AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782072855146
272 pages
Gallimard (19/09/2019)
4.42/5   19 notes
Résumé :
Charme, spontanéité, insouciance ou vertu : il semble que les états les plus désirables, à l'image du sommeil, ne puissent survenir qu'à condition de n'être pas recherchés, le simple fait de les convoiter pouvant suffire à les mettre en déroute. Comment se soustraire à ce piège ?

Cet essai prend pour point de départ le paradoxe de l'action volontaire, repéré depuis longtemps, mais mal élucidé et jamais résolu dans la philosophie occidentale. Il se po... >Voir plus
Que lire après L'usage du videVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Cet essai de Mathieu Graziani, un spécialiste du taoïsme encourage avec subtilité à explorer le monde du non-agir opposé à l'éthique volontariste, à la volonté musculaire. le lecteur se laisse entraîner dans ces analyses subtiles qui allient philosophie chinoise des temps anciens et moments-clés de notre existence. On se pose des questions:
Dans ce que je réussis, quelle est la part de l'intention volontaire, rationnelle, motivée,
quelle est la part du hasard ?
Quand je cherche le sommeil, quand je perds un objet, quand j'ai un mot sur le bout de la langue je sais qu'il ne sert à rien de forcer, cela me reviendra par surprise, au-moment où je n'y pense plus...

Comment arriver à un état optimal, pour créer, jouer au tennis ou d'un instrument de musique ?
« Nos états optimaux sont aléatoires, hasardeux, non durables »

Romain Graziani va chercher entre autres exemples une réponse dans le Tchouang-tseu avec cette histoire du charpentier Ts'ing, un homme du commun qui a réalisé une oeuvre qui stupéfie son seigneur. Pour y arriver, le charpentier a fait des détours pour atteindre son état d'optimal: un long jeûne qui le mène à un état d'épuisement, et là, enfin, il peut créer.
« le charpentier Ts'ing explique les dispositions d'esprit qu'il s'est efforcé de cultiver avant l'exécution concrète de sa tâche . »

Et il y aura d'autres histoires, la façon dont Poincarré décrit l'arrivée d'une idée mathématique, Alexandre Grothendieck qui compare le cassage d'une noix avec un marteau burin et celui du passage des saisons, Glenn Gould qui joue au piano au-milieu d'un vacarme volontaire pour surmonter une inhibition.
Histoire d'un concours de tir à l'arc: moins il y a d'enjeu, moins on est paralysé. Un peu à l'exemple du joueur de tennis au moment de conclure, et l'auteur de citer l'autobiographie d'André Agassi. « Réaliser une tâche de façon distraite peut nous amener à mieux la réaliser.»
J'oubliais l'histoire de l'homme qui voulait semer son ombre: « Il y avait une fois un homme qui, par peur de son ombre et par aversion de ses traces, s'était mis à courir à toutes jambes pour y échapper ». La suite de l'histoire et son analyse démontre qu'il est inutile de taper plus fort pour résoudre un problème. Il faut accepter de cesser de vouloir résoudre le problème (s'arrêter de marcher et se mettre à l'ombre). Se retrancher du monde, vertus régénératrices du silence et de la solitude.

L'auteur déniche des solutions pour aller vers ces états optimaux, le détachement vis-à-vis des fins, l'art de la privation volontaire, l'imitation et l'importance du ritualisme.
« C'est en faisant semblant qu'on y arrive vraiment »

« le pari du ritualisme est que la conduite de celui qui observe les conventions et les bienséances prescrites par l'étiquette commence avec l'imitation et la répétition, mais culmine dans l'intelligence morale de chaque geste éxécuté selon le rite. (...) le rite sculpte en vous les formes favorables d'états optimaux. »
Une belle exploration de la psyché humaine qui entraîne (double-sens) le lecteur dans un exercice d'introspection sur les raisons profondes qui gouvernent notre volonté (et ses échecs) ou notre absence de volonté (et ses réussites surprises...).

Lien : http://killing-ego.blogspot...
Commenter  J’apprécie          60
Voici un "petit" ouvrage enthousiasmant pour qui s'intéresse à la pensée chinoise, laquelle offre souvent une approche différente et fructueuse de nous-même.

C'est essentiellement au travers des textes taoïstes de l'antiquité chinoise que Romain Graziani (qui n'en est pas à son coup d'essai, je conseille vivement le formidable "fictions philosophiques du Tchouang Tseu") nous présente une réflexion sur les ressorts volontaires de l'action.

L'idée peut paraître très abstraite ou conceptuelle; en réalité elle est extrêmement concrète et concerne notre vie quotidienne.

L'idée : le meilleur moyen d'advenir à ses fins n'est pas nécessairement la ligne droite de la volonté et de l'anticipation conceptuelle. On est alors à 1000 lieux de notre "héritage grec", qui fait de l'idée et du but l'alpha et l'oméga de l'efficacité, une sorte d'"éthique musculaire" (expression de l'auteur, toujours très inspirée) parfois inutile et contre-productive.

La pensée chinoise est à l'inverse de l'européenne notoirement pragmatique et contextuelle; elle tient compte des facteurs de changement et donc de la durée.

Trouver le sommeil, pratiquer un sport, créer une oeuvre d'art, tenter de se remémorer un nom, séduire, gouverner, vaincre, penser mathématiquement etc ... autant de projets passant par des "états optimaux réfractaire au vouloir" décrits au travers de textes expliqués dans une langue extrêmement claire.

On sort de cette lecture réellement enthousiasmé, loin des poncifs que dispense une pensée exotique sur "l'le non-agir" que l'auteur remet en perspective en lui assignant une juste place, entre volonté excessive et passivité pure.

De nombreuses références non chinoises favorisent des rapprochements avec des travaux peux connus de psychologie contemporaine, européenne ou américaine, rendant l'ouvrage encore plus riche.

Graziani est un jeune chercheur qui se réclame souvent de Pierre Hadot, grand promoteur avant lui d'une redécouverte "spirituelle" des philosophies grecques antique. Mais il se situe également au voisinage d'un auteur que j'apprécie beaucoup : JF Billeter, sinologue suisse et calligraphe, dont les écrits m'ont ouvert les yeux sur ce qu'on appelle "le taoïsme" ...
Commenter  J’apprécie          20
Les précédentes critiques ont bien résumé le propos et les qualités du livre. On peut simplement ajouter que cet essai semble plus jamais actuel et indispensable à lire à l'heure ou l'expression forte voire vindicative d'une "volonté", de rigueur dans le champ social et politique (y compris internationale...) sans oublier les relations amicales et amoureuses ne fait qu'aboutir à l'hypertrophie de l'ego, à la démesure et à des résultats profondément nocifs.

L'auteur analyse également avec finesse les paradoxes et les pièges d'un pseudo "lâcher prise" tant vanté par les professionnels du "développement personnel", sans oublier la "pose" des personnes qui donnent des leçons de vertu et de transparence pour s'ériger en modèles, et qui ne sont, bien souvent, que des imposteurs.

Style limpide, accessible à tout lecteur attentif. Un philosophe compréhensible c'est bien agréable...
Commenter  J’apprécie          50
Un essai passionnant et agréable à lire sur les rapports entre la volonté , le désir de faire, et l'échec paradoxal des projets trop désirés.
Nous avons tous fait l'expérience de succès, peu ou pas désirés, et d'échecs malgré une volonté de réussir et le soin qu'on y a apporté pour réussir.
L'auteur nous illustre (et nous réconforte) en illustrant ces situations apparemment paradoxales par des textes millénaires du taoïsme.
On sort de cette lecture plus intelligent, et une meilleure compréhension de « l'usage du vide », du non vouloir comme accomplissement.
Commenter  J’apprécie          30


critiques presse (1)
LaViedesIdees
20 juillet 2021
Le vide est un point de tension entre les mondes chinois et occidentaux. Romain Graziani soutient que certaines impasses de la conceptualité occidentale pourraient s’ouvrir grâce à la pensée chinoise du vide qui nous apprend que trop s’attacher à fixer un but fait qu’on le manque invariablement.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le charpentier Ts’ing avait taillé dans le bois un support pour des cloches rituelles. À la vue de l’ouvrage achevé, les gens étaient frappés de stupeur comme si c’était là l’œuvre d’un dieu. Le seigneur de Lou le regarda à son tour, et interrogea le charpentier : « Par quel art êtes-vous arrivé à cela ? » L’autre lui répondit : « Votre serviteur n’est qu’un humble ouvrier, quel art pourrait-il bien posséder ? Mais il y a, tout de même, une chose : lorsque je m’apprêtais à fabriquer ce support, je ne me suis pas risqué à dépenser en vain mon énergie. Il m’a fallu jeûner afin de tranquilliser mon esprit. Après trois jours de jeûne, je n’osais plus songer aux compliments, aux récompenses, aux titres ou aux émoluments que j’en pourrais retirer. Au cinquième jour, je ne m’aventurais plus à des considérations de blâme ou d’éloge, d’habileté ou de maladresse. Au septième jour, je perdis d’un coup conscience de mon anatomie et de tout mon corps. À ce moment-là, votre seigneurie et sa cour avaient cessé d’exister. « Mon adresse s’était concentrée et finit par éclipser toutes les nuisances du dehors. C’est alors que j’entrai dans les forêts en montagne, et me mis à contempler la nature même des arbres. Quand la forme et le fût d’un arbre m’apparurent parfaits, la vision se forma du support à fabriquer, et c’est à cet instant seulement que j’y appliquai ma main. Si les choses ne marchent pas ainsi, ça ne peut pas prendre. En somme, je ne fais qu’accorder le naturel au naturel. De là sans doute que les gens se demandent s’il s’agit d’une œuvre d’un dieu, n’est-ce pas ? 
Commenter  J’apprécie          30
Ce n'est qu'une fois que l'on s'est débarrassé de la sagesse que la sagesse peut pleinement s'avérer dans toute son efficience. Se débarrasser de la bonté ne signifie pas que l'on désire ne pas pas être bon, mais doit se comprendre en fonction du fait que l'emploi conscient d'une conduite bonne dégénère en conduite factice. C'est une chose bien ardue à saisir ! Je savais que ne pas être perspicace revenait à ne pas être perspicace, mais j'ignorais que se montrer perspicace n'était guère perspicace.
Commenter  J’apprécie          50
Il semble que les états les plus désirables, à l’image du sommeil, ne puissent survenir qu’à condition de n’être pas recherchés, le simple fait de les convoiter pouvant suffire à les mettre en déroute. Or ce paradoxe de l’action volontaire, mal élucidé et jamais résolu dans la philosophie occidentale, est au centre de la pensée taoïste. L’auteur explore dans cette double lumière, à partir de diverses sphères d’expérience, de la pratique d’un sport à la création artistique, de la recherche du sommeil à la remémoration d’un nom oublié, ou encore de la séduction amoureuse à l’invention mathématique, les mécanismes de ces états qui se dérobent à toute tentative de les faire advenir de façon délibérée.
Commenter  J’apprécie          30
Il s’est employé, par une inaction volontaire et prolongée, à retrouver un état plénier de disponibilité ; l’œuvre qui en résulte n’est que la manifestation concrète du stade final de ce travail de purification interne, qui représente aux yeux de l’artisan la seule chose intéressante à commenter. Ce prodige d’art que les gens admirent, veut-il nous faire comprendre, tient avant toute chose à un conditionnement mental induit par un exercice sur soi, fait de réceptivité et de patience.
Commenter  J’apprécie          20
L'homme bon sait, comme Wang Bi le rappelle, que vouloir faire le bien c'est subordonner son action à un intérêt étranger à la seule considération du bien, alors qu'il suffit parfois de ne plus vouloir le faire pour agir tout bonnement. Ce n'est qu'en effaçant de son esprit la considération prioritaire des effets méritoires de son action que la plénitude de la bonté peut se manifester dans chaque geste.
Commenter  J’apprécie          20

autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (75) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
440 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}