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Citations sur Léviathan (116)

Il y avait des moments où sa vie lui apparaissait non pas comme une succession d'années, mais comme un être vivant, une sorte de double à qui elle aurait donné un visage, des gestes, une voix, et cette personne mystérieuse se présentait à elle dans des heures de grande solitude ou après une forte émotion, semblable à celle qu'elle avait éprouvée ce jour-là; elle la sentait à ses côtés, parlant d'une voix que le silence dominait. Elle avait alors l'impression qu'elle se trouvait avec une voyageuse qui revenait d'un pays lointain et lui racontait ce qu'elle avait vu, et il lui fallait un effort pour sortir de l'espèce d'engourdissement où son étrange rêverie la faisait glisser.

Deuxième partie
Chapitre II
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Les quelques heures qu'il avait vécues depuis l'aube lui donnaient l'impression étrange d'une vie au milieu de sa vie, une vie effroyable, pleine de douleur et de sang, ni brève, ni longue, impossible à mesurer selon nos conventions humaines, mais complète en elle-même, intercalée dans sa vraie vie comme un songe dans les vingt-quatre heures de la journée, et ne ressemblant pas plus à cette vie que les visions de la nuit ne ressemblent aux gestes que nous accomplissons en plein jour. Bientôt elle allait finir, il allait se réveiller, retrouver les soucis familiers, l'ennui du matin, l'ennui du soir.

Première partie
Chapitre XIII
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La lumière éclairait faiblement ce visage d'où la jeunesse avait fui. Dans ce front, dans ces joues avalées l'âge s'était installée pour toujours; des rides victorieuses soulignaient le défaut des traits, l'amertume des lèvres, la lassitude des paupières. Il la regarda et pensa : "Jamais je ne l'ai aimée ", et, comme si elle sentait peser sur elle ce dur et injuste regard, elle esquissa dans son sommeil un geste de la main et respira plus profondément.

Première partie
Chapitre XI
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Pourquoi ne mourait-il pas ? Combien de chagrin fallait-il pour tuer un homme, pour que le coeur crevât ? (...)
Mais comment sa joie s'était-elle changée en désespoir ? Le voilà qui revenait chez lui, plus triste et plus accablé qu'avant ? Pourquoi, tout d'un coup, son sort était-il lié à celui d'une femme qu'il avait rencontrée dans la rue ? Quelles étaient les lois folles qui régissaient la vie des êtres ? S'il détestait cette femme, que ne la fuyait-il?

Première partie
Chapitre XI
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Mais à présent que la lumière était faite, à présent qu'il savait qu'elle avait appartenu à tous et ne se refusait qu'à lui, il lui semblait que son coeur ne pouvait contenir toute la haine que cette femme y mettait. Il la détestait d'autant plus qu'il se sentait pour elle un attachement que rien n'affaiblirait jamais.. C'est toute sa liberté qu'on abandonne à jamais lorsqu'on s'éprend d'un être; le désir peut s'éteindre, la passion peut mourir tout à fait, mais il reste au fond du coeur quelque chose d'inaliénable que l'on peut donner mais non reprendre. L'homme qui aime a vendu son âme et c'est en vain que la haine vient disputer la place à l'amour; jusqu'à la mort on appartient à ceux qu'on a aimés. Il comprenait cela. Son instinct l'avertissait de l'aspect étrange que prendrait Angèle à ses yeux dans dix ans, dans vingt ans, de la dépendance où il serait toujours, de l'esclavage du souvenir. Et jusqu'à la fin de sa vie il serait soumis par l'esprit, par le coeur, peut-être par les sens, à une femme aux yeux de qui il s'était rendu ridicule, une femme qui devait rire de lui et de son respect.

Première partie
Chapitre XI
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(...), mais quelque part au fond de son cerveau une pensée veillait, pareille à une flamme qu'aucun souffle ne réussissait à éteindre. Dans l'obscurité, il distinguait devant lui une longue surface blanche qui semblait trembler légèrement, le mur, puis une tache noire, la porte. Un jour, il passerait le seuil de cette porte et ne reviendrait plus dans cette chambre où il avait déjà tant souffert. Serait-il mort ou vivant ? Et s'il était vivant, où irait-il ? Que lui arriverait-il de meilleur ou de pire que ce qu'il avait connu jusqu'alors ? N'était-il pas affreux d'être confiné ainsi à la connaissance du présent, de ne pas savoir si l'avenir allait aggraver ou soulager vos peines ? Etrange parcimonie du temps qui répartit nos maux sur les heures et les jours et ne nous en donne qu'un peu à la fois comme pour ne pas nous tuer trop vite.

Première partie
Chapitre XI
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Elle avança de quelques pas dans la nef en tournant le dos à l'autel. Il flottait encore dans l'air un reste d'encens dont elle huma l'odeur une ou deux fois avec un plaisir mélancolique; ce parfum chargé de souvenirs d'enfance lui donnait tout d'un coup le regret de choses qu'elle n'avait pas eues. Jadis, lorsqu'elle était petite, elle se figurait le paradis comme un pré sans limites sous un ciel de printemps; des bouquets d'arbres en fleurs rompaient la monotonie de cette immense étendue à peine ondulée; et, çà et là, des enfants dansaient en rond, en chantant. c'était ainsi qu'elle imaginait l'éternel bonheur de l'âme unie à Dieu, (...).

Première partie
Chapitre IX
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Et les années passaient sans la guérir de ces souvenirs, ni adoucir la plaie vive qu'ils laissaient en elle. (...)
N'y avait-il aucun moyen de conjurer la tristesse de l'avenir ? Lorsqu'on priait, n'était-ce pas pour cela ? Sans beaucoup de conviction elle fit le signe de la croix sur le haut de son corsage. (...)
Le silence grandissait et prenait possession de la voûte profonde du choeur, des chapelles où tant de femmes malheureuses étaient venues s'asseoir pour souffler un peu et tenter de se faire à leurs peines en les racontant au ciel.

Première partie
Chapitre IX
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Elle en arrivait à croire qu'elle n'était pas aussi belle qu'elle le croyait, ou tout au moins que la beauté ne suffisait pas si quelque chose d'insolent et d'assuré dans le regard et la démarche ne venait en compléter le charme.

Première partie
Chapitre IX
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Et cette scène lui semblait l'image et le résumé de sa vie : elle était au bord d'une route, immobile, pendant que ces êtres pleins de force et de joie passaient devant elle, sans que, par un mystérieux ordre de choses, elle pût faire un geste pour les retenir. Il fallait qu'elle vît disparaître cette foule de jeunes hommes dont un seul, peut-être, l'eût rendue heureuse sa vie entière.(...), le souvenir de ces cruels instants lui revenait à l'esprit, comme pour se moquer de ses désirs.

Première partie
Chapitre IX
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