Maurice Gouiran est un dénicheur d'affaires tues, oubliées, ou dont on n'a qu'une version expurgée. Il n'hésite jamais à écorcher les hommes politiques vivants ou décédés. Autrement dit, il ne manie pas la langue de bois et secoue le cocotier, quitte à déranger. Sa grande force, c'est qu'il oblige le lecteur à aller plus loin, à réfléchir, voire à se documenter pour mieux comprendre les thématiques soulevées. C'est un aspect très intéressant et didactique de ses récits.
Cette fois-ci, on pénètre dans son roman par deux entrées. On est à Marseille où une enquête est diligentée pour comprendre pourquoi plusieurs immeubles se sont effondrés. Les élus dénoncent la pluie qui a probablement provoqué des éboulements. La capitaine Emma Govgaline mène des investigations pour savoir, entre autres, si les travaux obligatoires d'entretien ont réellement été faits …. Qui se cache derrière la location de ces logements qui, au final, étaient non fonctionnels, insalubres ?
En parallèle un vieil homme est retrouvé mort, assassiné. Un des policiers dépêchés sur les lieux reconnaît son père avec qui il avait perdu contact. La mise en scène pour présenter le corps est particulièrement horrible. Il s'avère que c'était un paisible retraité, harki et que ce crime ne va pas rester un cas isolé. Qui est le tueur ? Quel message essaie-t-il de faire passer en agissant ainsi ? Quel but poursuit-il ?
J'ai très vite réalisé que je connaissais peu de choses des harkis. La vie dans des camps (avec des conditions très difficiles), la non-reconnaissance par l'état, oui, mais je n'imaginais pas tout. Et surtout j'ignorais les mots durs prononcés par certains dirigeants français.
Je pense que Monsieur
Gouiran est un humaniste. Il glisse sa gouaille marseillaise dans son texte mais on ne rit pas tant que ça. Finalement, pas étonnant qu'il cite Escudero, ils se ressemblent. Ce sont des « révoltés », droits, engagés, qui luttent avec leurs mots, et qui n'ont pas peur de dire ce qu'ils ressentent. Et qui nous obligent à ouvrir les yeux.
Dans ce recueil, l'auteur évoque la guerre d'Algérie et une opération : « La bleuite » ou « le complot bleu », dont peu, tant en Algérie qu'en France ont entendu parler. Cela consistait à écrire des listes de soi-disant collaborateurs algériens de l'armée française et à les donner aux chefs de l'Armée de libération nationale (ALN) pour entraîner un « nettoyage » en tuant les personnes ainsi désignées. Des faits historiques réels et terriblement injustes. Ici, ils permettent de tisser une belle intrigue.
Clovis, le journaliste, berger dans la garrigue va aider Emma et ses collègues à questionner les personnes liées de près ou de loin aux harkis tués. Ils vont remonter la piste à l'envers pour comprendre l'indicible, alerter ceux qui restent, éviter que de telles erreurs se reproduisent.
C'est avec une écriture vive, alerte, accompagnée de nombreuses références historiques que l'auteur construit son texte. Il parle d'une guerre qui date de plus de soixante ans et qui a encore des répercussions aujourd'hui sur les descendants des harkis… C'est noir, c'est dur mais ça parle de la vraie vie, pas celle qu'on met en vitrine, non, l'autre, qui est dans l'arrière-boutique où il faut vraiment creuser pour voir….
NB : Encore une superbe couverture !
Page 29,
Lény Escudero - Sacco et les autres, je l'ai écouté avant de reprendre ma lecture…. Quel chanteur !
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