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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Aline Berger est professeur de littérature, elle a écrit une thèse sur La Recherche du Temps Perdu de Proust, et est actuellement occupée à la rédaction d'un article sur Orlando, de Virginia Woolf. Ces éléments sont importants car le roman comporte d'innombrables références aux oeuvres de ces deux auteurs. C'est lors d'un voyage à Paris que la chose se produit : la partie masculine d'Aline, Orlanda, celle qu'elle a toujours refoulée, décide de sortir de son corps pour intégrer le corps d'un homme et pouvoir donner libre cours à ses envies et pulsions. J'avais lu Proust, mais pas Virginia Woolf. Je pense donc n'avoir pas pu apprécier toute la richesse du texte de Jacqueline Harpman. Néanmoins, je me suis régalée et je mets même une 5ème étoile pour l'originalité de ce roman.
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Aline, trentenaire à la vie bien rangée, attend un train dans un café, à quelques mètres de Lucien, un jeune homme séduisant lassé par la vie. Alors que la belle universitaire essaie de percer à jour les secrets de Virginia Woolf, sans qu'elle s'en rende compte, une partie de son âme se détache d'elle et va se loger dans le corps du beau Lucien.

Comme je l'ai expliqué dans mes précédents articles, j'ai, au cours de ces derniers mois, développé une grande admiration pour Jacqueline Harpman. Par conséquent, une fois remise de ma lecture de Moi qui n'ai pas connu les hommes, je me suis attaquée à mon troisième roman d'Harpman, Orlanda, l'oeil sans doute attiré par ce titre qui n'était pas sans me rappeler un certain Orlando. Il s'agit en effet, comme vous l'aurez sans doute compris, d'un hommage au célèbre roman de Virginia Woolf, dont la poésie m'avait bouleversée. Malheureusement, je n'avais pas poussé ma lecture plus loin, ne m'était pas documentée sur ce roman et n'avait pas cherché à « trouver le sens derrière les mots », ce à quoi ma chère compatriote belge s'est empressée de remédier.

Et c'est indubitablement ce qui m'a le plus séduite dans ce livre : Jacqueline Harpman y développe une interprétation tout bonnement fascinante de l'Orlando de Virginia Woolf. Je vous laisse juge :

"Mais il n'a jamais été un garçon ! s'écria-t-elle. Les sept jours au lit, ma mère m'en a assez bassiné les oreilles, c'est la puberté ! Tout n'est qu'allégorie et c'est elle-même que Virginia raconte ! […] C'est dans l'enfance que les années passent sans qu'on vieillisse ! Et puis le moment du grand changement est venu, il a fallu d'enfant asexué passer à la femme. "

​Ainsi, la plus grande révélation fut pour moi qu'Orlando avait toujours été femme, figurant Virginia Woolf elle-même qui, en passant à l'âge adulte, se voit contrainte de renoncer à sa liberté, car la condition de la femme est emprisonnée de convenances et de règles. Jacqueline Harpman parvient, par cette interprétation, à faire ressortir de ce livre au style alambiqué une vision féministe.

Je trouve aussi admirable qu'elle ait trouvé un moyen d'aborder le sujet à sa manière, en lui donnant une signification bien plus limpide que la version originale et une moralité clairement exprimée. Ainsi, chacun de nous devrait s'écouter, ne pas se restreindre à ce que son entourage attend de lui, et tout simplement se laisser être lui-même. A cet égard, cet extrait est très représentatif :
On détruit sa vie sans le savoir, pour complaire à des gens qui vous ennuient, mais auxquels on n'arrive pas à résister. ​
En effet, il aura fallu que le pauvre Lucien se retrouve possédé par un inconnu sans attaches aucune à sa famille pour qu'il parvienne à dire non aux attentes illégitimes de sa famille. Car contrairement aux idées reçues, on ne doit pas forcément l'obligeance à sa famille, à partir du moment où elle nous rend malheureux. Cette idée est très peu courante, et encore plus rarement exprimée, alors que ces notions de devoir et d'appartenance familiale empoisonnent la vie de tant de gens.

Aussi, tout comme dans le Bonheur dans le crime, l'auteur glisse toute une série d'allusions à son rôle de romancière, tenant entre ses mains le destin de ses personnages, qui semblent pourtant lui échapper. J'aime beaucoup ce genre d'effets littéraires, par lesquels un écrivain se joue de son lecteur.

Enfin, la confrontation matérialisée des deux parties opposées d'une seule âme est tout bonnement fascinante. Effectivement, l'étrangeté et l'originalité de la situation m'a subjuguée.

En conclusion, alors que les premières pages m'avaient fait craindre une déception (les personnages ne prennent de relief qu'au fil du récit. Au début, ils sont très stéréotypés : Orlando est immature et imbu de sa personne, Aline est vide et sans intérêt), pour toutes les raisons que je viens d'énumérer, j'ai beaucoup aimé une grande partie du roman. Malheureusement, une fois les deux âmes retrouvées, le temps m'a semblé long, il s'écoule de nombreuses pages sans qu'il ne se passe rien de remarquable. Cependant, la fin est conforme à mes attentes, c'est-à-dire spectaculaire et diablement immorale.

Avant de vous quitter, toutefois, un avertissement : de longs passages sont consacrés à des supputations sur le livre de Virginia Woolf, qu'il vaut donc mieux avoir lu avant, sans quoi le roman perdrait de sa saveur. de la même manière, il y est également beaucoup question de la Recherche du temps perdu de Proust, que je n'ai pas lu. Il faudra bien sûr y remédier un jour, mais en attendant, une partie de ce livre m'a totalement échappé, ce que je regrette.
Lien : https://elise-et-rapha.weebl..
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Coup de coeur pour cette auteure belge à l'écriture remarquable ! Orlanda, en hommage à Orlando de Virginia Woolf, décrit la part féminine et la part masculine en chacun de nous. Et il apparaît clairement que ces deux parties sont largement fondées sur l'éducation et les stéréotypes. Aline, presque par hasard, donne naissance à un autre"elle" qui se révèle être un "lui". Parce qu'il se constitue de cette part masculine qui a été brimée en elle ! Mais peut-on vivre sans cette moitié de soi que Platon évoquait dans le mythe de l'androgyne.
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Jacqueline Harpman ose dépasser les frontières du réel pour traiter les questions d'identité.
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