État réunis, dans des cellules capitonnées de grands asiles d'aliénés. Par l'importance première du travail qu'elle exerce et par la multitude innombrable de ses hommes, la race paysanne est le monde. Le reste ne compte pas. Le reste ne compte que par sa virulence. Le reste dirige le monde et le sort du monde sans s'occuper de la race paysanne. Alors vous comprenez bien que non seulement j'approuve votre révolte et toutes ses cruautés, mais je suis encore plus révolté que vous et encore plus cruel. Vous êtes emportés par une force naturelle. La même force m'emporte ; mais je suis en plus déchiré par la connaissance de ce qu'ils veulent faire de vous. Cette génération technique qui gémit sous vos yeux dans son terrible désespoir, ces hommes faux qui ne savent plus nouer une corde ni dénouer généreusement les cordes, ces êtres vivants incapable de vivre, c'est-à-dire incapables de connaître le monde et d'en jouir, ces terribles malades insensibles, ce sont d'anciens paysans. Il ne faudrait pas remonter loin à travers leurs pères pour retrouver celui qui a abandonné la charrue et qui est parti vers ce qu'il considérait comme le progrès. Au fond de son cœur, ce qu'il entendait se dire par ce mot entièrement dépouillé de sens, c'était la joie, la joie de vivre. Il s'en allait vers la joie de vivre. Le progrès pour lui c'était la joie de vivre. Et quel progrès peut exister s'il n'est pas la joie de vivre ? Ce qu'il est devenu, lui, quand il croyait aller au devant de la vraie vie, n'en parlons pas. Il vous est facile d'imaginer les souffrances de sa lente asphyxie en vous imaginant vous-même brusquement privé de la grande respiration de votre liberté. Il est mort à la fin sans même s'en rendre compte, sa mort morale ayant de longtemps précédé sa mort physique ; ayant pris goût par force au poison, ne souffrant plus au fond de lui-même que par l'aigre énervement de quelques souvenirs en trop. Et c'est bien de lui qu'on peut dire : Les pères ont mangé des raisins verts et les enfants ont les dents agacées. Ils ont produit cette génération actuelle dont l'incapacité à la joie est si évidente et qui cherche des remèdes à son désespoir dans les ordures. Voilà donc ce que la technique industrielle peut faire d'un paysan et d'une génération de paysans. (pp. 35-36)
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« L’Etat, le gouvernement, le chef enfin qui abat brusquement son jeu sur la table : c’est la guerre. C’est l’atout qui rafle tout. Vous avez joué jusqu’à votre chemise ; vous avez joué jusqu’à votre corps ; vous avez joué vos enfants, donnez, donnez tout. Ici, c’est comme dans les tripots : la dette de jeu est sacrée. C’est la guerre, payez ! Donnez tout ; vous avez tout perdu. Vous vous rendez brusquement compte que vous allez donner tout ça pour rien. Tant pis, vous avez joué et vous avez perdu, payez. Plus rien n’est à vous, pas même vos mains. Marchez. On n’a même plus besoin de vous expliquer les raisons de cet abattoir vers lequel on vous pousse avec vos enfants ; vous appartenez corps et bien au gagnant. C’est sacré ; les musiques militaires sonnent en fanfare l’article du règlement qui le proclame : « Aux armes, citoyens ! ».
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« Le but d l’Etat moderne c’est de composer une termitière ; une masse de fourmis. Dans les Etats démocratiques comme la France, ou à peu près semblables, l’organisation sociale prévoit la place de grosses fourmis au ventre blanc qui sont des reines qu’on nourrit et qu’on soigne. Dans les Etats autoritaires fascistes : Russie, Allemagne, Italie, l’ordre social ne prévoit plus que la place d’un nombre restreint de ces grosses reines et tend vers une reine unique au ventre énorme. »

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« Dans le monde entier, si les paysans de toutes les nations se réunissaient - ils ont besoin des mêmes lois- ils installeraient d’un seul coup sur terre le commandement de leur civilisation ; et les petits gouvernements ridicules – ceux qui maintenant sont les maîtres de tout – finiraient leurs jours en bloc : parlements, ministres et chefs d’Etat réunis, dans les cellules capitonnées de grands asiles d’aliénés. Par l’importance première du travail qu’elle exerce et par la multitude innombrable de ses hommes, la race paysanne est le monde. Le reste ne compte pas. Le reste ne compte que par sa virulence. Le reste dirige le monde et le sort du monde sans s’occuper de la race paysanne. (…)
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Videos de Jean Giono (61) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Giono
Denis Infante a publié son premier roman Rousse publié aux éditions Tristram le 4 janvier 2024. Il raconte l'épopée d'une renarde qui souhaite découvrir le monde. Un ouvrage déroutant par sa singularité. Son histoire possède la clarté d'une fable et la puissance d'une odyssée et qui ne laissera personne indifférent. L'exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l'ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide : "Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers."
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