Reconnaissons ici une des lois les plus constantes de l'histoire. Aucune conquête de quelque durée et de quelque ampleur ne saurait rester impunie. Ce n'est pas impunément, en effet, qu'entre peuples restés jusque-là à des étages de civilisation différentes, le conquérant provoque cette brusque réduction à un niveau commun qu'entraîne la conquête. Si le peuple vaincu est profondément perturbé dans son organisation politique, dans ses coutumes les plus chères, le vainqueur ne l'est pas moins dans sa sécurité mentale. C'est la contre-invasion des idées, des mœurs, des tendances du vaincu chez le vainqueur, contre laquelle celui-ci, à moins d'un rideau de fer impitoyablement baissé , ne peut à peu près rien. Nous avons vu le cas dans la société romaine qui, pour avoir absorbé l'Orient hellénistique, s'était finalement hellénisée jusqu'à la dé-romanisation.
On peut réconcilier deux peuples, deux races, deux politiques. On ne concilie pas deux absolus métaphysiques dont chacun ne se pose qu'en s'opposant à l'autre.[...] La pensée de l'islam et la pensée hindoue sont radicalement inconciliables.
L'histoire de la Chine a ses lois auxquelles nul, fût-il le Conquérant du monde, ne saurait, au bout de quelques générations, échapper. Ses conquérants, toujours, à la longue, la Chine les conquiert. Elles les apaise, les fixe, les amollit, les désarme, puis insensiblement les absorbe ou, le moment venu, sans difficulté, les élimine.