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4,18

sur 981 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comme il est difficile de parler de ce livre. Lire le « Rivage des Syrtes », c'est comme pénétrer dans une cathédrale. On est ébloui par la majesté de ces lieux chargés d'histoire ; on avance dans un silence recueilli ; on se sent humble ; on est hors du temps.
C'est un roman intemporel qui évoque la chute irrémédiable de la principauté d'Orsenna, pays imaginé par l'auteur. Un « pays de légende », un vieux pays, ankylosé, boursouflé, dont l'élite végète dans des palais déserts et moisis. Un peuple harassé, mais pétri de bonnes manières ; un peuple qui n'a plus de rêves, plus d'Histoire, qui a peur de son ombre et des soubresauts inquiétants qui agitent le Farghestan, son ennemi héréditaire. Un « pays de légende » si proche du notre !
C'est un roman minéral où les roches battues par tous les vents, les ruines ancestrales pénétrées de vieilles légendes, les palais inhabités et sans âme, les pas qui résonnent sur les dalles usées par les ans tiennent plus de place que les Hommes qui se contentent de passer, ombres éphémères et inquiètes.
C'est un roman désespéré avec comme seule issue la débâcle. Dès les premiers mots, ont la sent, on la voit venir, puis on l'espère car, à tout prendre, mieux vaut le désastre, cet écroulement soudain plutôt que de crever ensablé.
C'est un roman où l'on s'égare facilement, tant le chemin est étroit et tortueux, tant la brume qui nous enveloppe est épaisse.
Beautés figées et style baroque. Lecture difficile et exigeante. J'ai eu cette impression fugace, car tout est entouré de voiles et de brumailles, d'avoir frôlé du doigt quelque-chose d'essentiel liée à mon histoire, à mes vies antérieures, que sais-je, et d'être à certains moments touché par la grâce.




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Ce livre est difficile, lent, énigmatique. Si peu actuel en fait. M'est venue l'idée désespérante et nostalgique que les hommes ne pourront peut-être plus le lire dans l'avenir. Sa langue et sa musique vont disparaître, devenir hiéroglyphes puis murmures. Tout à l'heure, je regardais les critiques du livre. Déjà, quelqu'uns cèdent, ne font plus l'effort des mots, trouvent confus et lourd ce que seul pourtant leur esprit devient peut-être.

C'est donc important qu'à travers quelques uns, qu'à travers vous, restent encore ces lecteurs anonymes pour faire vivre dans le secret de leur coeur, cette langue si intime qui nous parle du silence, du mouvement propre des âmes qui errent. Ces âmes qui tentent encore, dans un ultime effort, de s'arrimer à la terre des paradis que d'autres disent perdus.

Le Rivages des Syrtes est un livre initiatique. On ne peut donc le décrire, il faut donc l'écouter. L'écouter encore. Puis murmurer à voix basse, les Correspondances beaudelairiennes.
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Aldo, un jeune homme issu d'une famille dominante à Orsenna, une Seigneurie imaginaire, est envoyé dans une province du Sud, sur le rivages des Syrtes, en tant qu'observateur. La province est en guerre passive depuis plus de trois cents ans, contre le Farghestan, situé à quelques milles marins de la forteresse. La province somnole, les routines l'ont endormie. L'arrivée d'Aldo modifie la donne. Malgré les réserves émises par son ami le capitaine Marino, aux commandes depuis trop longtemps, Aldo veut bousculer les habitudes. Sa liaison amoureuse avec Vanessa, dont le passé familial n'est pas exempt d'entente avec l'ennemi, est un catalyseur : il transgresse les interdits et plonge la province dans le chaos.

Il est vain de chercher à identifier faits et lieux : ils sont universels et et donnent au roman une dimension mythologique.

Le récit illustre la fragilité des destins individuels face aux comportements impérieux et belliqueux des hommes. Les destins déjà écrits, inexorables, et le héros devient la main armée d'un conflit qui le dépasse. le chant des sirènes lui fait perdre la raison face l'appel inéluctable, et la transgression agit comme déclencheur. Et le héros prendra conscience trop tard de la manipulation dont il a été l'objet.

Enclavé entre un passé lourd de litiges qui ont laissé des empreintes éternelles, et un futur déjà écrit, le présent n'existe que comme un entre-deux.

Porté par une écriture ciselée et complexe, parfois difficile à comprendre, mais sublime : la poésie renforce l'appartenance au registre de la légende.

Ecrit en 1951 et lauréat du prix Goncourt, que l'auteur refusera, pour dénoncer les compromissions commerciales de la littérature.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ce Rivage est un dépaysement. Il y a volontairement peu d'éléments pour situer l'action dans le temps et dans l'espace. le roman se concentre sur l'attente d'un événement bizarrement salutaire: la guerre.
Le narrateur est Aldo, un homme d'une vingtaine d'années de la jeunesse dorée d'Orsenna, ville et état en guerre - guerre que l'on dira passive - avec le Farghestan depuis 300 ans! Il est chargé d'une mission d'observation sur une forteresse en piteux état dans une région tout aussi inhospitalière, au bord de la mer: l'Amirauté.
Cet endroit est en première ligne, bien que séparé de l'ennemi par deux jours de mer.
Aldo évoque cet environnement comme dans un songe, le paysage et les ruines inspirent ses réflexions. La longueur exceptionnelle des phrases, heureusement ponctuées et poétiques, donne d'ailleurs l'impression que le temps se fige.

Pourtant, imperceptiblement et à mon avis de façon magistrale, l'auteur distille le changement.
Le catalyseur de cette réaction est Aldo, personnage romantique, contemplatif mais aussi impétueux. En effet , son action est susceptible de perturber un équilibre de 300 ans.
Julien Gracq décrit cette atmosphère surréaliste avec bien peu d'événements - et pourtant à mon avis sans ennuyer le lecteur - grâce à son style.
Des phrases étirées dans lesquelles je me suis baigné avec délice, sans me noyer.
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Pour avoir entendu il y a quelques années lors d'une lecture publique « à l'aveugle » les premières lignes du Rivage des Syrtes et avoir été instantanément happée par sa musicalité sourde et son mystère, je pressentais que la découverte de ce livre serait une aventure particulière : hors des normes, exigeante, mais d'une densité rare. Cette première approche m'a aidée à aborder ce livre réputé difficile en m'ayant en quelque sorte préparée à ne pas appréhender la difficulté ou la crainte de l'ennui d'une intrigue que je savais peu développée, car la certitude était là de vivre a minima une pure expérience littéraire de qualité exceptionnelle.
Pressentiment confirmé dès les premières pages, dans lesquelles je me suis laissée couler avec délices, sans tout à fait lâcher prise car la prose sophistiquée de l'auteur requiert une attention constante ; les phrases, longues et profondes, vous enserrent comme des lianes ou des nuages de brume pour vous enfoncer dans l'atmosphère de torpeur vaguement oppressante du récit. La découverte de la chambre des cartes, deuxième ou troisième chapitre du livre, est une expérience que je ne suis pas prête d'oublier.
Bien sûr j'ai peiné sur quelques longueurs et autant d'incompréhensions. Mais la puissance d'évocation est telle, l'écriture multidimensionnelle qui vous fait voir, sentir, ressentir chaque lueur et chaque ombre, chaque brise de vent et chaque morsure du soleil, qui lève des ombres au fur et à mesure qu'elle se déploie pour en révéler de plus obscures encore, cette écriture porte en elle un tel pouvoir d'envoûtement que, chose rare me concernant, j'ai accepté de renoncer à analyser et comprendre ce dont au fond il retournait dans cette histoire de guerre larvée, de bout du monde, d'attente nerveuse et angoissée d'un cataclysme libérateur.
Je vais donc laisser ces sensations se sédimenter et maturer en moi avant que n'en remonte, peut-être, le sens.
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Il n'y a pas vraiment de sens à faire une critique du ‘Rivage des Syrtes', dans le sens où il ne s'agit pas d'un livre qu'on puisse critiquer. On critique une histoire ; or ce n'est pas un récit à proprement parler. C'est une attente. Dans ces conditions, rien n'est plus facile que de passer à côté : il suffit d'attendre qu'il se passe quelque chose. Car ce qui est important dans ce livre n'est pas ‘qu'il se passe quelque chose' mais de l'attendre.

Dis comme ça je suis d'accord, ce n'est pas très vendeur. Pas franchement en accord avec les goûts modernes. Mais l'on n'attaque pas ‘Le rivage des Syrtes' comme on attaque un livre ordinaire. On n'arrive pas sur le rivage des Syrtes, mais sur le front des Syrtes. On prend place à côté d'un homme aussi plein de feu et de vie qu'on peut l'être à vingt ans, qui arrive en un lieu supposément en guerre, mais où il ne s'est rien passé depuis… Trois siècles !

C'est une ambiance construite avec minutie, qui peut s'avérer étonnamment prenante. C'est une succession de tableaux, tous aussi magnifiques les uns que les autres. Et c'est un désir secret, un désir permanent, que dans cette magnifique et vénérable citée, il se passe enfin quelque chose, un tout petit quelque chose, quand bien même cela devrait la détruire. Quand bien même on devrait regretter pour toujours ce moment…

Il est révélateur que ce livre concentre un certain nombre des meilleurs critiques de Babelio. Qu'on l'ai aimé ou non, il pousse chacun à se dépasser. Et pourtant, il m'a toujours semblait qu'il y manquait quelque chose… Mais quoi ?
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Il en est de certains livres comme de certaines îles inabordables. On les découvre, on en fait le pourtour, en louvoyant prudemment de peur de s'échouer sur un récif invisible, on les approche au plus près pour que l'oeil, qui a englobé de loin la ligne maîtresse du lieu, décèle les nouveaux trésors qui ne peuvent être appréciés qu'à distance d'homme. Et si l'on finit par trouver une anse secrète permettant de jeter l'ancre, on n'ose toutefois franchir le dernier écueil pour aller poser le pied sur le sol meuble, comme si laisser sa trace dans un lieu empreint d'une telle majesté constituait déjà un crime céleste.

Il en est ainsi de la lecture du rivage des Syrtes. On a conscience, page après page -et dès la première, qu'il s'agit d'une lecture au caractère unique, de celles qui vont indubitablement laisser une empreinte. On est subjugué par ce grand récit, par le maniement superbe de la langue, la pleine maîtrise et la force du style d'un grand auteur, qui fait danser les mots en une sarabande grandiose. Lorsque la lecture s'achève, l'histoire continue de cheminer en nous. Comme la vague arrivant à terre pour se retirer inlassablement, notre imagination poursuit sa route, en doux allers-retours, comme une divagation rêveuse qu'on ne souhaite pas achever.
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Livre d'un presque rien qui dévaste un empire, où le rien qui se passe se fait tout, le rivage des Syrtes fascine. Quelque chose d'antique, ce vieux bouquin jauni, cette guerre larvée qui, mine de rien, se délarve, ces paysages vides, cette atmosphère floue d'une vieille de combat, ce non-dit qui se confesse, ces désirs qui tournent autour d'un pot qui se dévoile presque, quelque chose qui donne un je-ne-sais-quoi. Ce livre ne ressemble à aucun autre. On se dit donc que l'auteur est grand, que du vrai se cache sous ce style pas tout à fait précieux, un style noble et vaguement dérisoire (quelque chose de Proust, mais ailleurs). Quelque chose (le mot quelque chose se répète parce qu'il est le seul qui convient) a lieu, dans cette ville sclérosée d'Orsenna, sur ces rivages flous des Syrtes, dans les populations qui se moyenâgent à Maremna. Un homme (un héros ?) provoque une guerre qui existe déjà, un rouage déborde le vase d'attente, le pouvoir secret se dévoile vaguement, les hordes du Farghestan menacent. Un empire va tomber, on s'en doute, mais le génie de Gracq, c'est de ne pas dire la chute mais ce qui la précède. Quelque chose d'antique, de déjà mort et l'appel de plus en plus net d'une renaissance, alors qu'étrangement, le royaume d'Orsenna, qu'on imagine peut-être italien, fait très Renaissance, on pense à la Venise des Doges, à une Florence empaillée. L'appel de l'inconnu, la frontière dont on sait très vite, dès la scène de la salle des cartes, qu'elle devra, malgré les siècles, être transgressée, la frontière que l'on désire ardemment, avec Aldo, franchir, ce monde inconnu, ennemi qui fascine comme fascine, et c'est sans doute là qu'aboutira ce roman qui se termine au moment où tout va commencer, la mort, tout, dans le rivage des Syrtes est tendu vers demain, un demain d'autre vie qui changera tout, Marino est mort, les temps anciens seront balayés, Orsenna court heureuse à sa perte, comme la vieille Europe, du temps de Gracq s'était jeté dans la gueule-aimant de la baleine guerre. On s'y jettera encore souvent.
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Avant de lire Julien Gracq, je pensais qu'il était français, comme moi.
En fait, il l'est peut-être, mais il écrit dans une langue dont je n'arrive pas à définir ce qu'elle est.
Trop différente, « trop de mots », trop riche.
A vous dégoûter d'aller au cinéma par ce qu'elle déclenche en images et en sensations qui surchargent vos sens, engorgent vos synapses. Ce n'est pas du 3D c'est du 259D, une sorte d'IRM littéraire.
Le problème, ou l'avantage, d'une telle écriture, c'est que peu de choses vous donnent une somme phénoménale d'informations. Cela suffit à créer une atmosphère dans les limbes du Monde, avec peu de personnages dont on ne connait pas les tourments profonds, une situation géopolitique fictionnelle vague mais pesante et un amour quelque peu clinique.
Bref on est dans une autre dimension entre la 4 eme et la 259eme, mais on fait le chemin jusqu'à son terme, avec plaisir, on en sort un peu « chose », limite LSD, persuadé d'avoir vécu une expérience ésotérique.
Je me suis réadapté à la vie en lisant l'Equipe.
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LE RIVAGE DES SYRTES de JULIEN GRACQ
Aldo, avec l'appui de son père, est nommé observateur auprès des Forces Légères que la Seigneurie entretenait dans la mer des Syrtes aux confins du Sud d' Orsenna, un endroit perdu et perçu comme un purgatoire où l'on expie une faute quelconque. Il rejoignait donc la frontière du Farghestan avec lequel Orsenna était en guerre depuis 300 ans, une guerre étrange comme si on avait oublié de signer l'armistice. de fait il ne se passait absolument rien dans le secteur. Il fut accueilli par le Capitaine Marino qui lui présenta les trois lieutenants, Fabrizio, Giovanni et Roberto. L'activité principale du lieu est l'élevage de moutons semi sauvages. En tant qu'observateur Aldo envoie des compte rendus d'activité à sa Seigneurie et il a peu à raconter. En montant au sommet de la forteresse,un soir, il va distinguer les manoeuvres suspectes d‘un navire. A partir de ce moment il va questionner Marino, s'intéresser à cette drôle de guerre et rencontrer Vanessa, une jeune femme qu'il a connu à Orsenna, et qui va le pousser à l'action. Dans cet endroit immobile depuis trois siècles va donc s'engager une lutte d'influence entre un Capitaine Marino épris du statu quo, Vanessa qui pousse Aldo à l'action et Aldo lui même, observateur espion qui se sent l'âme d'un héros.
Roman passionnant, histoire d'une attente que personne n'ose interrompre mais qu'inconsciemment on rêverait de briser. Orsenna, principauté figée dans son immobilisme, gérée par de vieilles familles dont Aldo est issu, incapables de se projeter dans l'avenir et vivant sur son passé.
Un livre magnifique, prix Goncourt 1951( refusé par Julien Gracq)
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