C'est le livre que tous les hommes politiques français devraient lire, il pourrait les éclairer sur les raisons de la crise économiques et les pistes pour améliorer la situation, notamment une réforme complète de la fiscalité rejoignant ainsi les thèses de Thomas Piketty. Mais, Joseph Stiglitz nous montre aussi combien cela risquerait d'être inutile, tant ils sont sous influence du 1% qui détient les richesses, une fraction qui possèdent les médias, dépensent sans compter en lobbying et en moyens de préserver fortune et pouvoir au détriment de l'intérêt général et du bien-être de la majorité. Dans le prix de l'inégalité, l'auteur démontre que c'est bien cette domination de classe, cet écart étourdissant, scandaleux et injustifiable entre le 1% et le 99%, qui est l'origine des maux économiques et sociaux américains, mais aussi européens. Le logiciel que ces élites contraignent plus ou moins violemment à utiliser est plein de bugs, entretient non-sens, dogmes erronés ou plutôt mythes et volonté de réduire la puissance publique au minimum. Il démonte les croyances libérales et notamment celle de l'efficacité absolue et sacro-sainte des marchés à partir des situations récentes, mais aussi d'exemples plus anciens, alors que seule la régulation publique peut en corriger les excès. Malgré cela, rien ne change, les banques, à l'origine de la crise, que le contribuable a renfloué et qui ont redistribué cet argent public en bonus pour récompenser l'incompétence de leurs dirigeants continuent de privilégier aveuglément intérêt personnel et maximisation du profit à court terme. Le fait que l'auteur soit Prix Nobel d'économie renforce la crédibilité de ses affirmations, d'autant qu'il ne prétend pas détenir la solution miracle, il propose des voies de progrès et de réduction des injustices, tout en demeurant lucide sur les freins et l'inertie du système. Ces blocages il les a lui même vécu alors qu'il participait au gouvernement Clinton, ils l'ont fait démissionner. Après avoir fermé la dernière page, je comprend mieux pourquoi il avait rejoint le camp de Bernie Sanders. Cela me conforte également dans mes convictions, un autre monde est possible : " There is no alternative" (TINA) n'est qu'un slogan marketing ! Cela passe par la réduction des inégalités et un retour de l'équité économique, politique et sociale. Une vaste utopie ? Je ne crois pas, la situation est intenable à long terme et Stiglitz de nous prédire soit une révolte des 99% soit un retour à la raison des 1 % ! L'avenir répondra...
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Désormais ouvrage de référence, "le prix des inégalités " démonte le mécanisme de la mondialisation. Il dénonce l'argumentaire déployé par les "mondialistes" pour la légitimer. le livre s'appuie sur un solide chapitre de notes référencées en annexe.
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Beaucoup de concepts et de constats sur la société américaine maintes fois lus ou entendus. Peu de propositions. A quel public s'adresse ce livre? Des coĺlegiens non informés? Une grande déception..
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Le livre n’exclut ni les longueurs ni les redites, liées en partie à sa construction même ; d’une certaine façon, elles contribuent à la force du plaidoyer qu’il constitue en faveur d’une réforme radicale des idées et des orientations politiques qui prendrait davantage en compte la situation de la grande majorité des citoyens.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Plus limpide et implacable que jamais, Joseph Stiglitz déroule le fil des causes de la grande faillite.
Lire la critique sur le site : Telerama
Au cours des trois dernières décennies, les sociétés financières américaines ont plaidé avec force en faveur de la libre circulation du capital. Elles se sont faites les championnes des droits du capital - en lui donnant priorité sur les droits des travailleurs ou même sur les droits politiques. Les "droits" précisent simplement ce que divers acteurs économiques sont autorisés à faire : ceux qu'ont revendiqués les travailleurs comprennent, par exemple, les droits d'association, de syndicalisation, de négociation collective et de grève. Ces droits, de nombreux États non démocratiques les restreignent terriblement, mais même les États démocratiques les limitent. Les propriétaires du capital, eux aussi, peuvent avoir des droits. Le plus fondamental est de ne pas être privé de ce qu'ils possèdent. Là encore, même dans une société démocratique, il y a des limites. Dans le cadre du droit de domaine éminent, l'État peut toujours prendre à quelqu'un sa propriété au nom de l'intérêt public, mais cela doit se passer "dans les règles" et s'accompagner d'une indemnisation convenable. Ces dernières années, les propriétaires du capital ont exigé de nouveaux droits, comme la libre circulation de leurs capitaux à l'entrée ou à la sortie d'un pays. Simultanément, ils ont plaidé contre des lois qui permettaient de leur demander des comptes sur les violations des droits humains dans d'autres pays, comme l'Alien Torts Statute, qui autorise les victimes de ces violations à porter plainte aux États-Unis.
Sur le plan strictement économique, les gains d'efficacité de la libre circulation du travail sont, pour la production mondiale, infiniment supérieurs à ceux de la libre circulation du capital. les différences de rendement du capital sont minuscules comparés aux écarts de rendement du travail. Mais ce sont les marchés financiers qui ont été la force motrice de la mondialisation, et, si ceux qui y travaillent ont toujours à la bouche le notion de "gains d'efficacité", ils ont en fait à l'esprit tout autre chose - un ensemble de règles qui leur profite et accentue leur avantage sur les travailleurs. La menace de la fuite des capitaux, au cas où la main-d'œuvre deviendrait trop exigeante sur ses droits et sa rémunération, maintient les salaires à bas niveau. La concurrence entre pays pour l'investissement prend de nombreuses formes - pas seulement la baisse des salaires et l'affaiblissement des protections des travailleurs. Il y a une course générale " vers le pire", où chacun tente de faire en sorte que la réglementation des entreprises soit légère et leurs impôts aussi. Dans un domaine, la finance, elle s'est révélée particulièrement coûteuse, et cruciale pour la montée de l'inégalité. Les pays ont fait la course au système financier le moins réglementé, de peur que les sociétés financières ne les quittent pour d'autres marchés. Certains parlementaires du Congrès se sont inquiétés des conséquences de cette déréglementation, mais ils se sont sentis impuissants : l'Amérique allait perdre des emplois et un secteur d'activité majeur si elle n' obtempérait pas. Avec le recul, ce fut une erreur. Les pertes infligées au pays par la crise qu'a provoquée l'insuffisance de sa réglementation ont été d'un tout autre ordre de grandeur que le nombre d'emplois du secteur financier qu'on avait sauvés au départ...
Ironie de la situation : dans les crises que provoque la finance, salariés et PME supportent l'essentiel des coûts. Ces crises s'accompagnent d'un chômage massif qui fait baisser les salaires, donc les travailleurs sont doublement frappés. Lors des crises antérieures, non seulement le FMI a réclamé d'énormes réductions budgétaires dans les pays en difficulté, transformant ainsi l'affaiblissement de leur économie en récession ou en dépression, mais il a aussi exigé la vente à prix bradé d'entreprises, et les financiers ont aussitôt afflué pour faire des affaires en or. Dans mon livre la Grande Désillusion, j'ai montré que Goldman Sachs avait été l'un des vainqueurs de la crise asiatique en 1997, comme il le serait de la crise de 2008. Quand nous nous demandons comment font les financiers pour gagner tant d'argent, une partie de la réponse est simple : ils ont participé à la rédaction d'un ensemble de règles qui leur permettent d'en gagner beaucoup, même pendant les crises qu'ils contribuent à créer...
Laissés à eux-mêmes, les marchés se révèlent souvent incapables de produire des résultats efficaces et souhaitables, et dans ce cas l'Etat a un rôle à jouer: corriger ces échecs du marché, autrement dit concevoir des mesures ( impôts et des réglementations) qui alignent les incitations privés sur les rendements sociaux. (Certes, il y a souvent des désaccords sur la meilleure façon de le faire. Mais aujourd'hui rares sont ceux qui croient aux marchés financiers sans entraves - leurs échecs sont trop coûteux pour le reste de la société - ou qui pensent qu'il faut laisser les entreprises piller l'environnement sans restriction). Quand l'Etat fait bien son travail, la rémunération que perçoit un travailleur ou un investisseur est égale à l'apport bénéfique de son action pour la société. Si rémunérations privées et rendements sociaux ne sont pas alignés, nous disons qu'il y a échec du marché, c'est-à-dire que les marchés n'aboutissent pas à un résultat efficace.
Il y a d'autres façons de résumer la position défavorable des pauvres [aux Etats-Unis]. Le journaliste Jonathan Chait a attiré l'attention sur deux des statistiques les plus éloquentes de l'Economic Mobility Project et des recherches de l'Economic Policy Institute:
- Les enfants pauvres qui réussissent à l'école ont moins de chances de terminer leurs études avec un diplôme universitaire que les enfants riches qui ont de mauvais résultats scolaires.
-Même s'il obtiennent un diplôme du supérieur, les enfants des pauvres restent dans une situation matérielle inférieure à celle des enfants peu doué des riches.
Il y a deux visions possibles de l'Amérique dans un demi-siècle. La première, c'est une société divisée entre possédants et non-possédants, un pays où les riches vivent dans des complexes fortifiés, envoient leurs enfants dans des écoles coûteuses et jouissent de soins médicaux de premier ordre. Les autres vivent dans un monde fait d'insécurité, d'éducation au mieux médiocre et de soins rationnés de fait - ils n'ont plus qu'à prier pour ne pas tomber gravement malades.
La politique est le champ de bataille où l'on s'affronte sur le partage du gâteau économique national. Cette bataille, c'est le 1% qui l'a gagnée.
Le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz est l'invité des Matins de France Culture à l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage "Peuple, pouvoir & profits" où il livre un réquisitoire contre le capitalisme dérégulé et la montée des inégalités.
L'Invité des Matins de Guillaume Erner - émission du 23 septembre 2019
À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/saison-26-08-2019-29-06-2020
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