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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les lieux se mélangent, les dates varient. D'un souffle, Elsa se livre. Femme abîmée, belle insolente, petite fille, amante, magnifique, pauvre, riche, à Rome, ailleurs, ici. Une plume, un soupir. Les ans s'égrènent sur ses rencontres, ses amours, ses passions. Elle s'abandonne.

Elle croise Rossellini, Magnani, Pasolini et Fellini, s'amourache de Visconti, aime Bill Morrow, souffre, se perd en Moravia, sa passion, son naufrage. Elle aime. Entière, passionnée, écrit comme elle vit, comme elle respire. Elle sait que le succès est à sa porte, qu'elle est meilleure que lui, son mari écrivain, que les autres et sera récompensée.

L'Italie se traverse à son bras, sourire aux lèvres - heures flamboyantes ou disette - noyé parfois de larmes sous la plume poétique de Simonetta Greggio. Les pages se tournent et se savourent, se relisent. C'est doux tel un murmure. Une confidence que l'on reçoit, privilégié, avide d'en connaitre davantage. Encore un peu. Qui était-elle ?

Elsa Morante, j'ai entendu tes mots, j'ai respiré ton souffle, il ne me reste plus qu'à te lire.

Un écrit passionnant.








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Magnifique hommage à Elsa Morante que l'on connait peu dans l'intimité. Beau texte, la dolce vita dans la souffrance et la poésie. A LIRE ABSOLUMENT
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Je commence par remercier Masse critique et les éditions Flammarion pour ce cadeau
L'italien étant ma première langue, je m'intéresse à son Histoire et à sa littérature.
J'avais lu « La storia » et « L'île d'Arturo ». C'est un bonheur de retrouver leur auteur. Deuxième bonheur important : Simonetta Greggio, beaucoup lue et toujours appréciée.
Me voici en territoire familier.
Le je narrateur n'est pas Elsa, mais Simonetta qui parle pour elle et prend soin de préciser qu'il s'agit ainsi d'une oeuvre de fiction. Les personnages et les faits connus sont réels.
Car seule Elsa connaît la vraie Elsa.

L'enfant Morante était précoce et savait lire à quatre ans avec l'aide de sa mère institutrice. Elle a écrit des histoires dès son plus jeune âge et avait la conviction d'être née pour cela.
Si j'avais lu l'écrivain, je ne savais rien de la femme. Celle que présente Simonetta Greggio a « un sale caractère » , « le verbe haut, l'imagination rapide » .Comme sa mère.
Elle vit pleinement ses colères, ses ivresses, ses passions. « La vie est une folie sinon elle ne sert à rien ». et aussi « Risquer ma vie à chaque amour ».
La nostalgie est la dernière compagne d'Elsa, dans sa « cabane enchantée au milieu du jardin », avec ses chats et sa chienne Neve.
C'est rempli d'émotions une fin de vie.
« Appréhender la lenteur, pour moi qui ai vécu le souffle court, c'est le dernier défi ». « M'appartenir, c'est les admettre (les vieilles blessures), les revivre, les nettoyer »
Ses amis disparus l'accompagnent : « Je vous vois mes jeunes et beaux amis, jeunes et beaux pour toujours ». « Je n'ai pas besoin de vos photos, vos visages défilent devant moi un par un « .

Elsa plus vivante que de son vivant grâce à l'écriture de Simonetta Greggio, son lyrisme, son amour enthousiaste qu'elle nous transmet si bien et qui m'émeut profondément.
La qualité du livre est due à son talent. Merci encore.
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Un excellent roman d'une réussite éclatante. Elsa Morante est une femme qui a atteint la plénitude de ses talents et qui en a fait profiter les femmes de sa génération, nous sommes dans les années 40. Elle a vécu dans un milieu acculturé et a réussi à tirer des avantages de cette situation grâce à sa marraine . Ce monde n'était pas fait pour elle car elle était trop moderne pour l'époque, elle s'est battue, elle a renoncé à des choses pour pouvoir être elle- même, elle aurait pu se sacrifier et aurait été douée pour tout donner aux hommes qu'elle a aimés mais elle a fait un autre choix, elle a choisi d' être elle-même.
C'est une femme réaliste, bouillonnante, efficace dans ses pensées et lutteuse, car Elsa Morante, je pense, mais ce n'est que mon avis a fait un acte d'exorcisme en écrivant pour tuer les souvenirs damnés de son enfance. Elsa Morante a pu le faire parce qu'elle a été extrêmement douée et très intelligente pour tout.
Elle était une femme dans son coeur et dans son âme. Elle n'appartenait pas à un milieu dans lequel les jeunes filles étaient élevées comme des princesses. Elle a assumé son éducation grâce à sa marraine qui l'a trouvait déjà très intelligente et très mûre pour son âge.
C'est une lecture extraordinaire car on sent qu'Elsa est allée jusqu'au bout de ses élans et de ses rêves.
Simonetta Greggio pour moi est une grande romancière elle est un peu Elsa Morante car elle la décrit avec toute son âme et avec tout son coeur avec une grande authenticité et une belle sincérité de plus il y a une grande justesse de ton dans ce qu'elle dit et d'une belle acuité. Son écriture est harmonieuse et pleine de clarté que nous en redemandons. En lisant ces pages sur cette femme qui est extrêmement intelligente on se rend compte combien au fil du temps les critères qui servent de base pour juger une femme ont changé.
Bref, né d'un assemblage ou d'une conjonction la plus courte, Simonetta arrive à la conclusion qu'Elsa a réussi une victoire sur l'homme en général qui lui avait déclaré la guerre, une guerre littéraire bien sûr. On lui dira encore « madame » mais sur le ton de « monsieur ».
C'est un roman violent qui fait éclater les vitres mais ce que j'ai le plus aimé dans ce livre c'est l'écriture poétique de Simonetta. Une écriture éblouissante très bien menée avec une justesse de ton. Je déteste la pluie, mais avec l'auteure ses mots me font aimer cette pluie qui est omniprésente sans oublier les chats qui eux aussi nous accompagnent en tout lieu. Ils sont partout.
Simonetta est trop subtile pour nous embrigader dans un roman déluré, c'est vrai qu'Elsa sait braver tous les interdits et paradoxalement elle peut très aisément transgresser les moeurs de son époque. Elle fréquente le monde des lettres et les artistes. Elle s'amuse, elle séduit mais elle reste prisonnière de l'homme qu'elle aime à la folie Alberto Moravia.
Merci à Simonetta Greggio pour ce très beau livre que je n'ai pas fait dédicacer par elle lorsque je l'ai rencontrée à Aix en provence. Peut-être un jour la reverrai-je ?

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Je n'avais jamais lu Elsa Morante. Je ne connaissais rien d'elle. Seulement qu'elle avait écrit La Storia. Après avoir refermé le livre de Simonetta Greggio, j'ai l'impression d'avoir vu Elsa Morante se métamorphoser en deux jours – le temps qu'il m'a fallu pour lire Elsa mon amour. Tout prend vie au travers des yeux d'Elsa, comme une sorte de récit en calque: chaque crainte avouée, chaque souvenir remémoré, chaque silence muré dit d'Elsa plus que n'importe quelles autres paroles rapportées. C'est une intimité en mouvement que s'attache à créer Simonetta Greggio. Un portrait dans toute son inconstance et ses failles. Une fulgurance d'une rare beauté.

« Que reste-t-il de l'enfance si ce n'est des instants figés comme des photos dans la mémoire. le moment où l'on a cueilli une primevère, un printemps perdu d'il y a soixante ans, la curiosité répétée pour ce nid de roitelets qui obligea la mère oiseau à fuir, laissant mourir ses petits – et quelle honte en avait-on éprouvée –, la fois où, bras et jambes en croix, étendus sous cet arbre en fleur, on s'était dit : Je me souviendrai toujours de cet instant. Que reste-t-il de l'enfance, si ce n'est une passerelle magique jetée entre les deux rivages d'une vie, pour peu qu'on ait le courage d'imaginer qui on est, qui on veut être. Qui on a été.
L'enfance du début. L'enfance de la fin. »

Elsa Morante a vécu un parcours atypique fait de renoncements et de coups d'éclat. Elle avorte, fuit la guerre, veut bouleverser la société et surtout la littérature. On entre dans ses pensées de femme libre, cherchant à vivre de sa plume, à imposer son talent, on entre dans sa carrière, dans son Italie familière, mais on entre surtout dans son regard, celui qui nous raconte la vie tout simplement.

Simonetta Greggio prend la parole pour redonner voix à Elsa Morante. Et quelle voix ! D'un souffle ténu, elle époussette les contours de la vie de la romancière italienne pour la faire apparaître là, fragile, plus vivante que jamais. Un portrait d'une sensibilité folle, qui se construit par bribes. Elsa Morante se dévoile à nous en pudeur ; puis elle se fait plus furieuse et se sculpte dans toute sa provocation. C'est une véritable prouesse que nous livre ici Greggio : dès les premières pages du récit, sans même de préambule, on sent le texte tout entier se gonfler de la présence d'Elsa et chaque pensée, chaque ressenti, trahit sa présence. Dès le début c'est sa voix que l'on entend et qui ne nous quittera plus. C'est Elsa qui se raconte, Greggio disparaît. Elle ne refait surface que brièvement, avant certains chapitres, pour apporter une hauteur de vue sur la vie d'Elsa Morante. Pour replacer l'individu au centre de son époque, de son temps, elle qui avait toujours tendance à se désaxer pour fuir la vie et ses impératifs. On ne sait plus si on est face à l'écriture de Simonetta Greggio ou la voix d'Elsa Morante. Elsa mon amour est un portrait sculpté dans l'immédiateté des émotions, un portrait saisi là où la vie se fait volcan en fusion, impétueuse et changeante. La voix d'Elsa qui traverse tout le texte porte les stigmates des regrets et des désirs inavoués, des joies éphémères et celles qui semblent éternelles. Elle porte et transporte. Ce n'est pas de l'intimisme pour de l'intimisme, chaque ressenti personnel a vocation à être universel. A nous toucher dans ce que nous avons de plus dissemblable. Chaque paysage observé par Elsa est fait sien, chaque visage est refaçonné selon elle, chaque odeur, chaque rire, chaque frémissement du quotidien raisonne en elle puis en nous. Un effleurement du monde comme une caresse. L'écriture de Greggio est un frisson de joie qui parcourt le lecteur. Un frisson qui empoigne. Elle a su capter toute la fulgurance et le tumulte qu'une vie peut comporter. Elsa mon amour est une pulsation constante. Qui emporte les amitiés, l'amour et les pays dans son sillage. Une pulsation qui tranche, qui fait vibrer, qui raccommode. C'est peut-être la vie ou même la mort que l'on sent bruire derrière chacun des mots.

« Il fait un temps de chien cette année-là, avant même le début de l'hiver, un temps à dissuader de sortir. Dans les rues de plus en plus sombres du centre-ville, une forêt de parapluies se lève et s'épanouit au rythme des averses qui durent parfois tout le jour. La pluie tombe droit. Elle ruisselle sur les façades noircies des immeubles sans les laver. Au contraire il semble qu'elle les barbouille davantage, mêlant sa grisaille à la suie. Elle crépite sur les trottoirs. Au-dessus des avenues, le ciel n'est plus le ciel. Il paraît couler lui aussi comme un fleuve à l'envers, par-dessus les toits, un fleuve gris de nuages uniformes et tumultueux, roulant les uns sur les autres et tonnant parfois comme s'ils s'entrechoquaient. »

D'une élégance folle et farouche, Elsa mon amour s'affirme comme le roman d'une vie. Celle que Simonetta Greggio a su insuffler pour qu'Elsa Morante se détache du papier. Celle qu'elle a su capter dans l'essence de tous les instants. La justesse de ton de Greggio permet toutes les nuances ; elle peut draper les existences de toisons fragiles comme elle peut trancher à vif dans la chair. Elsa mon amour est tumultueux comme une passion. Délicat comme une floraison. Merveilleux comme seuls peuvent l'être les romans qui ont su capter l'essentiel et se délester du reste.
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« Le monde se divise en deux : ceux qui idolâtrent Elsa Morante, et ceux qui ne la connaissent pas » c'est un peu ce que semble vouloir nous dire Simonetta Greggio. Pour nous en convaincre elle a sorti sa plus belle plume bien loin de toutes mièvreries sirupeuses et des biographies linéaire, c'est un brûlot à l'écriture tendue et au rythme nerveux qui se lit avec avidité. J'avoue avoir découvert cette auteur et cette femme et avoir été séduite par le personnage irascible et sans concession ! Pour lui rendre un hommage digne de ce nom il fallait une autre femme à la forte personnalité ce qui donne parfois un effet miroir qui se lit entre les lignes. Cette femme « aux humeurs d'équinoxe » était aussi une amoureuse passionnée et un être complexe et magnétique qui a occupé l'adolescente Simonetta. Elle confesse volontiers « Ces mois, ces années … Elsa mon amour » à la femme autant qu'à l'auteur . Loin d'être un livre anecdotique c'est l'histoire d'une Italie sortie de la guerre meurtrie et d'une jeunesse qui veut vivre sans entrave. C'est l'histoire d'une petite souillon qui va se battre pour avoir sa place dans un monde littéraire masculin et c'est surtout l'histoire d'une femme mal aimante, libre, possessive qui semble ne vouloir que l'impossible. On croise des monstres d'égoïsme comme Visconti, des génies comme Pasolini et toujours cette Italie faite de violence et de fierté qui déteint sur ses femmes en lutte permanente. Elsa retrouve vie et nulle autre que Simonetta n'aurait su lui rendre la grâce sensuelle qui l'accompagnait. Une fois le livre fermé il faut immédiatement lire, relire et se délecter de cette poétesse que nul n'a encore dépassé surtout dans le coeur de Simonetta qui comme elle n'a jamais pratiqué la langue de bois.
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Avoir la possibilité de lire le roman de Simonetta Greggio avant sa sortie, c'est un magnifique cadeau ! J'en remercie infiniment Masse Critique de Babelio et les éditions Flammarion.
"Le monde se divise en deux : ceux qui idolâtrent Elsa Morante, et ceux qui ne la connaissent pas."(p.232). Je fais partie de ceux qui connaissent le nom d'Elsa Morante mais qui ne l'ont jamais lue. L'approcher par le roman que Simonetta Greggio lui consacre est, je crois, une chance inestimable car le récit distille toute les facettes de l'amour signifié par le titre : l'amour d'Elsa et les amours d'Elsa.
L'auteur imagine Elsa Morante à la fin de sa vie, alors que, malade, celle-ci ne sort plus de chez elle mais continue d'écrire une forme de journal, comme l'on range sa maison avant de partir pour toujours. Passé et présent s'emboîtent dans un flux qui fait alterner les souvenirs et la description du quotidien. le récit de ces moments vécus dessine le portrait d'une femme exceptionnelle, d'une femme en quelque sorte vouée à l'écriture depuis sa naissance. Les éléments biographiques tracent les contours d'une existence imprégnée d'amour donné et reçu, dans un jeu d'ombre et de lumière. Lumière de l'amour vécu avec Alberto Moravia, des séjours à Capri, des amitiés fiévreuses pour Pasolini et pour Bill Morrow. Ombres laissées par leur mort, par les trahisons de Moravia, par la maladie, par la fuite de la jeunesse et de la beauté.
A la tonalité élégiaque du récit au présent répond l'acuité de la pensée et la fougue intacte qui transparaissent dans l'évocation du passé. La subtilité de ce tissage laisse entrevoir la complexité d'une personnalité inclassable, riche de toutes ses contradictions, affranchie des conventions, et pourtant profondément cohérente. Au moment où Simonetta Greggio écrit ce roman, Elsa Morante est morte depuis plus de 30 ans et l'on ressent à chaque page cette imminence de la disparition, de l'effacement inexorable et la puissance des regrets qui s'invitent dans les ultimes instants. Pourtant, la vie s'inscrit dans chaque page, à la fois par la poésie des images et par la vivacité de l'écriture.
Dès la première page, ce roman m'a envoûtée et le sortilège continue son effet. Plutôt que d'en parler indéfiniment, j'ai simplement l'envie de dire qu'il est beau. Autant par ce qu'il dit que par ce qu'il tait. Autant par son sujet que par la manière dont celui-ci est traité. Autant par l'atmosphère que par l'histoire. Autant par sa puissance que par sa retenue. Parfaitement beau.
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La Feuille Volante n° 1290
Elsa mon amourSimonetta Greggio – Flammarion.

Elsa Morante (1912-1985), écrivain (et non pas écrivaine) de grand talent, de nos jours injustement oubliée, a été l'épouse, à partir de 1941 et durant toute sa vie d'Alberto Moravia (1907-1990) également écrivain et ce malgré leur séparation et ses nombreuses maîtresses. Elle l'a suivi dans son exil provoqué en 1943 et 1944 par le fascisme. Ce roman est l'histoire de la vie d'Elsa, mais pas vraiment une biographie au sens habituel malgré les nombreux biographèmes égrenés dans ce livre, mais plutôt un récit où le rêve, l'illusion prennent un peu, l'espace d'un instant, la place du réel, en modifie les apparences. Cela donne un récit acerbe et un peu désabusé et Simonetta Greggio précise elle-même qu'il s'agit d'une fiction où elle se glisse dans la peau d'une Elsa qui prend la parole en refaisant le chemin à l'envers. Elle n'échappe pas à la règle commune à chacun d'entre nous qui, parce que notre vie ne ressemble pas à ce dont nous avions rêvé, à ce que nous avons cru qu'elle nous réservait au point de l'ériger en promesses, se laisse aller à son désarroi et la repeint en couleurs vives, mais ce badigeon s'écaille au fils du temps. Nous avons beau rejouer cette comédie en faisant semblant d'y croire, de nous réfugier dans la beauté, la perfection ou l'imaginaire, nous dire que tout peut arriver, au bout du compte il nous reste les regrets, les remords, la culpabilité peut-être de n'avoir pas fait ce qu'il fallait ou nous incriminons la malchance... Ainsi, sous la plume de l'auteure de « La douceur des hommes », Elsa Morante fait, dans un texte rédigé à la première personne, directement au lecteur la confidence de sa vie, de son parcours, jusqu'aux détails les plus intimes. Avant de rencontrer Moravia, elle avait connu des ruptures avec sa famille, des années de galère financière, n'était qu'un écrivain en devenir, avec pour soutien des amours de passage et surtout cette envie d'écrire qui sera sa passion toute sa vie, qui sera sans doute comme un exorcisme à ses illusions, à ses peines, à son absence de bonheur et d'amour. Quand elle croise Moravia, ils sont à peu près du même âge et lui est déjà couronné par la succès de ses romans. En outre ce qui les rapproche est sans doute leur demi-judéité commune et sûrement aussi le désir (« Nous avons cela en commun, Moravia et moi. Nous ne lambinons pas avec le désir ». Ce fut peut-être de sa part à elle, un amour sincère mais elle nos confie qu'Alberto était à la fois « passionnel et infidèle, indéchiffrable » à la fois amoureux fou de ses conquêtes de passage et homosexuel non assumé. Elle qui n'avait pas connu le bonheur avec ses parents n'aura pas non plus un mariage heureux mais, malgré leur séparation, refusera le divorce, par principe (elle était l'épouse d'Alberto Moravia et le restera) ou pour des raisons religieuses. Ainsi l'histoire de cette longue liaison (49 ans), consacrée par le mariage ne fut pas un long chemin tranquille avec au début la fuite à cause des rafles de juifs, la peur d'être dénoncé et d'être déporté et plus tard, la paix revenue, un quotidien houleux où elle a été malheureuse de trop vouloir être aimée et d'avoir gauchement tout fait pour être détestée. La symbolique de la pluie, l'univers énigmatique des chats accompagnent cette ambiance un peu délétère tissée par l'indifférence de son mari devenu aussi un rival, l'abandon, la fuite ou la mort de ses amants successifs.
Nous ne sommes qu'usufruitiers de cette vie qui nous est confiée avec la mission non écrite et quelque peu hasardeuse d'en faire quelque chose. La sienne Elsa l'a dédiée à l'écriture, à l'amour par passion, à la patience, à la souffrance aussi, sans pour autant l'avoir voulue,mais qui est, elle aussi, un élan vers les mots. C'est avec ces mêmes mots qu'elle parle des maîtresses de son mari, de son inconstance mais aussi de la période noire de Mussolini qui endeuilla l'Italie. Elle ne résiste pas non plus à nous confier des anecdotes sur ses contemporains plus ou moins liés au fascisme, à la mafia, à la culture, peut-être pour tromper son ennui et surtout sa solitude. Elle les meublera en tombant à son tour amoureuse d'autres hommes, parfois des homosexuels mais reviendra toujours vers Moravia et surtout vers l'écriture. Elle devint un écrivain majeur de la littérature italienne..
Il y a des détails biographiques très précis, des citations qui témoignent d'un travail de documentation très poussé, des envolées poétiques émouvantes et même envoûtantes, le tout ressemblant à un tableau composé par petites touches d'où la personnalité et la sensibilité de Simonetta Greggio ne sont sans doute pas absentes. Parfois j'ai même eu l'impression que, derrière Elsa qui est censée s'exprimer à la première personne, c'est carrément elle qui parle au cours de ce bel hommage.

J'apprécie depuis longtemps l'écriture de Simonetta Greggio, sa sensibilité littéraire, ses choix et la qualité de ses romans, mais aussi sans doute parce que elle, Italienne, choisit d'écrire directement en français, ce que je prends comme un hommage à notre si belle langue.
© Hervé Gautier – Novembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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En écoutant le Concerto n°24 de Mozart...

Simonetta Greggio nous dévoile la vie d'Elsa Morante comme un tableau impressionniste : par autant de petites touches que de chapitres. Tantôt, poétiques, images de la nature et de la relation d'Elsa avec les animaux et les plantes qui l'entourent donc pleines de douceur et de couleurs et de sensations, tantôt terriblement humaines dans les relations que cette même femme choisit de nouer ou de dénouer avec ceux qu'elle croise au cours de sa vie.

Ce qui est frappant, cependant, c'est sa solitude - elle avoue elle-même parfois la provoquer - et le manque d'Amour vrai qui caractérise son existence. Peut-être Bill, cependant...


J'ai aimé retrouver l'écriture de Simonetta Greggio , dans cette biographie qui m'a menée vers d'autres envies de découvertes "livresques" et autres - le roman est riche de références culturelles et historiques de toutes sortes à propos d'une époque - un peu, comme j'avais été entraînée vers d'autres "Italie " à la lecture de son roman Dolce vita. J'ai d'ailleurs déjà deux livres d'Elsa Morante qui m'attendent ! Et je souhaite vivement être aussi emportée par leurs lectures et aussi passionnée que ne l'est Simonetta Greggio quand elle évoque cette femme entière qu'a été Elsa Morante.

Merci à Babélio et aux éditions Gallimard pour cette belle découverte...et merci tout particulièrement à Simonetta Greggio dont l'écriture est toujours, pour moi, synonyme d'un très beau moment de lecture.
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« Un vrai roman est toujours réaliste, fût-ce le plus fabuleux ! Et tant pis pour les médiocres qui ne savent pas reconnaître sa réalité. » Elsa Morante

Elsa mon amour pour un amour de livre. Comme une sensation de remonter le temps, celui que l'on connait que par la littérature et le cinéma. Quand ces deux formes d'art se rencontrent, s'unissent, c'est comme Elsa Morante : prodigieux.

Romancière, poète, traductrice, Elsa Morante a été éclipsée par son époux Alberto Moravia. Un mépris peut-être… Pourtant, sa trace est indélébile, tant pour sa « Storia » que pour son tempérament et caractère de feu ; l'Italie et ses belles lettres, l'Italie et ses amours tumultueuses, l'Italie dans toute sa grandeur mais pas que celle de la « dolce vita ».

Simonetta Greggio relate avec dextérité ce personnage hors-norme, le roman d'une vie mais avec la réalité d'un destin. Elsa Morante c'est déjà une naissance mystérieuse, différente. Un père géniteur qui lui donnera des frères et soeurs mais qui ne les reconnaîtra jamais, un autre homme le fera à sa place. Avec sa mère, c'est un peu « je t'aime moi non plus » comme ce le sera avec ses amours successives : son mari, Alberto Moravia, et ses amants, Luchino Visconti et Bill Morrow, entre autres. le seul amour qui restera unique et sans faille sera celui pour les animaux : « nos animaux familiers sont des anges déguisés venus sur terre pour nous apprendre la douceur. »

Elsa, c'est aussi un portrait de femme, de femme libre qui veut vivre comme elle l'entend et quelle que soit sa situation financière ; de pauvre elle deviendra riche avant de terminer dans la déchéance. Elle aura connu les privations, l'exil, le luxe, le désespoir d'une fin de vie. Mais jamais elle reniera ses convictions.
A travers cette figure de la littérature, c'est l'histoire d'un pays que l'on feuillette, entre son foisonnement artistique et sa misère politique. Et soudain penser que le passé est terriblement d'actualité… En rien un mensonge, ni un sortilège…

Pour paraphraser son auteure, je dirai qu'Elsa mon amour et une stellaire lecture qui nous fait dieux… comme l'écoute d'un concerto de Mozart.

Lien : https://squirelito.blogspot...
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