Contrairement à la 4e de couv', à la préface et à l'ensemble des critiques qu'on peut trouver dans la presse ou sur le net, je ne vais pas vous spoiler cette courte nouvelle. (Note aux éditeurs, préfaceurs et critiques professionnels : si vous ne savez pas parler d'une oeuvre sans en révéler l'intrigue, pitié : changez de métier.) du coup je vais commencer par vous parler de
Alexandre Grine (pour les français) / Alexandre Stepanovitch Grinievski pour les russes. Un sacré personnage. Il n'est allé à l'école que pendant 4 ans en tout. Juste le temps d'apprendre à lire et à écrire. Comme son père était un sale type et que sa mère est morte alors qu'il avait quinze ans, c'est à peu près à cet âge qu'il est parti pour Odessa dans l'espoir de devenir marin. Mais comme il ne savait rien faire, ça a été plus compliqué qu'il ne l'imaginait. Il a multiplié les emplois : expéditionnaire de bureau, garçon d'étuve, copiste ... et mendiant quand il ne trouvait pas d'autre moyen de rester en vie. Ensuite, il recommence : écrivain public, chercheur d'or, matelot sur les péniches de la Volga ... Il s'engage dans l'armée, mais constatant vite que l'armée tsariste, ça n'est pas son truc, il déserte et devient anarchiste, ce qui lui vaudra une première déportation en Sibérie (non, les communistes n'ont pas inventé le concept). Il s'évade et recommence. Et c'est aussi là qu'il se met à publier ses premiers livres. Ce qui lui vaudra d'être de nouveau déporté. Libéré, il collabore à plusieurs journaux, s'en prend directement au Tsar dans ses écrits, et pour éviter la troisième déportation, il part se planquer en Finlande. Et lorsque la Révolution russe chasse le Tsar, Grine revient à Petersbourg depuis la Finlande. A pied. Il est immédiatement enrôlé dans l'Armée rouge où il chope le typhus et c'est à sa sortie de l'hôpital que Gorki le fait admettre à la Maison des Arts qui se situent dans l'ancienne banque qui sert de décors à
L'Attrapeur de Rats.
Grine est alors connu pour ses écrits romantiques-réalistes, et cette nouvelle n'est ni l'un ni l'autre. On se trouve ici quelque part entre le surréalisme et le conte fantastique. Il est évident que Grine nous parle de son époque - les années 20, donc - en Russie, et pourtant il nous offre une histoire aussi intemporelle qu'universelle.
C'est très bien écrit, très facile et très rapide à lire et
l'Attrapeur de Rats mettra d'accord tant les amateurs de littératures que les amateurs de contes traditionnels. Mais dépêchez-vous : ça n'avait pas été ré-édité depuis 1972, et je doute que cette édition 2019 reste longtemps disponible