La Bête à cinq doigts

La bête à cinq doigts clôt ce recueil de vingt nouvelles avec une chute qui reste énigmatique. William Fryer Harvey crée, avec une habileté parfois diabolique, un climat d' « inquiétante étrangeté », dans lequel il nous égare souvent, laissant planer sur les choses qu'il décrit d'épais voiles, et quand la vérité surgit, insidieusement, brutalement, elle porte sur des abimes. Il est donc bien un maître du mystère. Un maitre bienveillant bien qu'il nous entraîne sur des sables mouvants, explorant de l'homme « la part maudite » et nous laissant face à des phénomènes inexplicables. Ces nouvelles sont souvent comme des puzzles. On croit y déceler parfois la main de puissances supérieures. Des rencontres sont comme des signes, des rêves révèlent le futur, bien qu'on les déchiffre trop tard. Il y a une sorte de déterminisme, de jeu, Dieu et le Diable. Je crois donc qu'on peut les qualifier de métaphysique. L'éducation de Quaker qu'a reçue l'auteur est partout présente. Il semble aussi que celui-ci, blessé de guerre, ait beaucoup puisé dans la matière de ses tourments et de ses fêlures ainsi que dans celle de nos doutes et de nos peurs

Un recueil intéressant où le fantastique est toujours très diffus. C'est plutôt un fantastique de "personnages enclins à voir du fantastique dans le monde". C'est croire voir une sorcière dans telle vieille femme à la réputation douteuse, croire à une malédiction pesant sur telle amie à qui il n'arrive que des soucis...
Racontées par des personnages confondus par leur expérience et persuadés de leurs conclusions, ces nouvelles se situent au plus proche des origines du fantastique : quelque chose qui surpasse le réel mais qui n'est pas démontrable et qui n'engage que notre croyance.

Replongée pour une nouvelle fois dans une phase victorienne, je me délecte de ces "short stories" pleines de frissons et de non-dits. Ambiance "English Country", fantômes ou prémonitions...

A recommander pour les amateurs de MR James.