Un économiste humaniste qui a sa tête sur ses épaules
Que peut-on attendre d'un livre avec ce titre écrit par un économiste ? J'avoue que j'ai été plus que agréablement surpris.
Que veut-il dire par “
L'homme inutile” ? Ce sont les hommes (ou femmes, bien entendu) qui se trouvent au dessous d'un seuil de “humanité”. Ce sont les personnes exclues, les SDF, ceux qui enchaînent des petits boulots pour juste survivre sans aucun espoir d'un avenir meilleur. Ou ils survivent grâce à des aides sociales. Ils sont (économiquement) “inutiles” à la fois à la société et à eux mêmes.
L'auteur utilise les métaphores “trappes” et “nasses” pour représenter ces pièges où ces personnes tombent et pourront difficilement sortir.
Ils sont dans une situation pire que celle du “prolétariat” qui, même si exploités par des “méchants capitalistes”, ont un emploi et peuvent, bien ou mal, subvenir à leurs besoins aller même boire un coup avec ses copains…
Grosso modo, le but de ce livre est de réfléchir sur comment faire en sorte de ne plus avoir des “hommes inutiles” ou, au moins, avoir le minimum possible. Bien sûr, pas par leur élimination physique, mais par leur intégration dans la société.
La démarche classique qu'on entend tout le temps est celle des “intellectuels” (dans le sens décrit par
Raymond Aron) qui suggèrent, grosso modo, que pour atteindre une “justice sociale” il suffit (yaka) d'enlever aux riches pour donner aux pauvres. Modèle trop simpliste dont les résultats seraient douteux.
La démarche de Pierre-Noël est systémique, dans le sens où il part non pas de
l'homme inutile pour arriver à une solution, mais d'une compréhension globale du fonctionnement de l'économie pour identifier où il faut intervenir pour ouvrir les “trappes” pour libérer les “hommes inutiles” et les réintégrer dans la société. Il va sans dire qu'il s'impose des transitions en douceur qui seraient acceptables par tous.
Il faut, tout d'abord définir ce que c'est “inégalité” et “justice sociale”. Pour cela, il rappelle les concepts développés de
John Rawls et
Amartya Sen, des concepts qui ne sont pas aussi simplistes que le “tous pareils”.
A partir de ça, le livre est un vrai cours d'économie et politique, expliquant de façon résumée mais claire, le fonctionnement de l'industrie, de la finance, des globalisations, des causes des crises, … Il va même à analyser les conséquences de certaines propositions politiques telles le “revenu universel”.
D'un grand intérêt est aussi la présentation du modèle “nomade/sédentaire” (dont il est l'auteur), permettant de comprendre les globalisations et leur influence sur le nombre de “hommes inutiles” et sur les inégalités.
La lecture de ce livre démontre que pour résoudre le problème des inégalités dans le monde il ne suffit pas de penser avec son coeur ou de suivre certaines idéologies. Il faut aussi et surtout tenir compte de la réalité de façon à ne pas provoquer des conflits pouvant finir en des “guerres civiles”.
Pierre-Noël Giraud a, au moins, trois autres ouvrages que démontrent son profil humaniste – “L'inégalité dans le monde”, “Les globalisations”, “
Le commerce des promesses” – que je n'ai pas encore lu, mais qui sont dans la pile.
Ceci pour dire que j'ai bien apprécié ce contenu, j'ai appris des choses au delà même de ce qui est exprimé par le titre et je pense que, surtout en ces moments de COVID, la lecture de livres comme celui-ci est essentielle pour ne pas suivre des propositions démagogiques profitant de la situation pour forcer des prises de décision à chaud et irréfléchies.
Lien :
http://lecture.jose-marcio.o..