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sur 232 notes
Tout commença par la révolution bolchevique de 1917, Ketevan célèbre chocolatier de Tbilissi voit son entreprise familiale s'écrouler face au rouleau compresseur russe. Pour la famille une porte sur l'inconnu vient de s'ouvrir.
Tout commença avec la première vie, celle de Anastasia . le rêve de Stasia c'est la danse et les longues chevauchés dans la campagne Géorgienne avec le beau lieutenant Simon Iachi .
Et nous voilà parti pour un voyage dans le temps, une balade généalogique où le destin de sept femmes et un homme vont participer à leurs façons au destin d'un pays la Géorgie. Niza Iachi est née en 1973 elle est la septième vie, Niza est très proche de son arrière grand mère Stasia qui lui raconte l'histoire familiale des Iachi.
J'ai découvert Nino Haratischwili dans un reportage sur Arte, cette femme a quitté son pays la Géorgie. Dans cette magnifique saga familiale l'autrice nous raconte huit vies, des portraits touchants, des destins brisés comme son pays.
La rencontre de Niza et de Brilka sa nièce la huitième vie va être un moment de lecture inoubliable, une histoire dans l'histoire qui m'a beaucoup touché. Si vous avez envie de voir des fantômes sous le cerisier jouer aux cartes, ou Kitty la quatrième vie jouer de la guitare à Prague en 1968 ou de goûter un chocolat mystérieux et surtout si vous aimez la généalogie et les sagas familiales découvrez ce très beau roman « la huitième vie «  de Nino Haratischwili.
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C'etait Borges qui avait ecrit: “Des divers instruments de l'homme le plus etonnant est sans doute le livre. Tous les autres sont des extensions de son corps. le microscope, le telescope, des extensions de sa vue; le telephone est extension de la voix; nous avons la charrue et l'epee comme extension de son bras. Mais le livre est autre chose: le livre est une extension de la memoire et de l'imagination". Ce livre pourrait servir d'exemple a Borges, une extension reussie de la memoire et de l'imagination.


C'est une saga familiale sur cinq generations, des centaines de pages pleines d'amour et de haine, de peu de joie et de beaucoup de tristesse, d'ideaux eclates, de blessures et de morts, de blessures physiques et morales, celles faites a d'autres et celles qu'on s'inflige soi-meme, et de morts, de nombreuses morts, pas toutes naturelles, pas toutes de vieillesse.


Une epopee classique sur l'effondrement d'une famille, d'une culture, d'un environnement social. Sur un siecle. Avec tous les changements survenus avec le temps. Et autour de cette famille, c'est le destin epique d'un pays, captif d'une grande puissance, sequestre par elle et claquemure dans un systeme totalitaire, tyrannique: la Georgie.


La narratrice, Niza, mene une enquete effrenee pour reconstruire l'archeologie familiale, ses petits secrets et ses grandes entreprises, les peripeties de la vie de chaque generation, et transmettre ce recit a sa jeune niece, Brilka, lui transmettre la memoire de la famille, comme un talisman conferant un meilleur avenir.


Tout commence au debut du XXe siecle par un georgien qui concocte une recette de chocolat euphorisant, mais qui peut avoir des effets malefiques. La recette passera les generations par les filles, jusqu'a Niza, qui par son recit abolit la malediction qui y est imbriquee.
Les femmes sont les grandes protagonistes de cette saga, toutes de grandes heroines de tragedie. Un seul homme dans cette famille, Kostia, mais de nombreux autres, recueillis par les femmes de la lignee, aimes par elles, et qui seront les instruments de leurs malheurs.


8 chapitres, un par protagoniste (et portant son nom comme titre), precedes d'un prologue narrant les efforts d'un chocolatier qui reve d'enraciner les saveurs et l'esprit de Vienne en Georgie mais est depossede par la revolution bolchevique.
Je passe en revue ces chapitres, et leurs hero[ine]s:
1.- Stasia. La fille du chocolatier, reve de devenir danseuse a Paris, mais sera vite mariee a un officier de l'armee rouge, servant toujours loin d'elle, qui lui fera deux enfants pendant ses breves permissions. Sans arret a sa recherche, elle rencontrera d'autres femmes qu'elle aimera et qui la marqueront a vie, surtout une poetesse d'avant-garde, Sopio, immolee par la revolution et dont elle elevera l'enfant, Andro. Cet enfant sera le premier d'une lignee de garcons que les descendantes du chocolatier aimeront, une apres l'autre, des amours toujours tragiques. Stasia ne reviendra a sa passion de la danse que pour son arriere petite-fille, Niza, qui se rappellera toujours son ultime pas de deux.
2.- Christine. La petite soeur de Stasia. Tres belle, elle se mariera a un haut fonctionnaire du regime, mais devra ceder ses faveurs au “petit grand homme", comme est designe ici le terrible Beria des services secrets. Son mari se suicidera et elle se brulera la moitie de la figure a l'acide. C'est elle qui acceuillera plus tard le fils et le petit fils d'Andro.
3.- Kostia. Frere de Stasia. Communiste convaincu, il s'enrolera dans l'arme de mer et y fera une belle carriere, devenant un grand ponte. Il sera tres dur avec les siens et poursuivra sans relache Andro, qui avait pris le parti de nationalistes pro-allemands, et toute sa descendance. Il fera tout pour l'envoyer au goulag et des annees plus tard faire torturer et tuer le fils de celui-ci, qui avait eu le malheur d'engrosser bien malgre lui sa fille Elene. le parti est sa patrie. le parti est sa vraie famille.
4.- Kitty. La fille de Stasia. Elle aimera Andro, sera torturee a cause de lui, perdra l'enfant qu'elle porte de lui et ne pourra plus en avoir. Eternelle opposante, elle sera exfiltree hors de l'URSS avec l'aide d'un ami de Kostia poste a Londres et arrivera a faire une fulgurante carriere de chanteuse. Louve solitaire malgre un pitoyable amour lesbien, elle finira par se suicider.
5.- Elene. La fille de Kostia, qui l'eloigne des siens pour lui offrir une education a Moskou. Mais Elene se revolte, se cloitre dans une apathie provocatrice et par defi viole le fils qu'Andro a eu au goulag, et qui a ete recueilli par Christine, Misha. Kostia la fera avorter de force, et elle le fuira pour s'aboucher avec des marginaux, reprouves par le regime et par son pere. Elle aura deux filles, de deux peres differents, que son pere lui soustraira pour les eduquer a sa maniere.
6.- Daria. La plus belle des filles d'Elene. La preferee de son grand-pere Kostia qui la choie. Elle snobe sa soeur Niza jusqu'a ce que celle-ci se mette en danger pour lui permettre de jouer un premier role au cinema. Elle devient une petite star, mais mariee a un homme qui la maltraite, elle decline, et dans son desespoir finit par se suicider (ou etait-ce un accident? On ne saura jamais).
7.- Niza. Elle n'est pas belle mais tres intelligente. Delaissee et meprisee par le grand-pere qui les a recueillies, elle trouvera un soutien aupres de son arriere grand-mere Stasia, qui lui passera peu a peu les histoires de la famille. Elle aussi, comme les femmes des generations anterieures, s'eprend d'un rejeton du vieux Andro, de Miro, fils de Misha (que sa mere avait viole). Mais elle veut fuir, loin de sa famille, et lui est un indecis, alors elle part seule, grace a un mariage blanc, pour l'Allemagne, ou elle vivote jusqu'a ce qu'apres quelques annees un telephone de sa mere lui apprenne que Brilka, la fille de Daria, a fait une fugue et lui enjoint de la ramener a la maison. Elle rattrappera la fillette de 12 ans, et constatant son desarroi, decidera de lui ecrire et lui dedier l'histoire de la famille, tout le deroulement d'espoirs et de douleurs, pour qu'elle puisse surpasser des fatalites hereditaires. C'est comme si Niza, qui c'etait eloignee pour ne plus souffrir, reprenait par le truchement de Brilka le chemin de retour vers sa famille, et cette fois en essayant de cicatriser les blessures du passe et de prendre, avec et pour Brilka, un nouveau depart.
8.- Brilka. le chapitre est vide. Rien n'est ecrit. Ce sera a Brilka de l'ecrire, et Niza espere surement que ce sera un chapitre plus heureux, ou au moins plus serein.


Brilka, qui vit au moment ou l'URSS s'est effondree et n'est plus que la Russie, ou la Georgie a retrouve son autonomie, peut etre une nouvelle page, une page blanche. Chez tous les autres personnages, tous ceux et toutes celles qui l'ont precede, le totalitarisme a laisse ses traces, des traces douloureuses de peche et de faute. Dans un long deroulement de situations-limite les protagonistes delabrent, desagregent les categories morales, trespassant souvent la fine ligne, la frontiere floue qui separe la cruaute des bonnes intentions. C'est le dilemme bien connu de la fin et des moyens, epluche ici a l'echelle de la famille, de gens proches entre eux. La cruaute est plus significative, plus notoire, chez les hommes, qui ont tous ou presque laisse une partie de leur ame a la guerre ( et il y en a eu, des externes et des internes fratricides, en ce siecle! ), mais les femmes n'en sont pas denuees pour autant.


C'est donc une lecture qui prend aux tripes. Bien sur, il y a eu des moments ou je me suis dit que c'etait trop long, sans raison veritable; des moments ou la repetitivite de l'action m'a agace. Les meres, generation apres generation, ne s'occupent pas de leurs propres enfants, elles les laissent a d'autres, et souvent s'occupent mieux d'enfants etrangers; ou pas vraiment etrangers, mais de la lignee parallele, celle qui est poursuivie par les hommes et aimee par les femmes. Generation apres generation, les descendantes de Stasia aimeront les descendants de son amie Sopio, qui en paieront le prix. Et elles s'occuperont des enfants qu'ils feront avec d'autres femmes. Une repetitivite qui peut lasser, voire exasperer. Et tous les personnages attrapent a un moment ou un autre des pulsions destructives. Tous changent abruptement et sont detruits par ou dans ce changement. Comme une recette litteraire rabachee a l'exces. Et les incipits de chaque chapitre, slogans communistes ou vers de poetes dissidents, qui n'eclairent presque jamais la suite, eux aussi m'ont semble courir apres la recette du best-seller pour intellos. Bref, tout n'est pas parfait dans ce livre. Et pourtant il emeut souvent, il prend aux tripes. Il recele de tres belles pages. Malgre les longueurs c'est un livre absorbant. Une des belles oeuvres produites en la peripherie de l'empire russe, dans la meilleure tradition de la litterature russe, bien qu'elle air ete redigee en allemand. Si je veux la caracteriser en un mot: opulente. Ou fastueuse. Ou luxuriante. Choisissez vous-meme (apres l'avoir lue, ce que je conseille).
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Il ne faut pas que ses 955 pages vous effraient. Je connais des livres de 200 pages qui me sont tombés des mains. Celui-ci ne m'a pas lâché.

J'en ressors ébahie, légèrement groggy et tellement admirative de Nino Haratischwili que je ne tarderai pas à ouvrir un autre de ses livres. Cette jeune autrice, vivant depuis une quinzaine d'années seulement en Allemagne, a réussi le pari fou de nous faire vivre, à travers l'histoire d'une famille de 1917 à nos jours, la réalité politique, sociale et humaine de son pays d'origine : la Géorgie, et d'une bonne partie de l'ancien bloc de l'Est (Union soviétique et RDA confondues). Et tout cela dans sa langue d'adoption.

"Toi et moi, et la légende, nous vivons. Alors nous devons essayer d'en faire quelque chose."

Le récit commence par la fugue de Brilka (adolescente un peu paumée et révoltée, qui a fui la Géorgie dans l'espoir de rejoindre Vienne) et l'obligation dans laquelle se trouve Niza (sa tante vivant en Allemagne et qu'elle n'a pas vu depuis son enfance) de la ramener chez elle. Niza va alors entreprendre l'écriture d'un livre pour Brilka, afin de lui raconter l'histoire de sa famille – ces racines si précieuses qui vous aident à tenir debout…

"C'est peut-être ce jour-là précisément que j'ai compris aussi que dans la courte et banale histoire de ma vie étaient déjà inscrites beaucoup d'autres vies qui côtoyaient mes pensées et mes souvenirs, que je collectionnais et qui me faisaient grandir. Et que les histoires que j'aimais tant soutirer à Stasia n'étaient pas des contes qui me transportaient dans un autre temps, elles constituaient la terre ferme sur laquelle je vivais."

Dans les veines de Brilka coule le sang des Iachi. Tout commence avec un célèbre chocolatier et un breuvage amer et doux, suave et sucré, chaud sans être brûlant : un mystérieux chocolat lié aux destins singuliers de cette famille que vous aurez du mal à quitter.

Je ne vous raconterais rien de plus. Il faut le lire et vous laisser emporter.

Les personnages foisonnent, mais vous ne vous y perdrez pas. Un arbre généalogique dans le revers de la couverture vous permettra de mieux situer les protagonistes. Les personnages féminins sont admirables. Pour ma part, Kitty, Stasia et Niza font partie de ceux dont j'ai eu le plus de plaisir à suivre l'histoire. Et Christine aussi…

Il y a tellement de thèmes abordés dans le livre de Nino Haratischwili, que je ne retiendrais que ceux qui m'ont le plus marqué :

– la lente désillusion que fut le socialisme, l'extermination de masse qui en découla, et tout ce que l'on sait mais qui est montré ici, de façon un peu différente car vu par le prisme de ce pays particulier qu'est la Géorgie, berceau de Staline ;
– le pouvoir de la terreur sur les êtres humains ;
– la place laissée aux femmes dans cette société prétendument égalitaire : celles qui le refusent, celles qui l'acceptent ;
– de si belles réflexions sur ce que sont l'exil, le déracinement et cette nécessité de l'intégration, si difficile ;
– la danse et ses illusions ;
– la chute du mur, ses espérances et ses désillusions ;
– cette vague de liberté qui a déferlé après la chute du mur de Berlin ;
– le prix de la vengeance : aussi élevé que l'on y renonce ou qu'on l'assouvisse ;
– les promesses que l'on se fait et qu'on ne tient pas toujours ; celles que l'on fait aux autres et qu'on n'oublie jamais ;
– …

Je m'arrête là, tant me semble si dérisoire cette liste qui ne vous donnera qu'un si maigre aperçu de la richesse de cette histoire.

Cette huitième vie, je vais la relire. Pour la beauté de son style, pour ses personnages hors normes, pour toutes ces citations en début, milieu ou fin de chapitre, qui apportent tellement à la narration, pour tout ce que je ne vous dis pas non plus…

"Tu n'as plus à avoir peur, ni de la foudre et du tonnerre, ni d'un malheur ou de la mort. J'ai écrit contre la malédiction. J'ai essayé d'écarter de ton chemin tous les obstacles et pièges. Tu vas quand même trébucher, tomber, mais je serais là, je t'aiderai autant que possible à te relever. Désormais je serais là, pour le reste de ma vie. Et c'est la seule promesse que je puisse faire à quelqu'un. Je te la fais, à toi."
Lien : https://page39web.wordpress...
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En 2006, en Allemagne, la jeune Brilka fugue. Sa tante, décide d'écrire l'histoire de leur famille.

Leurs rêves, leurs espoirs, leurs désillusions. Cette famille traversera la révolution bolchévique, la seconde guerre mondiale

Une tante enfuie la recherche de sa nièce mais surtout à la recherche de sa propre vie à travers l'histoire de sa famille.

Une excellente traduction de Barbara Fontaine et Monique Rival porte cette flamboyante saga qui raconte le destin d'une famille géorgienne au XXe siècle.

Nino Haratischwill relate une fresque familiale poignante qui se déroule en Georgie certes mais aussi en Union Soviétique, à Londres et à Berlin...

L'autrice a effectué un travail de recherche considérable pour ancrer l'histoire dans des faits réels, qui se déploie sur presque un siècle, de la révolution russe jusqu'au début du XXIeme siècle,

Une galerie de personnages de chair et d'os, étonnamment vivants, attachants, émouvants, fragiles, ou parfois exécrables. 1200 pages foisonnantes, bouillonnantes de vie et d'une déconcertante fluidité. Un roman très riche!!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Ouf ! j'ai fini ce pavé de presque 1000 pages imprimées serrées et je me retrouve bien embêtée pour chroniquer cette (trop) longue fresque romanesque qui m'a promenée dans tout le XXe siècle, de Tbilissi à Berlin, en passant par Moscou, Paris, Londres, Vienne et j'en oublie. Niza, la narratrice installée à Berlin, raconte à Brilka, sa nièce de 12 ans qui vient de fuguer de chez elle, l'histoire complexe et dramatique de leur famille. Pour ce faire, elle remonte à son trisaïeul, le fabricant de chocolat dont on ne connaît que le nom de famille (Iachi), artisan devenu prospère avant 1917, l'année de tous les changements en Géorgie, en Russie et, pour simplifier, dans ce qu'on appelle « les pays de l'Est ». Pour la descendance des Iachi, on s'y retrouve assez facilement grâce à l'arbre généalogique présenté sur un des rabats de la couverture. J'ai pourtant dû rapidement en faire un autre, celui des descendants de Sopio, l'amie de Stasia, car les membres de cette « famille » vont être liés de très près aux Iachi, et les liens tissés sont d'une importance capitale pour la compréhension des traumatismes que subissent les personnages de génération en génération. L'histoire des deux familles est indissociable de l'Histoire du XXe siècle. Je ne connaissais à peu près rien de la Géorgie avant de lire ce roman, et Nino Haratischwili donne une foultitude de renseignements parfois passionnants, parfois superflus à mon avis. le roman permet de mesurer l'emprise et le sadisme du « petit grand homme » (Lavrenti Beria ne sera nommé que dans la septième partie), le poids de la dictature locale et celui de la présence du « grand frère » soviétique, les compromissions nécessaires à la simple survie, la déportation, la corruption, les privilèges d'une certaine élite et la peur omniprésente même dans la vie quotidienne.
***
« Je vais commencer par Stasia pour arriver à toi, Brilka », dit Niza à sa nièce dans le prologue qui sert d'introduction et qu'il est, je crois, nécessaire de relire à la fin du roman. Cette saga se compose de huit parties titrées du prénom du personnage principal ; sept parties pleines d'histoires et d'Histoire, de rebondissements, de drames et de tragédies, d'amours et de déchirures, celles de Stasia, Christine, Kostia, Kitty, Elen, Daria, Niza, et une huitième suivie d'une page blanche : l'histoire de Brilka reste à écrire. Dans la septième partie, celle où Niza devient le personnage principal, au moment de la naissance de Brilka, cette dernière passe du statut de destinataire à celui de personnage à part entière, et Niza s'en explique dans les pages 851-852. Cet artifice m'a semblé original et les raisons qu'expose la narratrice se révèlent touchantes et pertinentes. Je crois pourtant que ce beau roman aurait gagné à être plus condensé. J'avoue m'être parfois ennuyée çà et là malgré la qualité et la profondeur de l'écriture, surtout pendant la partie dévolue à Elen, peut-être parce que je n'ai pas réussi à éprouver de véritable empathie pour ce personnage difficile, alors que Kostia, malgré son intransigeance, réussit par moment à montrer ses failles. Un beau roman dans l'ensemble qui me poussera à lire le Chat, le Général et la Corneille
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Un grand merci à la masse critique de Babelio et aux Editions Piranha pour m'avoir invité à la dégustation de la huitième vie, aussi onctueux qu'un bon chocolat chaud (ceux qui l'ont lu comprendront).

Ah, la Géorgie ! Quant on a eu la chance de la visiter, même sur un laps de temps relativement court, c'est un pays qu'on n'oublie pas. Pour ses habitants, chaleureux et bons vivants, et pour ses paysages d'une beauté à couper le souffle. Pour qui connait (un peu) la Géorgie, la Huitième vie de Nino Haratischwili est un pur bonheur, une saga familiale sur six générations qui embrasse l'ensemble du XXe siècle. Mais pour qui ignore tout ou presque de ce pays, que d'aucuns considèrent à tort comme une « région » russe, toujours cette confusion entre Union soviétique et Russie, pour celui ou celle-là, le voyage dans le temps et l'espace sera sans doute fort dépaysant et mouvementé. Cette fresque au long cours qui commence au début du XXIe siècle et s'y achève, se permet un flashback qui va occuper les 960 pages du livre au gré de la remontée du temps, en suivant de façon croisée les personnages d'une même famille géorgienne, et ceux qu'ils côtoient. On pense évidemment au « grand » roman russe mais le caractère caucasien du livre et de son auteure (même si Nino Haratischwili vit en Allemagne depuis près de 15 ans et écrit en allemand) lui donne souvent un ton différent qui n'est pas si loin du réalisme magique latino-américain, en particulier celui que l'on retrouve dans les premiers livres de la chilienne Isabel Allende. Tout au long de la huitième vie, la romancière fait résonner la grande Histoire dans l'intimité des existences et de la famille Iachi, dont quelques uns des membres successifs ont droit à un chapitre particulier. Ce qui n'empêche pas Nino Haratischwili de mener plusieurs intrigues en parallèle, tout en rappelant à intervalles réguliers les grands événements du siècle et leurs conséquences directes ou collatérales chez les Iachi. C'est assez vite l'histoire de l'Union soviétique qui donne le tempo en particulier quand son « guide » s'appelle Staline (son nom n'est jamais prononcé dans le livre comme si son origine géorgienne était une raison supplémentaire de le honnir). Les personnages du livre sont ballotés par les mouvements de l'histoire et leurs contradictions mêmes y sont ancrées. le roman est d'ailleurs basé sur de multiples oppositions au sein de la famille Iachi, ses membres se construisant ou se détruisant dans ces antagonismes intimes. Il serait trop long d'énumérer tous les personnages de cette saga séculaire, chacun d'entre eux est amoureusement défini avec force détails par la romancière, avec leurs qualités et leurs défauts, et une destinée le plus souvent funeste. On pourrait reprocher au livre son côté mélodramatique mais les tragédies personnelles s'inscrivent dans le cheminement d'un siècle terrible et Nino Haratischwili les décrit avec une belle humanité. Dense et luxuriant, La huitième vie se lit comme un feuilleton passionnant avec moult rebondissements. Tout commence avec une recette de chocolat chaud, doté de pouvoirs magiques, qui passera de mains en mains, et qui constituera une sorte de sortilège récurrent souvent malheureux pour les Iachi. Il n'est pas besoin d'en savoir plus pour embarquer dans cette croisière vers le grand large romanesque.

Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Cette immense fresque qui se déroule sur quasiment un siècle, entre 1917 et 2007, nous fait découvrir l'histoire de la Géorgie et voyager à travers le monde entier, de Tbilissi à New-York en faisant étape à Prague, Londres, Berlin, Moscou, les rives de la Baltique, et en traversant au passage, en coup de vent, l'Italie, la Grèce et la Turquie.
C'est aussi une grande saga familiale sur six générations, et même une double saga, car le récit porte aussi sur la malheureuse destinée de la descendance de Sopio, l'amie de Stasia.
Au départ j'ai pris peur en voyant l'arbre généalogique présenté : il est bien utile mais présenté de façon peu habituelle (l'ancêtre est en bas de l'arbre) et on ne sait pas clairement qui est un homme ou une femme quand les prénoms et surnoms terminent par a. Très vite ces difficultés se sont résolues d'elles-même au fil de l'histoire et ce n'est pas du tout un problème. Ce que j'ai le plus apprécié, c'est la complexité des personnages, leur évolution dans le temps, et le côté roman sur la transmission, et la non-transmission, sur les secrets de famille, ou plutôt sur les non-dits. La manière dont la Grande Histoire et les événements familiaux, les destins brisés, s'entre-croisent, est remarquable, contribuant à créer un schéma comportemental chez les femmes de la famille et à transmettre quelques névroses. Les personnages ne sont pas de ceux auxquels il est facile de s'identifier sans condition, mais ils sont terriblement attachants malgré leurs travers.
J'ai juste ressenti une petite pointe de déception avec ce qui promettait d'être un beau fil conducteur, la malédiction chocolaté du fabricant de chocolat. C'est bien un fil conducteur, mais je m'attendais à autre chose, à une échappée vers du réalisme magique qui n'est pas du tout là, malgré les fantômes de Stasia qui jouent aux cartes sous le cerisier du jardin.
La fin, inhabituellement ouverte, à la fois inattendue et parfaitement logique, est une surprise pour une saga d'une telle ampleur.
L'histoire est construite avec un brio étonnant : l'ancrage historique est patent mais n'alourdit jamais le récit, c'est foisonnant et en même temps le lecteur a l'impression d'un récit relativement linéaire. Un excellent roman, magistral et inoubliable.
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Stasia, Christine, Kostia, Kitty, Élène, Niza, Daria, Brilka, des prénoms dont je vais certainement me souvenir longtemps tant leur histoire m'a transportée durant toute la lecture de ce roman de près de 1 200 pages.
1 200 pages que j'ai dévorées ; roman que j'ai refermé avec regret, ralentissant même ma lecture pour ne pas quitter la famille Iachi.
De l'ancêtre, Ketevan, le fabriquant de chocolat, inventeur d'une mystérieuse et irrésistible boisson au chocolat, à l'adolescente fugueuse , Brilka, Nino Haratischwili nous conte le destin d'une famille géorgienne sur près de 100 ans. Entremêlant l'intimité de cette famille et L Histoire très douloureuse et mouvementée de son pays natal, Nino Haratischwili nous tient en haleine avec un souffle romanesque impressionnant.
Partagé en Livres, un pour chaque personnage essentiel de cette famille reliés par Niza, la passeuse de mots et d'histoires, ce roman est passionnant, plein d'amours, de violence et d'espoir.
J'ai beaucoup appris sur le sort de la Géorgie, pays à l'ombre de l'écrasante Russie puis devenu République de celle-ci dominé par un régime de terreur, avant de devenir indépendant.
Stasia, Christine, Kostia, Kitty, Élène, Niza, Daria, Brilka, je ne les oublierai pas ; Andro, Guiorgui également mais surtout Ida dont le destin m'a bouleversée.


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Pourquoi 5 étoiles à ce roman ?
Le Chocolat chaud.
"Son goût était incomparable, sa dégustation tenait d'une expérience supraterrestre, de l'extase spirituelle."
J'ai goûté la recette mystérieuse du Chocolat chaud, bénédiction et malédiction à la fois.
Bénédiction parce que cette recette addictive m'a poussée à tourner ces 950 pages sans m'arrêter, ou presque.
Malédiction parce que je n'ai rien fait d'autre de tout le week-end (bon, en même temps, il a fait que flotter).
Cette recette a été mise au point par un chocolatier géorgien à la fin du 19ème siècle, c'est le secret de son succès, c'est une recette magique transmise très confidentiellement de père en fille. On est à Tbilissi, dans cette "Géorgie ensoleillée", cette "Colchide dorée" dont la douceur de vivre fait un petit coin de paradis, la "Nice du Caucase".
Le Chocolat chaud est rare, très très rare, réservé uniquement aux jours de grande détresse ou de grande célébration.
Mais il y en aura, des jours de détresse, tout au long de cette saga familiale et épique, traversant toute l'Histoire de la Géorgie au 20ème siècle, Première guerre mondiale et révolution bolchevique, stalinisme et "Grande guerre patriotique", Guerre froide et succession des Premiers secrétaires, effondrement de l'URSS.
Et ce souffle de l'Histoire s'incarne au travers des personnages attachants de Stasia la danseuse, de sa demi-soeur Christine à la beauté tragique, de l'amour condamné de Kitty et Andro, du "deuil empoisonné" de Kostia...
Les épisodes sont ponctués de citations extraites de poètes russes, d'écrivains classiques tout comme de chansons rock, ou de slogans collectivistes.
Pour en revenir au Chocolat chaud, tout ce que je peux vous dire de lui c'est qu'il faut utiliser du chocolat noir fondu, (donc pas du cacao en poudre), et qu'il contient du…, de la… et un…
Plus d'autres ingrédients, qui resteront pour toujours une énigme, mais qui apportent à ce roman une saveur absolument inimitable.
Parfaite traduction de Barbara Fontaine et Monique Rival.
Challenge Globe-Trotter (Géorgie)
LC thématique de novembre 2022 : "Videz vos PAL !"
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Géorgienne d'origine, mais installée à Berlin et écrivant en allemand, Nino Haratischwili raconte dans ce livre, à travers les destinées d'une famille, l'histoire de la Géorgie, tout le long du XXe siècle jusqu'au début du XXIe. 1200 pages (en édition de poche) 6 générations, le livre s'installe dans la durée pour raconter un siècle de tumultes : la révolution russe et ses conséquences en Géorgie, le stalinisme, la seconde guerre mondiale, la perestroïka, l'indépendance et ses vicissitudes, les guerres qui suivent etc le roman vise à donner un panorama complet des événements historiques à travers les destinées de la famille des Iachi, et tout particulièrement des femmes. le fondateur de la dynastie, appelé « le fabricant de chocolat » va donner naissance à des filles, dont Stasia, qui rêve de devenir danseuse, mais qui épousera un bel officier, qui saura tourner casaque au bon moment et devenir un officier important de l'armée rouge, ce qui protégera sa famille. Sa demie-soeur, Christine, à la beauté envoûtante, épousera quand à elle un puissant membre du parti, s'assurant une vie plus que confortable. Les deux femmes, veillerons comme des sortes de génies tutélaires sur la descendance de Stasia : Kostia, son fils, dont la carrière dans l'armée va éclipser celle de son père, Kitty sa soeur, Elene la fille de Kostia, ses deux filles aux pères absents, et enfin Brilka, la dernière de la lignée. Avec comme arme secrète, la recette envoûtante de chocolat, laissée par l'ancêtre.

C'est un livre ambitieux incontestablement, et qui permet de mieux connaître l'histoire de la Géorgie depuis un siècle. Mais j'avoue avoir trouvé cela long, et par moments quelque peu démonstratif, les membres de la famille ou leur proches devant illustrer les destins de tout un peuple, la vraisemblance était parfois à mon sens un peu chancelante. le personnage de Kitty est celui dont la vie m'a paru la moins probable, et donc qui me faisait pas mal décrocher. Je n'ai pas été non plus été vraiment emportée par l'écriture, pas très originale à mon sens. Un pathétique un peu appuyé, une sorte de malédiction qui plane sur la famille, même si elle reflète le destin tragique du pays, donnait un peu trop dans un sentimentalisme un peu trop marqué à mon goût. Il y a des beaux moments, des choses qui sonnent juste, et qui m'ont donné envie de m'accrocher jusqu'au bout à ce livre, mais j'ai poussé un soupir de soulagement à la dernière page tournée.
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Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5263 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

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