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Benjamin Fau (Traducteur)
EAN : 9782844851307
512 pages
Allia (26/09/2003)
4.52/5   29 notes
Résumé :
Épopée humaine, ouvrage érudit, chronique d'une époque et de sa musique - Sweet Soul Music est tout cela à la fois, et plus encore. On peut lire ce livre comme une galerie de portraits, ceux des personnalités les plus marquantes de la musique soul du sud des États-Unis, et l'on part ainsi à la rencontre de personnages légendaires de la musique populaire noire, tous plus complexes et fascinants les uns que les autres : Sam Cooke, Ray Charles, Solomon Burke, Otis Redd... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La Soulitude, ça n'existe pas ?

"Sweet Soul Music" fut un tube d'Arthur Conley, ("emprunté" au "Yeah man" de Sam Cooke et repris par de multiples artistes dont…Johnny Halliday -"La seule vraie musique"- et les Jam).

Mais c'est aujourd'hui le titre de ce qui -en français en tout cas- constitue sans doute la référence en matière d'ouvrage sur la Soul Music.

En 500 pages, Peter Guralnick livre une histoire d'un luxe de détails inouï (parfois trop peut être), sur ce courant musical si complexe à définir.

Car la Soul, c'est quoi ?
Bonne question. Cherchons donc à définir ce que le cas Soul est.

Commençons par souligner qu'avant d'entamer ses recherches, Guralnick avait une vision assez romantique de l'objet de sa passion.
Pour lui, la Soul était, pour reprendre une définition aussi courante qu'imprécise, une musique jouée par des noirs américains qui "placent le feeling au dessus de tout". Une musique à caractère sacramentel, privilégiant la relation avec l'auditeur (questions-réponses, élocution plaintive), qui ne pouvait qu'être le "fruit d'une époque et d'un ensemble de circonstances sociales", faite par des noirs pour des noirs, née de la rencontre du gospel et du Rhythm & Blues, qui s'éveillait à la vie en poussant des "sanglots d'extase séculière", une "vivifiante prise de conscience de soi", une "profession de foi révolutionnaire".

En conséquence de quoi, avec l'avènement du Mouvement des Droits civiques (qui s'étend grosso modo de 1955 à 1964 avec le Civil Rights Act) et l'assassinat de Martin Luther King, en 1968, la Soul ne pouvait que perdre de sa substance.

On imagine la surprise de Guralnick quand au cours de ses recherches, Jerry Wexler, le mythique producteur d'Atlantic, l'homme qui a porté les plus grands artistes Soul au sommet, lui dit qu'au fond, tout ça n'était "qu'une étiquette (…) une invention sémantique (…) et que finalement, ce n'était que du Rhythm & Blues" .

Damned ! On devine sa perplexité devant l'envol d'une bonne partie de sa théorie.

Pour autant, on peut probablement s'accorder à définir la Soul comme une musique marquée par la structure dramatique où le feeling est primordial, née (comme le Blues, le Jazz ou le Rock) au Sud des USA (Deep Soul) et où la question raciale n'est que rarement absente du décor.
Ce n'est pas pour autant une musique défouloir comme peut l'être le rock d'un Little Richard, ni la musique aux raffinements cultivés de la nordique Motown, socialement acceptable et prévisible qui vise les teenagers blancs.

Mais au fond, peu importe.

Pour définir la Soul, il est plus simple de se laisser guider par Guralnick dans le voyage qu'il nous propose.

Partons donc pour ces Etats du Sud : Alabama, Mississipi, Tennessee…Dans ces salles du "Chitlin Circuit" réservées aux Noirs, dans les mythiques studios Stax de Memphis, puis aux Muscle Shoals…

Là, nous allons rencontrer les plus grands chanteurs et showmen : Sam Cooke, James Brown, Ray Charles, Sam & Dave, Solomon Burke, Wilson Pickett, Otis Redding, Aretha Franklin…

Ils sont accompagnés par des managers et des producteurs doués et/ou retors : Wexler, Jim Stewart et Estelle Axton, al Bell, Rick Hall…et par des musiciens qui seront autant de références : Booker T. Jones, Steve Cropper, Donald "Duck" Dunn, Roger Hawkins, Jim Dickinson, Chips Moman, Spooner Oldham, al Jackson, Dan Penn, Wayne Jackson, Tommy Cogbill, Charlie Freeman…jusqu'au jeune Duane Allman.

Notons au passage, que si les chanteurs sont tous noirs, les décideurs et la plupart des musiciens sont blancs.

Les anecdotes ne manquent pas.

C'est Solomon Burke qui joue à Jackson (Mississipi) au cours du rassemblement annuel…du Ku Klux Klan, ou qui se fait déposséder (littéralement) de sa couronne de Roi de la Soul, par James Brown.
C'est Otis Redding qui use son exemplaire de "Sergent Pepper's …" jusqu'à la corde pour comprendre la Pop et composer une chanson à laquelle il est le seul à croire : "Dock Of The Bay".
C'est Percy Sledge qui est accompagné sur "When A Man Loves A Woman" par des cuivres qui jouent faux, ce qui n'est pas grave car "Percy jouait tellement faux qu'on avait l'impression que sa voix pouvait casser un carreau. C'en était presque douloureux".
C'est Sam & Dave qui piquent le show à Otis Redding qui lui même subjugue les spectateurs venus pour James Brown.
C'est Rick Hall qui ne sachant pas trop comment employer un Duane Allman débutant et trop en avance, va le vendre à Wexler pour 10 000 $, perdant entre 5 et 10 millions de $ dans le deal !
C'es Aretha qui estomaque tous les requins des studios Fame dès qu'elle entame "I Never Loved A Man".
C'est Rick Hall au cours des mêmes séances qui trouve malin d'injurier le mari d'Aretha, ce qui l'amènera à se brouiller définitivement avec Wexler et perdre du coup, la clientèle d'Atlantic….
…..

La grande époque de la Soul, va pourtant s'achever de manière confuse, sur fond de militantisme noir revanchard qui va décourager les blancs propriétaires des studios, des compagnies et des droits, sur fond de procès, d'histoires d'argent, de rachats...jusqu'à ce 12 janvier 1976, quand Stax est déclaré en faillite.

Et la Soul dans tout ça ?
Est-il vrai qu'elle n'a pu "gagner sa respectabilité auprès du public blanc qu'après avoir perdu sa popularité auprès du public noir ?"
En partie, mais les braises rougeoient encore et ce livre entretient l'espoir.

Avec une plume remarquable, Pete Guralnick met en forme ces heures d'entretiens et de recherches pour nous entraîner dans un grand roman des "hommes et des femmes qui ont changé l'histoire de la musique populaire et qui ont participé au grand bouleversement des mentalités raciales et sociales".

Une somme destinée en priorité aux amateurs de Soul, mais où tout amoureux de la musique peut trouver son compte (sous réserve d'un peu de patience devant l'accumulation de détails, de noms, qui peuvent lasser parfois).

En fin d'ouvrage, se trouvent une bibliographie et une discographie, tout aussi indispensables que le reste.
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Un livre monstrueux qui retrace les parcours d'Aretha Franklin, d'al Green, James Brown, Solomon Burke, Sam Cooke et j'en passe et des meilleurs.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
J.W. : ""A change is gonna come", il l'écrivit après avoir entendu le "Blowin' in the wind" de Bob Dylan pour la première fois. Il n'avait jamais eu grand-chose du militant, il ne s'était même jamais vraiment occupé de politique (même s'il s'était intéressé au mouvement musulman qui entourait Cassius Clay et qu'il avait passé pas mal de temps en compagnie de Malcolm X), mais il resta sans voix devant le message véhiculé par cette chanson. Il m'a dit : "Alex, il faut que j'écrive quelque-chose. Dire que c'est un jeune blanc qui a écrit une chanson comme ça..." C'est ce qui l'a motivé pour écrire "A change is gonna come". C'était, vraiment une chanson en faveur des droits civiques. Il y a un vers qui a été supprimé dans la version sortie en 45 tours, mais qui figure sur celle de l'album :

I go to the movies and i go downtown
But someone's always telling me
Don't hang around"
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D'un point de vue esthétique,l'impact de cette apre tranche de vie fut tout aussi dévastateur.Je ne pense pas le surévaluer en le comparant a l'apparition du néo réalisme italien au cinéma,lorsqu'en redécouvrant la poésie du quotidien,on eut besoin d'un nouveau vocabulaire,et d'une nouvelle esthétique pour remplacer l'ancienne.Le" nouveau vocabulaire" de James Brown,tout comme celui des réalisateurs italiens fondé sur une nouvelle appréciation de la beauté familière,bouleversa le paysage du rhythm & blues.Tout d'un coup,la façon de se présenter d'un Ray Charles apparaissait cérémonieuse et surannée,"classique"si vous voulez,avec son orchestre de musiciens formés a lire la musique et ses partitions pour big-bands.Au contraire,le Live at the Apollo de James Brown jouait a fond la carte de l'environnement interlope et brulant,du cadrage farouchement serré autour de l'artiste et des improvisations désinvoltes propres aux performances live,
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La fusion de tous les éléments qui n'étaient jamais parvenus à s'unir jusque-là s'était enfin réalisée. C'était le son de l'Eglise, complètement livré à lui-même, délivré de ses inhibitions. C'était la voix extatique et intense de Ray Charles, celle que le monde allait apprendre à connaitre. Il est assez étonnant de constater que "I got a woman" n'est jamais entré dans les hit-parades pop, mais il a probablement exercé plus d'influence sur le cours de la musique populaire américaine que n'importe quel single passé ou à venir. (...) Il écrivit plus tard dans son autobiographie : "Je chante des Spirituals depuis que j'ai trois ans, et j'écoute du blues depuis au moins aussi longtemps. Quoi de plus naturel alors que de les combiner ? ça ne nécessitait aucune réflexion, aucun calcul. Tous les sons étaient là, dans ma tête."
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