AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782020105286
473 pages
Seuil (01/02/1989)
4.39/5   9 notes
Résumé :
En 1937, Robert Guillain, jeune journaliste à l'agence Havas, est envoyé en Chine pour couvrir la guerre sino-japonaise. C'est dans le transsibérien des années trente, celui d'Albert Londres, qu'il part vers Shanghaï. En fait Guillain "couvrira" l'Asie pendant plus de quarante ans, vivant la plupart du temps là-bas. D'abord pour l'agence, devenue après la guerre l'AFP, puis pour Le Monde, c'est de l'autre côté de la planète qu'il observe et relate l'Histoire de notr... >Voir plus
Que lire après Orient extrêmeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Si je pense au Japon et à journaliste francophone, je pense à Philippe Pons, Marcel Giuglaris, Karyn Poupée, Jean-Claude Courdy, pour les amateurs de radio à Frédéric Charles (de son vrai nom Georges Baumgartner, correspondant de Radio France) et bien sûr ai-je envie d'écrire à Robert Guillain.
Robert Guillain (1908-1998) était journaliste, d'abord à l'agence Havas, puis au journal le Monde, et il a couvert l'Asie pendant une quarantaine d'années, de 1937 au milieu des années 70. le Japon, principalement puisqu'il y a habité régulièrement, mais aussi la Chine, les conflits coréens et vietnamiens, l'Inde.
Cet « Orient extrême », sous-titré, Une vie en Asie, sont ses mémoires de journaliste (on comprend qu'il a toujours pris - conservé - ses notes ; bien utiles 20, 30 ans plus tard !) et sont publiées en 1985.
L'ouvrage est passionnant, très agréable, quant à recenser tout ce qu'il contient !

Tout au long de ce livre Robert Guillain, en plus de raconter les évènements qu'il a vécus, de livrer des réflexions sur son métier, décrira les paysages traversées, les villes visitées ou habitées, dressera des portraits. Il ne se définit pas comme un journaliste assis dans la salle de rédaction, mais comme un journaliste de terrain.
Le journaliste aura une connaissance approfondie et particulière de la Chine et du Japon, parce qu'il quitte souvent la capitale pour voyager à l'intérieur des pays (ce que ne font pas les autres correspondants, restant dans leur microcosme occidental).
~~~
Robert Guillain débute sa carrière en 1934, un peu par hasard il faut dire : préparant pour la seconde fois le concours de l'inspection des finances, il accepte pour se changer les idées de travailler dans la presse.
1937. Direction La Chine. A l'époque il n'y a pas de liaison aérienne. On prend le Transsibérien. Il ne passe que quelques heures à Moscou qu'il trouve remplit de miséreux. 6 jours jusqu'à Vladivostok. Pensant ne partir que quelques mois, Robert Guillain ne pourra revenir en France que huit plus tard !
Cette affectation en Asie, il ne la doit pas à une demande ou à un intérêt particulier, c'est purement professionnel. Mais le journaliste se rattrapera puisque l'Asie, le Japon surtout, sera son port d'attache jusqu'à sa retraite en 1976.

Ci-dessous des notes prises... si la longueur ne vous fait pas peur.
~~~
En novembre 1937, il arrive donc à Shanghai jusque au moment de l'offensive japonaise. Il décrit le Shanghai de la fête, et à l'opposé le spectacle des allongés, les coolies dormant à même le sol bien souvent, sans aucune natte où s'étendre. C'est en mars 1938 qu'il arrive au Japon pour occuper le poste de correspondant de l'agence Havas (il retournera en Chine en 1940 et y rencontrera Teilhard de Chardin).
Dès son arrivée, il remarque la surveillance dont il fait l'objet, comme tous les étrangers. C'est le moment où allemands et japonais se rapprochent. Ils fréquentent Sorge et Voukelitch, sources d'infos majeures pour lui, sans qu'il se doute de leur vrai rôle d'espions ! La France et l'Europe en général n'ont pas du tout les yeux tournés vers l'Asie. Il suit donc du Japon la guerre qui débute. (sept 40 signature du pacte Japon/Italie/Allemagne ; printemps 41 accord de neutralité Japon/Union Soviétique). L'attaque de Pearl Harbor et l'entrée en guerre du Japon contraignent les occidentaux à rester sur l'île. En mars 1945 c'est le bombardement de Tokyo et la prise de l'Indochine ; ce second évènement lui vaut d'être assigné à résidence hors de Tokyo pendant cinq mois.
Après la capitulation et les débuts de l'occupation américaine il reste encore quelques semaines avant de regagner la France au printemps 1946 via Shanghai et New York. Il participe à la rocambolesque découverte des communistes japonais emprisonnés, et il fait parti des premiers journalistes à se rendre à Hiroshima. du Japon il observe la guerre froide s'installait concrètement. C'est l'incompréhension lorsqu'il en parle à son retour au pays.
~~~
Les vacances qui lui sont accordées sont finalement plus courtes que prévues. La guerre d'Indochine vient d'éclater. Étant devenu pour Havas « l'asiatique » il est envoyé au Vietnam et à la fin de l'année 1946 il arrive à Hanoï, ville en guerre. Pour Robert Guillain cette guerre aurait pu être évité, De Gaulle se trompant dans ses analyses. C'est une guerre de pauvres, faite sans moyens, et le gouvernement laisse volontairement les français dans l'ignorance. Après un mois sur place, il part pour les Indes où la situation s'est aussi dégradée. Il fait ainsi le parallèle entre l'attitude totalement opposée entre Angleterre et France dans le traitement de leurs colonies : les anglais décidant eux de quitter les Indes. Il rencontrera Nehru, Lord Mountbatten. de retour en France après six mois de mission il est recruté par le journal le Monde pour couvrir l'Asie.
~~~
La Chine.
Robert Guillain explique : « j'ai toujours pensé qu'un bon connaisseur de l'Extrême-Orient doit connaître à la fois ses principaux pays, Chine et Japon ». Sans doute si le contexte politique avait été différent, le journaliste aurait-il été correspondant dans l'un ou l'autre de ces deux pays. Ce sera le Japon. Il garde toujours un grand intérêt pour la Chine, qu'il a l'avantage d'avoir connu avant l'instauration de la République Populaire. Guillain fera huit voyages en Chine, le dernier en 1972.
1949. Il retrouve Shanghai où il assiste à l'entrée victorieuse de l'armée communiste : « les martiens à Shanghai ! Des soldats qui ne volent pas, qui ne violent pas, des vainqueurs qui ne pillent pas, qui couchent sur le trottoir sans envahir les logis, qui refusent le bol de riz ou de thé offert par les habitants, qui paient leur place dans le tramway, ça ne s'était jamais vu à Shanghai, ce sont des soldats tombés d ‘une autre planète ». La révolution ne s'installer pas brutalement : le gouvernement du peuple va rééduquer d'abord (lavage du cerveau, noyautage).
1955. A la conférence du tiers-monde de Bandung, Chou En-Lai invite le monde à venir voir son pays. Il obtient un visa pour un séjour bien encadré : le plan de visite (Pékin, La Mandchourie, Sian, Shanghai) est établi par le gouvernement. La changement, via la planification et l'aide des russes, est en marche. Mais Robert Guillain repère déjà le système totalitaire qui se met en place. de France, l'illusion est complète : « la révolution chinoise était celle d'un communisme bienveillant et humaniste ». La série d'articles publiée dans le Monde au début de l'année 1956, lui vaut les reproches de la gauche (Sartre, De Beauvoir en tête ont fait le voyage : « nous n'avons rien vu de ce que vous avez vu »). Même accueil lorsqu'il fait paraître, quelques mois plus tard, "Six cent millions de chinois" (Julliard).
C'est désormais de l'extérieur qu'il étudiera la Chine puisqu'il ne peut plus obtenir de visa ! Voyageant à Hongkong en 59 : il est médusé par la réussite de cette ville, petit microcosme capitaliste aux portes de la Chine ; il y retourne en 1962 où il rencontre des chinois fuyant leur pays parce qu'ils ont faim (le grand bond est un échec ; 1959, 1960 et 1961 sont appelés les trois années noires).
1964. Coup de tonnerre en pleine guerre froide : La France établit des relations diplomatiques avec la Chine Populaire. Les portes du pays s'ouvrent à nouveau pour lui. le voyage est toujours organisé par les autorités et soigneusement surveillé par les guides-interprètes. Il constate que le broyage est terminé : le ralliement forcé au système communiste est accompli.
La Chine se ferme à nouveau pendant la Révolution Culturelle. le métier de journaliste suit les aléas de la géopolitique. Mais en 1971, on peut de nouveau y entrer, ce qu'il fait accompagnant une mission parlementaire française ; de même en 1972, couvrant la visite du ministre des affaires étrangères de l'époque, Maurice Schumann. C'est une période de normalisation (entrée à l'ONU, visite de Nixon).
Robert Guillain observe la Chine depuis quarante ans, pays qui, s'il a changé de dirigeants et d'idéologie, garde « une indifférence au désordre » : la « pagaille chinoise ». « La Chine serait-elle le pays qui "rate" tout ce qu'il entreprend ? […] de ratage en ratage, ce qui reste c'est une facilité déconcertante de la Chine moderne à changer de systèmes, ou à les soumettre à son pragmatisme, seul principe permanent à travers ses avatars ». La mutation du régime s'opère sous Deng Xiaoping. Sans doute Guillain n'était-il pas le seul à l'époque à penser que le développement chinois pourrait surpasser tout le monde…
~~~
Guerres de Corée et d'Indochine
A la rédaction du Monde, Guillain est nommé par Hubert Beuve-Méry responsable du service étranger. Mais Guillain est l'homme du 'j''ai vu" et non pas du "on m'a dit que". Il veut regagner le terrain « vivre l'évènement, pas le commenter ». Depuis le Japon (comme base arrière) il couvre la guerre de Corée. le climat y est exécrable et Mac Arthur est bientôt limogé. le temps de la neutralité du Japon est terminé : il penche du côté des Etats-Unis qui va y installer des bases militaires. Il couvre également le conflit en Malaisie et bien sûr l'Indochine en 1951, puis en 1954 d'où il repart quelques temps avant la chute de Dien Bien Phu. Dans une série d'articles Guillain s'était positionné pour une partition du pays… ce qui sera fait suite aux négociations de Genève (juillet 1954). Connaissance du terrain…

~~~
Le Japon
C'est la pays d'Asie où il aura vécu le plus fréquemment.
Au début des années 60, il fait plutôt des aller-retours réguliers entre Paris et Tokyo, où il ne reste qu'un ou deux mois. Mais il peut assister à l'urbanisation et la concentration s'opérant sur l'île qui compte 90 millions d'habitants au milieu des années 50. La solution pour garantir le développement ? Exporter beaucoup pour payer et importer ce dont on a besoin. C'est le pari de l'industrialisation. Remarque : les masses restent pauvres, mais ne se tournent pas vers les partis de gauche ; le PC paie son soutien lors de la guerre de Corée, et le PS n'est que faiblement implanté et plus occupé par ses querelles internes.

Le Japon et Tokyo changent, passant du bois au béton, passant de la ville horizontale à la cité de béton en hauteur. Au début des années 60 le pays se prépare aussi à accueillir les J.O. (1964), fièvre bâtisseuse (autoroutes urbaines, shinkansen etc.) le capitalisme a réussi dans le pays : mais, la priorité accordée à l'économie s'est faite au détriment du politique et du social. Déjà en 1960, la jeunesse se « soulève » contre ce modèle, et contre le traité d'alliance. Pourtant aux élections qui suivent c'est la droite qui l'emporte. La gauche japonaise n'en profite pas. Les gens ont peur du socialisme (les échecs du modèle du chinois) et croient aux promesses de la croissance et du bien-être.

En sept 49 Robert Guillain quittant la Chine, repasse par le Japon où il reste juste un mois. Retrouvaille avec un pays, écrit-il, sorti « de la défaite : les visages ne portaient déjà plus le reflet de la catastrophe ni les couleurs de la faim », et déjà «  en tête de ses voisins asiatiques ». Il découvre des japonais ivres de liberté : Tokyo s'amuse avec une neuve insouciance.

1955. Guillain choisit d'habiter avec le petit peuple de Tokyo, à la japonaise, un deux pièces au premier étage d'une maison de bois. Pour lui il est nécessaire et intéressant d'observer différent de l'intérieur. Fini les conflits et la couverture des évènements, ce qu'il veut peindre , c'est « le changement et le mouvement ».

1969. Guillain et sa famille s'installent à Tokyo pour ce qui sera son plus long séjour. Jusqu'en 1976 année où il prend sa retraite. Il s'étonne que le Japon reste lointain dans l'esprit des français. La Chine et sa Révolution Culturelle, la guerre du Vietnam retiennent l'attention. Pourtant le Japon est devenu la 3ième Puissance économique mondiale ! Il écrit donc "Japon troisième grand", livre qui sort en juin 1969 (Seuil).

Toutefois il pointe les ratés de ce modèle : les conditions de vie sont inférieures à celles des grands pays industriels : pauvreté du logement, transport surpeuplé, sécurité sociale insuffisante. Pour lui également le pays a aussi raté ses villes, « laides et désordonnées » : « le capitalisme japonais, dur avec les hommes, a eu encore moins de ménagements avec la nature ».
La violence est souterraine, et explosera à travers les émeutes étudiantes, la lutte contre Narita, l'Armée Rouge Japonaise, le suicide de Mishima. Les valeurs spirituelles ont été éclipsé par le matérialisme, la corruption.
Il regrette le manque d'intérêt des politiques français pour le Japon. L'attention va à la Chine. Pour lui une vraie politique asiatique « n'existe que si elle a deux côtés : Chine et Japon ». Même manque d'intérêt dans les milieux d'affaire qui ne s'intéresseront que vers la fin des années 70 à ce modèle.

Je reprocherais à l'auteur une vision trop libérale à mon goût lorsqu'il écrit, page 395 : « Ce qui choque en particulier, c'est cette sorte de guerre civile permanente dans laquelle on trouve plongés les Français, cette incapacité de faire l'union, cette lutte de classe pernicieuse qui les paralyse, cette bataille où les deux camps, patrons et travailleurs, sont souvent méchants et bêtes à égalité. » Il trouve les français par rapport au travail trop laxiste !

Guillain termine le livre par des réflexions sur l'homme et la société japonaise toujours intéressantes pour qui s'intéresse à ce pays notamment, et il s'inquiète de la mondialisation culturelle (il n'utilise pas le terme) et ses effets : la perte de l'authenticité, de la tradition.
Qui lui donnerait tort ? Rien à voir bien sûr avec le folklore touristique et consumériste…

Pauvres tokyoïtes qui voient venir les JO de 2020 avec appréhension. Je les soutiens : dans votre moteur de recherche qui ne vous espionne pas tapez 2020 Olympics protests !
Commenter  J’apprécie          32

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
On pourra compter sur les doigts d'une seule main les journaliste "capitalistes" qui auront fait le voyage en 1955 et 1956. Et je crois avoir sur eux un avantage décisif : je peux comparer avec la Chine d'avant. Rarissimes seront ceux qui auront eu comme moi la chance d'avoir connu la Chine à trois époques : avant, pendant et après la révolution. J'entends en moi-même un cri de joie : "Je suis en Chine !" Je voudrais qu'il y ait quelqu'un à qui communiquer mon enthousiasme ; et plus encore qu'à mes amis ou à mes parents au loin, c'est à mes lecteurs que je pense intensément et joyeusement, à mes lecteurs passés et futurs. Mes yeux voient pour eux. Mes yeux ne m'appartiennent plus tout à fait. Mon regard sert désormais de regard à des milliers de gens qui voudraient voir et qui ne verront jamais ce que je vois. J'ai le sentiment d'une chance et en même temps d'une responsabilité extraordinaires.
Commenter  J’apprécie          30
Il y a deux écoles de journalisme, écrit-il dans ses mémoires, celle des "j’ai vu" et celle des "on m’a dit que". Je veux être de ceux qui voient, pas de ceux qui parlent de ce que d’autres ont vu.
Commenter  J’apprécie          170

Video de Robert Guillain (1) Voir plusAjouter une vidéo

Espions tous azimuts
Les invités de Bernard PIVOT pour cette émission consacrée à l'espionnage : Robert GUILLAIN pour "l'espion qui sauva Moscou", Juan VIVES pour " les maîtres de Cuba", Alain GUERIN pour "les gens de la CIA ; Marcel LE ROY FINVILLE pour "sdece service 7" et cyrille HENKINE pour " l'espionnage soviétique". A l'exception de Robert GUILLAIN qui fût mêlé a l'espionnage par accident (il...
autres livres classés : témoignage autobiographiqueVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (17) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1720 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}