Jolie petite saga uchronique d'une parenthèse au sein du XVIIième siècle où va régner sur la France (et bientôt plus) la tumultueuse Maria Conception.
Encore jeune infante d'Espagne, Maria Conception s'attache à la vie à la mort à Girolamo, un garçon à peine plus jeune qu'elle, rescapé d'une galère de pirates arraisonnée par les corsaires du roi. Girolamo, probablement italien, probablement vendu par sa famille à un sinistre destin, a été châtré par les pirates et c'est le scrotum abcédé qu'il arrive, quasi mourant, devant la jeune infante. Celle-ci le sauvera en le tenant éloigné des médecins et en le faisant soigner par une sage-femme. Suite à son amputation, le garçon restera eunuque impuissant toute sa vie. Maria Conception obtient de son père le roi que Girolamo reçoive la même éducation qu'elle. le Roi Carlos, qui méprise ses fils amenés à lui succéder, fait donner à Maria Conception et donc à Girolamo, son ombre, une éducation complète: sciences, langues, humanités, tout y passe , de l'anatomie à l'astronomie, de l'équitation à l'escrime et même aux travaux des paysans, agriculture, élevage etc...
Lorsque Maria est amenée à épouser le jeune Edouard, roi de France (dans cette parenthèse de XVIIième siècle ce n'est pas
Louis XIII qui succède à
Henri IV), elle est plus que prête à devenir une Reine grandiose. En 2 temps, 3 mouvements, elle s'impose à la tête du royaume de France, Girolamo ne la quittant pas d'une semelle, ou si peu (lorsque le roi partage son lit essentiellement). Ces deux là ont grandi, Maria qui aime bien son mari, un jeune homme charmant, apprécie l'amour physique et se désespère de plus en plus de ne pouvoir le faire avec son seul et véritable amour, son fidèle Girolamo.
Le roman prend alors une double direction:
-d'une part roman "historique" de l'ascension de la Reine: des intrigues politiques, militaires, diplomatiques...tout ceci dans le climat des guerres de religion... lorsque, comme moi, on aime ce genre d'histoires, on est servi. Maria Conception est La Reine qu'on n'aurait jamais décapitée: moderne, féministe, fine, orgueilleuse, maligne...et dont l'ambition ultime est, en fait... l'union européenne ! (une union européenne dont elle serait la souveraine évidemment)
- d'autre part roman d'amour et d'une passion impossible à assouvir entre Maria et Girolamo.
Et c'est là que le bas blesse (un peu): peut-être parce que l'histoire est écrite du point de vue de Girolamo (que Maria a chargé d'écrire "leur" histoire après sa mort), et que Girolamo n'a ni libido ni désir, et bien, du coup, c'est un peu plat...ces deux là ont beau se serrer fort dans les bras, on peine un peu à sentir la passion et la frustration qui les animent. On sent Maria plus tendue, plus frémissante, plus bouillonnante, mais c'est à peine esquissé. Peut-être est-ce voulu par l'autrice. Girolamo ne s'échauffe un peu que lorsque Maria l'éloigne sous un faux prétexte alors qu'elle va accoucher: là, il s'énerve et c'est bien rendu. Bref, ils ont beau se serrer et se répéter l'un l'autre qu'ils s'aiment et mourraient l'un sans l'autre, je n'ai pas assez senti la passion. On la lit la passion puisque c'est écrit mais calmement. Girolamo est un mec calme et assez posé, par la force des choses. Tant qu'il est près de Maria, et comme ils ne se quittent jamais ou presque, ben...lui, ça va en fait. de son "infirmité", il a pris son parti, on sent parfois que ça l'ennuie mais, finalement, pas plus que ça. Il est plus ennuyé pour Maria que pour lui. Bref, ça manque de rage pour une histoire d'amour passionnelle.
Le style est fluide et léger, le vocabulaire riche, c'est très drôle, Maria et sa (pauvre !) cousine sont impayables. Des clins d'yeux à des classiques de la littérature (la duchesse de Guermantes, la comtesse d'Orgel qui comme par hasard adore les bals, on évoque Fabrice del Dongo, et on croise même l'autrice déguisée en petit scribe). Une galerie de personnages attachants: Maria et Girolamo bien sûr mais aussi la famille de Lustrac, la blonde Mathilde au destin tourmenté, cette brave Mme D'Argenton, M. Corvisier, Ange et les 20 EspagnolsdelaReine.
Lorsque la parenthèse se referme, on se dit que c'est dommage.
Alexandre Dumas disait qu'on pouvait violer
L Histoire à condition de lui faire de beaux enfants: Maria, parce qu'elle est l'héroïne d'une autrice peut-être, est bien plus badasse que Margot (qui pourtant se défend pas mal) et que cette nouille d'Anne d'Autriche.
Merci à Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.