Un vieux peintre colombien, David, s'est retiré dans un petit village près de Bogota à la Mesa de Juan Diaz . Atteint d'une dégénerescence maculaire qui l'empêche de peindre, il se met à écrire un journal de souvenirs . Imbriquant les différentes parties de sa vie en Floride, New York, Bogota, David évoque ceux qui ont nourri son existence : sa femme, ses fils, ses amis : le jour où son fils ainé, Jacobo, décide de mettre fin à ses jours pour ne plus souffrir de sa tétraplégie, la mort de sa femme, sa vie, seul dans la lumière déclinante . D'une écriture précise, intimiste, ce récit de douleurs, de morts, de doutes sur le sens d'une vie qui s'étiole parvient grâce à la force de l'amour insufflé par ceux qu'il a aimé à sortir David de sa mélancolie naturelle et le dernier mot de ce livre résume bien ce que j'ai ressenti en le lisant : " merveilleux " .
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Quand je sens l'absence de Sara et le froid de cette absence, l'inévitable souvenir de la vieillesse humaine, je dois m'allonger un instant, éteindre mon âme quelques minutes comme on souffle une bougie et dormir .
L'affliction n'est pas immobile, elle est fluide, vacillante et ses flammes plus bleues qu'oranges et rouges et parfois d'un effroyable vert pâle te torturent de l'intérieur avec une grande puissance jusqu'à ce que tu te vois crier en silence comme dans le fameux tableau de Munch .
Je ne cesse d'être nostalgique de l'odeur de la peinture à l'huile ou du contact avec la poussière du fusain, je ne cesse de regretter le frisson comparable à celui de l'amour qui nait quand on touche à l'infini, quand on capte la lumière difficile avec un peu d'huile mêlée de poudre de pierre ou de métal .
Quand je sens l'absence de Sara et le froid de cette absence, l'inévitable souvenir de la vieillesse humaine, je dois m'allonger un instant, éteindre mon âme quelques minutes comme on souffle une bougie et dormir .
L'affliction n'est pas immobile, elle est fluide, vacillante et ses flammes plus bleues qu'oranges et rouges et parfois d'un effroyable vert pâle te torturent de l'intérieur avec une grande puissance jusqu'à ce que tu te vois crier en silence comme dans le fameux tableau de Munch .
Je ne cesse d'être nostalgique de l'odeur de la peinture à l'huile ou du contact avec la poussière du fusain, je ne cesse de regretter le frisson comparable à celui de l'amour qui nait quand on touche à l'infini, quand on capte la lumière difficile avec un peu d'huile mêlée de poudre de pierre ou de métal .
Ici, à La Mesa, le ciel vient tout juste de s'effondrer. Il tombe d'énormes grêlons et comme notre maison est ancienne, et que dans sa partie arrière elle a un toit en zinc, le vacarme est magnifique. Il est très rare qu'il tombe de la grêle à La Mesa. La première fois que je vois ça en seize ans. C'est le vacarme même de la lumière. Difficile de vivre quelque chose de plus beau. C'est la destruction du moi, la dissolution de l'individu. L'air sent l'eau et la poussière, et l'on n'est plus personne.
On ne s'entend même plus écrire.
Mais j'aimerais parfois pouvoir me remettre à peindre. Pas ces tristes petits dessins que je faisais encore du coin de l'oeil lorsque j'ai décidé d'abandonner pour me mettre à l'écriture, mais de grands tableaux, comme avant, dans lesquels tenait le monde entier.
Le sujet de ma peinture était l'écume que forme l'hélice du ferry quand, en quittant le quai, le moteur accélère dans l'eau verte qui bouillonne. La couleur émeraude de l'eau, je l'avais rendue pâle, superficielle, pensais-je, comme un bonbon à la menthe vitrifié. Je n'avais pas encore réussi à faire en sorte que l'on sente, sans la montrer, sans la rendre trop évidente, la profondeur abyssale, la mort. L'écume semblait belle, incompréhensible, chaotique, séparée et inséparable de l'eau.